Affiche sorties de films mercredi 8 juin 2022
Universal/ Metropolitan Filmexport/ Eurozoom

Ce qu’il faut voir en salles

L’ÉVÉNEMENT
JURASSIC WORLD : LE MONDE D’APRES ★☆☆☆☆

De Colin Trevorrow

L’essentiel

Le nouveau Jurassic World est plombé par son fan service embarrassant et son écriture faiblarde, malgré ses très beaux dinos.

En 2015, Jurassic World pouvait s’envisager plus comme un remake de Jurassic Park que comme une suite à la trilogie -c’était d’ailleurs le principal (le seul ?) moyen de l’apprécier : le voir comme une version des années 10 du Spielberg, avec plus de cynisme et moins d’émerveillement. Alors est-ce que Le Monde d’après est à ranger dans la même catégorie ? Ce serait effectivement beaucoup plus commode de penser que Le Monde d’après est conçu par une bande d’absolus cyniques, ou un algorithme cherchant à cocher le maximum de cases bankables, mais il semble bien que le film est né d’un réel désir de convoquer un cinéma excitant et émerveillé. Le problème est qu’il le fait en recyclant les mêmes effets que Spielberg et cet émerveillement ne fonctionne pas, parce qu’il émerveillement a déjà été provoqué par le cinéma en 1993.

Le Monde d’après se veut être la conclusion d’une saga dont pas grand-monde ne se rappelle des storylines, et qui veut pourtant les déployer comme si elles avaient l’ampleur mythique de celles de Star Wars. Sauf que ça ne fonctionne pas. Le frisson mythologique censé être provoqué par le retour des anciens n’arrive jamais. Et même les dinosaures parfois superbement animés, mélangeant le meilleur des deux mondes, le mécanique et le numérique, ne peuvent pas sauver le spectacle. Parfois dans le monde d’avant, une suite parvenait soit à rebattre les cartes soit à conclure une saga en embrassant sa mythologie. Ce monde a disparu. Perdu. Le Monde d’après, suite/reboot/remake sans autre horizon que son propre vide, ne fait que se cannibaliser elle-même.

Sylvestre Picard

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PREMIÈRE A BEAUCOUP AIME

MEN ★★★★☆

De Alex Garland

Men nous entraîne dans un apparent charmant coin de campagne anglaise. Là où son héroïne Harper (Jessie Buckley) y a loué une maison, pour tenter de se remettre d’un événement traumatique, que le film dévoilera par bribes. Sauf que sur place, la jeune femme ne va pas tarder à s’apercevoir que tous les hommes des environs ont la même tête (celle de Rory Kinnear), et que la nature, à son passage, semble émerger d’un long sommeil. Men est une fable sur la guérison et le retour à la vie, un écho aux préoccupations féministes de l’époque, un commentaire sur la masculinité toxique – question très contemporaine que l’auteur fond dans une atmosphère d’angoisse immémoriale, convoquant pour se faire des mythes locaux et les codes de la folk-horror. C’est un genre beaucoup visité ces jours-ci (Midsommar, The Witch…) mais Garland parvient à en donner une vision très personnelle, constamment surprenante, parfois très brutale, aussi brillante dans le registre de l’envoûtement que dans celui de la pure terreur.

Frédéric Foubert

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LA CHANCE SOURIT A MADAME NIKUKO ★★★★☆

De Ayumu Watanabe.

Après trente ans de métier dans l'animation, Ayumu Watanabe est passé à un autre niveau de cinéma en 2019 en dévoilant devant nos yeux ébahis Les Enfants de la mer. Un splendide trip écolo-mystique d'une beauté affolante. Trois ans plus tard, avec Nikuko, il adapte le roman à succès de Kanako Nishi en ne conservant de l’oeuvre d'origine que l'argument (une mystérieuse mère exubérante et sa fille vivotent sur un bateau, et la fille tente de percer les secrets de sa maman) pour donner naissance à un film généreux, très drôle et qui finit dans les larmes ! Watanabe s'est totalement emparé de son sujet pour en faire un anime en liberté totale, brassant toutes les variations de l'animation sans jamais se paumer. Un tour de force.

Sylvestre Picard

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PREMIÈRE A AIME

PETITE FLEUR ★★★☆☆

De Santiago Mitre

Habitué d’un cinéma politique, Santiago Mitre (El Presidente) s’aventure pour la première fois sur le terrain de la comédie. Et après une installation poussive de ses personnages (un Argentin installé en France avec sa compagne et sa fille), le récit décolle quand cet Argentin rend visite à son voisin… et, pris d’une pulsion, le tue. Avant de découvrir le lendemain ledit voisin bien vivant et de développer alors un drôle de rituel chaque jeudi : aller discuter avec son voisin avec Petite fleur de Sidney Bechet en fond sonore puis… le trucider, tout en tentant de sauver son couple qui bat de l’aile. Cette variation autour d’Un jour sans fin- porté par le réjouissant trio Daniel Hendler- Vimala Pons- Melvil Poupaud - témoigne de l’aisance de Mitre à évoluer dans un absurde d’autant plus irrésistible qu’il s’efforce de le faire coller le plus possible à la réalité. Imparfait certes mais terriblement séduisant.

Thierry Cheze

THE EARTH IS BLUE AS AN ORANGE ★★★☆☆

De Iryna Tsilyk

Anna vit avec ses quatre enfants à la frontière du Donbass. Malgré la guerre, elle a choisi de rester et d’accomplir un projet fou : réaliser un film en famille. Si le titre de ce docu reprend un vers célèbre d’Eluard, c’est à juste titre car tout ici est proprement surréaliste. Dans cette ville fantôme des confins, Anna invente des histoires pour panser ses blessures et fait souffler sur les ruines un peu de vie, un peu d’espoir grâce au cinéma. Dans un geste hallucinant, ces cinq cinéastes amateurs recréent de la fiction en bricolant des bouts de réels, prennent des soldats pour jouer leurs propres rôles, rejouent des scènes d’angoisse face au bruit des chars et exorcisent l’horreur de la guerre. Et Anna montre le chemin de la résilience à ses gamins. Un chemin qui passe par l’art et aboutit à une scène finale aussi puissante que symbolique.

Gaël Golhen

ANATOLIA ★★★☆☆

De Ferit Karahan

On va commencer par la fin : dommage que celle d'Anatolia soit un peu trop ambiguë pour son propre bien. En fait, jusqu'à ces dernières minutes fatidiques, le film déploie une très belle force d'écriture. On est coincés pendant quelques heures dans un pensionnat enneigé du fin fond d'Anatolie, où la maladie mystérieuse d'un gamin dévoile les rapports de pouvoir, les trafics et les violences d'un système éducatif salement grippé ; le film se vit comme un vrai thriller glacial shooté à l'épaule dont le compte à rebours est incarné par l'état dégradé d'un pauvre petit garçon au seuil de la mort. Réjouissant, pas vrai ? Franchement, à part cette fin bizarrement tournée, on vous conseille franchement ce film, le premier distribué en France de son réalisateur. On ne loupera certainement pas le prochain.


Sylvestre Picard

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME

MIZRAHIM, LES OUBLIES DE LA TERRE PROMISE ★★☆☆☆

De Michale Boganim.

Qui sont ces Mizrahim qui donnent son titre à ce documentaire ? Des Juifs ayant quitté l’Afrique du Nord et le Moyen- Orient pour s’installer en Israël où ils se sont retrouvés stigmatisés et victimes d’un système discriminatoire ayant fait d’eux des citoyens de seconde zone, contre lequel certains d’entre eux se sont révoltés dans les années 70. Mizrahim elle- même, Michale Boganim a eu envie, à la mort de son père, de partir à la rencontre de plusieurs générations de cette communauté continuant à souffrir d’un racisme structurel, en mêlant leurs témoignages à une lecture d’une lettre que lui avait écrite son père. On perçoit l’ambition du film, celle de mêler le particulier et le général, l’intimité de son histoire à un retour sur des décennies de l’histoire honteuse d’Israël. Le résultat ne manque pas d’intérêt mais pâtit tout à la fois d’une absence de travail sur sa forme et ici et là de trous d’air dans la pédagogie pour convaincre. Comme si ce sujet (et notamment comment la guerre a pu, de fait, éteindre les luttes des Mizrahim, classe prolétarienne indispensable à la construction du pays et… précisément méprisée pour cela) était trop riche pour tenir en un documentaire de seulement 90 minutes qui forcent à des raccourcis.

Thierry Cheze

 

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