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Rencontre avec le producteur de Winter Sleep, Ida et Black Coal.

A la tête de sa compagnie Memento, le producteur et distributeur indépendant Alexandre Mallet-Guy s’est encore distingué en 2014 avec trois sorties remarquées : Ida, une vraie trouvaille, Black Coal (Ours d'or à Berlin), sans oublier Winter Sleep (Palme d'or à Cannes). Depuis l’Argentine, où il présentait Winter Sleep à l’occasion de la semaine du festival de Cannes à Buenos Aires, il commente son bilan. Au moment où nous réalisions l'interview, il n'avait pas encore appris qu'Ida était pré-selectionné pour les Oscars

Que retenez-vous de l’année écoulée ?Début 2014, je me disais qu'il allait être difficile de faire aussi bien que 2013. Nous sortions d'une année remarquable avec les sorties de Au bout du Conte d'Agnes Jaoui et du Passé de Asghar Farhadi (une production maison) tous les deux millionnaires en entrées, mais aussi le prix à Cannes pour Le Passé ; sans oublier le joli succès en salles de Frances Ha de Noah Baumbach. Finalement 2014 s'est avéré un très beau cru avec en début d'année coup sur coup, les 500.000 entrées de Ida et une belle moisson de prix à Berlin pour deux de nos films découverts et achetés sur place, l'Ours d'Or du meilleur film et l'Ours d'Argent du meilleur acteur pour Black Coal du chinois Diao Yinan ainsi que l'Ours d'Argent du meilleur scénario pour Chemin de Croix de l'Allemand Dietrich Bruggerman. Sont ensuite arrivés la Palme d'Or et le succès en salles de Winter Sleep du turc Nuri Bilge Ceylan (déjà 350.000 entrées), coproduction maison. Sans oublier, les succès de Black Coal et My Sweet Pepper Land de Hiner Saleem qui totalisent 200.000 entrées chacun. Et pour achever l'année en beauté, ‎belle moisson de prix aux European Film Awards pour Ida, sacré meilleur film européen mais aussi prix du meilleur réalisateur, meilleur scenario... 5 prix en tout.

Memento va-t-elle en profiter pour se développer ?Je ne pense pas. L'idée est de rester sur ce qui a fait le succès de Memento jusqu'à maintenant, c'est à dire un rythme de 5 à 6 films par an soit à peu près un film tous les 2 mois, ce qui nous permet de travailler au mieux chacune de nos sorties aussi bien en amont qu'en aval. C'est ce nombre limité de sorties qui nous a permis de faire de très beaux scores sur des films a priori pas faciles. Nous avons le temps de travailler et de mettre en place le matériel publicitaire très en amont des sorties, et en aval, nous pouvons nous battre pour que nos films restent le plus longtemps possible à l'affiche des cinémas, et que la prochaine sortie n'ait lieu que deux mois plus tard. C'est beaucoup plus compliqué avec une nouvelle sortie toutes les 2 semaines ou même tous les mois.

Comment répartissez-vous vos activité de distribution et de production ?Nous sommes sur un rythme d'une production ou coproduction internationale par an et 5 à 6 films en distribution. Nous accompagnons en production ou coproduction les auteurs étrangers que nous suivons en distribution lorsque les projets s'y prêtent. Ces dernières années Asghar Farhadi sur Le Passé entièrement tourné en France, Nuri Bilge Ceylan sur Winter Sleep avec des techniciens français en Turquie et cette année Joachim Trier sur Louder Than Bombs avec Isabelle Huppert dans le rôle féminin principal.

Quelles sont les perspectives pour 2015 avec des auteurs maison ?Louder Than Bombs donc, 3e film du Norvégien Joachim Trier, un auteur que nous avons découvert avec son précédent film Oslo, 31 Août (nommé au César du meilleur film étranger en 2012). Un film américain en anglais avec Gabriel Byrne, Isabelle Huppert et Jesse Eisenberg que je produis avec des partenaires américains et norvégiens. Il devrait être prêt pour le prochain festival de Cannes. Nous devrions coproduire également le nouveau film du chinois Diao Yinan rencontré sur Black Coal (Ours d'Or à Berlin cette année). Mais nous allons également travailler en distribution pour la première fois avec Xavier Giannoli (À l'origine, Quand j'étais chanteur) sur son nouveau film Marguerite interprété par Catherine Frot qui fait son grand retour au cinéma après 2 ans d'absence.

Vous avez des conseils à donner aux distributeurs indépendants ?Rester fidèle à sa ligne éditoriale et rester le plus sélectif possible. Suivre ses auteurs même lorsque les films semblent à priori compliqués ou en tout cas plus difficiles que les précédents. Ne pas chercher à faire des "coups" car cela se termine malheureusement la plupart du temps par des échecs cuisants.

Quels sont les films qui vous ont marqué cette année ?Trois très beaux films que j'ai eu la chance de distribuer : Winter Sleep, Black Coal et Ida. Et trois très beaux films que j'aurais adoré distribuer : Les Combattants, et Boyhood et Mommy, deux films que je m'étais battu pour acheter (au festival de Sundance pour le premier et à Toronto, sur scénario, pour le second), mais les producteurs ont finalement choisi le distributeurs des précédents films de leurs auteurs.

Interview Gérard Delorme

Bande annonce de Black Coal, un des succès Memento de l'année, et accessoirement excellent polar chinois qui réinvente le film noir :