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La Palme d'or 2014 sera diffusée ce soir sur Arte.

Arte proposera Winter Sleep à 20h50, ce soir. Le film de Nuri Bilge Ceylan, qui a reçu la Palme d'Or il y a deux ans, dure 3h16, mais faites-nous confiance, il vaut le coup d'oeil.

C’est contemplatif...... mais sublime. Très jeune, Nuri Bilge Ceylan est parti chercher le sens de la vie dans l’Himalaya (comme l’explique la légende d’une photo sur son site officiel). On qualifie son cinéma de contemplatif parce qu’il poursuit cette quête dans les splendides paysages de son pays à travers chacun de ses films. Pour l’incroyable excursion nocturne d’Il était une fois en Anatolie, il promène sa caméra au coeur de la campagne vallonnée d’Anatolie centrale, éclairée à la bougie ou par les phares des voitures. Et c’est dans les montagnes volcaniques enneigées de la Cappadoce, parmi les habitations troglodytes, qu’il la pose pour Winter Sleep.

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Ça parle de la pluie et du beau temps...... mais on aime tous parler du temps qu’il fait. Sous un vernis littéraire et au-delà des questionnements philosophiques, Ceylan ne fait peut-être même que cela. Sa filmographie est intimement liée à la météo, souvent dès le titre. L’histoire d’amour au coeur des Climats semble déterminée parles changements de saisons. Dans Il était une fois en Anatolie, le vent du soir, qui brasse les herbes des champs, fait danser les feuilles et vaciller la flamme des bougies, crée une atmosphère hypnotique présente tout au long du fi lm. L’hiver est la clé de Winter Sleep, prenant dans ses glaces un petit groupe de personnages, alors contraints de se faire face.

Non, il n’y a pas de temps forts...... mais comme souvent dans la vie. Les films de Ceylan sont faits de temps suspendus plus que de moments puissants, de ces périodes de latence qui permettent de faire émerger une émotion, un sentiment, une vérité. Winter Sleep, comme Il était une fois en Anatolie, est au fond l’histoire d’une révélation, celle d’un homme qui se révèle à lui-même, ou plutôt le processus complexe d’introspection qui y conduit. Fin et hypersensible, le regard patient que le réalisateur porte sur l’humanité, dépouillée de son activité fiévreuse et presque affranchie de la marche du temps, est à la fois sans concession et dénué de jugement. C’est précisément de cet amour des temps « faibles » que son cinéma tire sa force.

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Oui, c’est très lent...... mais c’est justement ce qui le rend moderne. Il y a vingt-huit ans apparaissait le mouvement Slow Food, un éloge de la lenteur et du plaisir en réaction à l’accélération du monde. Prendre son temps est un luxe. Et c’est précisément ce que s’autorise Ceylan : en préférant la contemplation à l’action, il laisse la magie opérer à son rythme. Son « slow cinéma » est une alternative à l’hystérie des films d’action. Certes, plus de trois heures, c’est imposant. « J’ai écrit Winter Sleep comme on écrit un roman, sans me préoccuper de la longueur, explique le cinéaste. Au départ, il durait 4 h 30. » Il aurait sans doute été un peu long, mais quand on aime, on ne compte pas...
Par Vanina Arrighi de Casanova

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Bande-annonce de Winter Sleep :