Fran, après avoir travaillé 9 ans sur la trilogie du Seigneur des anneaux, vous n’en aviez pas assez ? Pourquoi accepter de replonger avec Le Hobbit ?  Ca ne s’est pas passé comme ça : au début, Peter et moi devions nous contenter de produire Le Hobbit. Ce qui nous allait très bien ! Et quand Guillermo nous a demandé de l’aider sur le script, je me suis dit : “Oh mon Dieu ! Non ! Pas ça, pas de nouveau” (rires). En se posant cinq minutes, on s‘est vite rendu compte que c’était l’occasion rêvée d’achever ce qu’on avait commencé il y a 9 ans. Remplir les trous qu’on avait laissés.Quels étaient vos sentiments à l’idée de retourner en terre du milieu ?  Contrastés. La première des choses, c’était de se protéger contre la sensation de “déjà-vu”. Been there, done that... Il fallait à tout prix éviter d’être blasé. Pete était d’ailleurs très tendu au début ! Excité à l’idée de s’attaquer à la source d’une histoire qu’il connait par cœur et en même temps très conscient des risques que cela comportait. Comment faire ce film sans se répéter ? Comment retrouver l’enthousiasme de la première fois ? Comment éviter de refaire Le Seigneur des Anneaux ?Justement, comment ?  On savait dès le début qu’il fallait changer de ton. LOTR est une trilogie furieuse, épique. Au contraire du Hobbit qui est un livre pour les enfants, une œuvre que Tolkien entendait lire le soir à ses enfants. Quand Peter et moi avons commencé à évoquer l’adaptation, on s’est tout de suite dit qu’il fallait aborder ce livre comme un conte de fée. Etre beaucoup plus léger et aérien que LOTR. Le Hobbit est un roman enjoué, et il fallait retrouver cette atmosphère, cette couleur dans l’écriture du script.Mais c’est un livre qui “prépare” la colère et le chaos.C’est vrai et c’était ce qui nous plaisait le plus. On a écrit la fin du Hobbit en se disant qu’il fallait boucler la boucle. Quand on arrive au moment où Thorin devient fou, dans cette montagne qui se consume, le livre change. Radicalement. Ce qui a commencé comme un conte pour enfants devient plus sombre et se rapproche du monde du Seigneur des Anneaux. Ce changement de ton était un défi passionnant. Les thèmes et l’écriture deviennent plus adultes. On quitte le monde doré de l’enfance et Tolkien développe ses obsessions qu’on trouve dans LOTR - l’honneur, le chaos, le leadership... Toutes ces idées qui structurent LOTR sont clairement présentes à la fin du Hobbit. J’ai toujours pensé que ce roman aurait dû se finir sur la mort du dragon ; la bataille des 5 armées est un ajout seulement...La grande nouveauté, c’est que contrairement à LOTR, vous avez décidé de rajouter des personnages qui ne sont pas dans le roman. Vous ne craignez pas la colère des fans ?  J’espère que les fans nous font confiance. Et qu’ils vont comprendre notre démarche. Il n’était pas question de défigurer l’oeuvre de Tolkien pour des raisons mercantiles ou cyniques ! Au contraire : on a essayé de densifier le roman, d’élargir l’horizon du Hobbit sans jamais trahir l’oeuvre originelle. Quand on commence à altérer un roman pareil, il ne faut plus raisonner en fans, mais en cinéphiles. Ce n’est pas manquer de respect que de dire que la principale faiblesse du Hobbit, ce sont les personnages féminins. C’est ce qu’on a précisément essayé de développer avec cette petite histoire du Seigneur des Anneaux que nous avons reprise et amplifiée et qui impliquait une énergie très féminine... C’est comme ça qu’est né le personnage de Tauriel. Même chose pour la relation entre Gimli et Galadriel. Dans le livre leur interaction est unilatérale ; Pete et moi voulions montrer que les nains et les elfes peuvent développer des relations où se mêlent à la fois la rivalité et l’admiration.Ce que tout le monde attend, ce sont les chansons. Elles sont prévues ?  Oui ! Howard Shore travaille dessus, ici, en Nouvelle-Zélande. A la maison (rires). Le livre est effectivement rempli de chansons, et elles sont importantes parce qu’elles parlent des cultures et des identités des Hobbit. Elles nourrissent les personnages. Notre problème, c’est de les intégrer au récit. Comment faire pour qu’elles ne coupent pas l’élan narratif ? Je me vois mal arrêter le film pour qu’un hobbit pousse la chansonnette (rires). Du coup, il faudra qu’on trouve un moyen de les intégrer de façon naturelle...Quel est votre personnage préféré du roman ?  Il y en a beaucoup ! Mais pour moi, le personnage essentiel de la saga, c’est Thorin ; Au fond, Le Hobbit raconte son histoire. C’est un personnage noble et plein de failles qu’on ne peut pas juger sur ses choix. Son histoire est vraiment tragique et très émouvante - à l’image de son rapport à ses neveux Fili et Kili. Thorin se bat pour son royaume, pour mener son peuple à la paix; pour que les nains récupèrent leurs terres... Et Bilbo vous plaît moins ?  Non, Bilbo est incroyable, mais au fond, j’ai plus de tendresse et d’intérêt pour ce héros qui doit affronter son destin et lutter contre les forces obscures qui l’assaillent. En tant que scénariste, c’est lui que j’ai préféré écrire...Propos recueillis sur le tournage du Hobbit par Gaël Golhen Notre critique du HobbitRencontre avec Martin Freeman