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Ce très bon thriller porté par Jake Gyllenhaal sera diffusé ce dimanche soir sur France 2.

Après Night and Day, la deuxième chaîne programmera un autre film inédit en clair : Night Call, avec Jake Gyllenhaal. L'acteur américain y interprète un chasseur de scoops pour Dan Gilroy. Le réalisateur avait répondu à nos questions lors de la sortie du film au cinéma, fin 2014. Flashback.

C'est la première fois que Jake Gyllenhaal est transformé à ce point pour un rôle. La recette ? Quand j'ai écrit le script, je n'ai pas pensé précisément à ce à quoi ressemblerait le personnage. J'étais focalisé sur son énergie et la façon particulière dont il parlerait. Quand j'ai rencontré Jake et qu'on a commencé à étudier le scénario ensemble, c'est lui qui a eu l'idée de perdre du poids. Son idée c'était que le personnage devait être une sorte de coyote, ces chiens sauvages, vous voyez ? Ils ont toujours faim, tout le temps. Jake pensait que ça symbolisait très bien son personnage. Du coup il s'est mis à maigrir juste pour avoir ce nouveau look, très intéressant pour le film.

Comment Jake Gyllenhaal a perdu 15 kilos pour Night Call

Le regard sur les dérives de la presse télé locale est implacable. Oui. Mais il faut savoir qu’il s’agit d’une description très réaliste des chaines d’info locales aux Aux Etats-Unis. C'est comme ça que ça marche. Ce n'est pas le cas partout dans le pays, mais dans les plus grandes villes, et particulièrement à Los Angeles. Les faits divers "violents graphiquement", c'est-à-dire carrément sanglants, c'est ce qui fait la Une des JT. En réalité c'est surtout pour ça que l'action se passe à L.A., c'est là que vous trouvez le plus ces "nightcrawlers". J'insiste sur ce point : ce n'est pas du tout une exagération, c'est la réalité. D'ailleurs les gens qui "jouent" les présentateurs locaux dans mon film, ce sont des vrais : ils présentent réellement les news chez nous. En fait on a les plus gros présentateurs de JT locaux dans notre film, pour coller à cette réalité justement, c'était essentiel pour moi.

Rene Russo avait déjà joué une productrice télé dans la comédie Showtime mais là on dirait la version parallèle démoniaque du personnage dans la même profession... J'ai écrit ce rôle pour Rene ! Je savais qu'elle pouvait projeter l'image d'une femme forte, dure, je lui connaissais ces qualités... Mais la vraie raison, celle pour laquelle je l'ai choisie, c'est parce que je savais qu'elle pouvait aussi montrer l'autre facette du personnage. Ce n'est pas juste une grande méchante : cette femme dans le film est en réalité très vulnérable, il fallait montrer ce qu'il y a derrière la carapace. C'est ça que Rene apporte vraiment au rôle : l'humanité, tout simplement.

On compare déjà votre héros à des maboules cultes comme Norman Bates ou Travis Bickle, qu'en pensez-vous ? Bon, Norman Bates, c'est carrément un psychopathe, d'où le titre du film Psychose. Lou Bloom, on pourrait dire que c'est "juste" un sociopathe... En fait il est à la limite, quelque part entre les deux. Quant à Travis Bickle (le héros de Taxi Driver), pour moi c'est un guerrier plutôt "noble". Évidemment il a des gros problèmes, mais au final il est prêt à se sacrifier pour sauver le personnage de Jodie Foster de la prostitution. Soyons clairs : Lou ne ferait jamais ça, pour rien ni personne. Ce qu'il y a d'unique avec le "héros" campé par Jake, c'est qu'il est une espèce d'hyper-capitaliste. C'est un prédateur, il est exactement comme un fanatique religieux sauf que sa religion c'est l'argent, rien d'autre. Le vrai sujet de mon film c'est de pointer du doigt ce danger : où est-ce qu'on va avec ces valeurs, si on les suit jusqu'au bout en négligeant tout le reste ? Parce que le truc c'est que les gens comme Lou, ils finissent par réussir. Vous pouvez voir ça comme une sorte de fable, dont la morale serait "faites gaffe, les mecs comme Lou sont de plus en plus nombreux, et ils arrivent de plus en plus haut".

Dans Night Call, Jake Gyllenhaal est un hybride effrayant de Travis Bickle et de Norman Bates [critique]

C'est ce côté satirique qui explique l'humour très noir du film ? C'est clairement lié, oui. Lou est un robot libéral. Il est comme programmé, de manière primaire : il n'y a que l'argent et la réussite individuelle qui comptent, l'ascension. Le personnage suit ce seul et unique principe, quitte à créer tout ce chaos autour de lui. Je pense que l'humour découle de l'absurdité de ces situations. On en est témoins et, alors que tout est sens dessus dessous, Lou se fout totalement de la réalité, sa façon de voir les choses l'empêche d'admettre ce qui se passe véritablement. Ça crée un décalage énorme entre le spectateur et lui. Je pense que c'est un rire de l'absurde, profondément. Il est lui-même un personnage absurde qui évolue dans un monde qu'il ne comprend pas vraiment, et qu'il ne reconnaît pas. D'autant qu'il ne change jamais de point de vue ! Forcément, il devient de plus en plus absurde au fur et à mesure que l'intrigue avance. J'adore l'humour absurde, pour être honnête.

C'est votre premier film en tant que réalisateur, jusqu'ici vous étiez scénariste. Comment avez-vous négocié la transition ? Le plus grand choc pour un écrivain ou scénariste lorsqu'il passe à la réalisation, c’est de parvenir à créer un style visuel. J'ai énormément bossé avec mon directeur de la photo pour y arriver. Parce que le vrai talent d'un réalisateur, c'est de trouver son langage visuel, qui dépasse les mots, pour illustrer le propos. Les metteurs en scène savent comment raconter une histoire avec des images, les scénaristes ne peuvent le faire qu'avec des phrases ! J'ai vraiment été épaulé par mon directeur de la photo, qui est incroyable : Robert Elswit, qui a eu l'Oscar de la meilleure photographie pour There Will Be Blood... Ce n'est pas pour rien. J'ai beaucoup travaillé en amont avec lui, j'ai passé plusieurs mois sur la préparation pour qu'on définisse le style graphique de mon premier long-métrage. Je voulais mon propre style, vu qu'un film passe avant tout par là. C'était mon plus gros challenge, de loin.

Vous êtes au courant qu'en France, le film s'appelle Night Call ? Ah non, j'ignorais.

Et on a même ajouté "par les producteurs de Drive", histoire d'être sûr. Ça vous inspire quoi ? Eh bien... Je dirais que c'est du marketing bien pensé, avec un peu de respect pour les œuvres, quand même. Je veux dire : les deux films présentent des jeunes mecs à Los Angeles, qui baroudent la nuit, pendant de longues heures au volant. De ce côté c'est vrai qu'il y a des gros points communs. Et il y a aussi la violence... Mais ce sont des films essentiellement très différents.

Le film a plutôt bonne presse, certains s'enflamment et parlent déjà d'Oscar, ne serait-ce que pour la performance de l'acteur principal. Heureux ? Tout ce que je peux dire c'est que le film que vous avez vu, c'était celui qu'on voulait faire. Toute l'équipe est satisfaite. Pour l'instant niveau critiques et box office c'est vrai que ça va plutôt pas mal, mais pour la suite, on verra !

Interview Yérim Sar

Après Night Call, Dan Gilroy réembauche Jake Gyllenhaal et Rene Russo

Bande-annonce du film :