Toutes les critiques de Minuscule 2 : les mandibules du bout du monde

Les critiques de Première

  1. Première
    par Christophe Narbonne

    Il y a cinq ans, presque jour pour jour (il est sorti le 29 janvier 2014), Minuscule – La Vallée des fourmis perduesdémontrait par l’excellence le savoir-faire hexagonal en matière d’animation 3D, et en particulier du studio Futurikon, émule émérite de Mac Guff Line, le studio français lié à Illumination Entertainment. En moins de 1 h 30, Thomas Szabo et Hélène Giraud livraient un fantastique récit d’aventures ancré dans les paysages réels du parc du Mercantour, raconté du point de vue d’insectes attachants, qui ringardisait brutalement tous les films à échelle réduite du même type, de Chérie, j’ai rétréci les gosses à Arthur et les Minimoys. Autant dire qu’une suite était attendue de patte ferme. Suite que ses deux réalisateurs ambitieux ont voulue encore plus surprenante et épique en transposant l’action en Guadeloupe, où atterrit par accident l’infortunée coccinelle, que ses amis, la fourmi et l’araignée, vont tenter d’arracher à son triste sort. Triste ? Pas vraiment quand on connaît la fougue et la débrouillardise des petits protagonistes de la saga, taillés pour se sortir des pires situations.

    TEEN MOVIE VS BUDDY MOVIE
    Le film s’ouvre sur une musique un peu solennelle, qui prend progressivement une ampleur symphonique impressionnante, digne de Fantasia, à mesure que se dévoile le décor familier du Mercantour. Signée Mathieu Lamboley, cette partition exceptionnelle (on pèse nos mots) incarne le pari de cette nouvelle aventure, marquée par une extension du Minuscule Universe. Les humains, réduits à des silhouettes coupées dans la série télévisée d’origine, prennent cette fois une part assez active à l’intrigue puisque c’est, par exemple, à cause d’eux que la coccinelle se retrouve prisonnière d’un carton à destination de la Guadeloupe – un modèle de séquence slapstick, défloré par la bande-annonce. Précisons au passage que la coccinelle en question (on a vérifié) n’est pas celle du précédent épisode mais son enfant. Cette astuce scénaristique permet aux réalisateurs de creuser un peu plus profondément le thème de l’émancipation au coeur de la saga. Il s’agit cette fois de raconter le passage à l’âge adulte de ladite coccinelle, partagée entre son amour filial et celui, naissant, envers un(e) congénère. Un ressort dramatique classique exploité avec suffisamment l’intelligence et de poésie pour susciter l’empathie des petits et des grands. Parallèlement à cette intrigue centrale, s’en déroule une autre aux accents de buddy movie. La fourmi et l’araignée, devenues copines, embarquent à bord d’un vaisseau volant et traversent mille péripéties qui les mèneront finalement en Guadeloupe. Là-HautPinocchioL’Odyssée d’Homère et Terry Gilliam sont convoqués dans cette autre histoire à l’ambition délirante, qui s’intègre néanmoins assez naturellement à l’ensemble – auquel on pardonnera un arc convenu et tardif qui rattache in extremis la saga à ses obligations écolo.

    ÉBLOUISSEMENT VISUEL
    En cinq ans, les outils ont évolué et le langage cinématographique des réalisateurs avec. Mouvements d’appareils (rares dans le 1) et rendus numériques atteignent ici des sommets de virtuosité. La complexité et la variété des bestioles et des décors caribéens offrent une expérience de spectateur inédite, redoublée par la volo té des auteurs de créer un univers réaliste, perméable au merveilleux. Comme dans cette scène où une réunion souterraine chez des chenilles majestueuses se pare soudain d’une ambiance de fantasy saisissante. On se croirait chez Guillermo Del Toro. Un enchantement.