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Après l’errance sentimentale du début de saison, Field Trip montre un Don enfin décidé à prendre son destin en main. Mais plusieurs obstacles viennent entraver les velléités du personnage, plongeant l'épisode entier dans une captivante atmosphère.

Mad Men saison 7 de la série = Review de l'épisode 3 : Field Trip – Attention spoilersField Trip débute par des images de Don Draper regardant au cinéma Model Shop de Jacques Demy (aussi réalisateur des Parapluies de Cherbourg, que Don faillit aller voir avec Lane dans la saison 4). Si le héros de Mad Men avait déjà été aperçu dans une salle obscure, le choix du film, qui raconte les mésaventures d'un architecte au chômage, inscrit d’entrée de jeu le publicitaire dans une posture d'identification qui va le pousser à prendre enfin ses responsabilités. Lorsque l’agent de Megan téléphone à Don depuis Hollywood pour le prévenir que son épouse est en train de compromettre sa carrière d’actrice par un comportement capricieux, notre héros se rend ainsi immédiatement en Californie pour tenter d’apaiser Megan et assumer pleinement son rôle de mari. Mais Don se montre maladroit en révélant à sa dulcinée que sa visite n'a rien de franchement spontané. Face à une Megan vexée, il poursuit le mouvement qu’il avait initié avec Sally dans l’épisode précédent, à savoir dire la vérité sur sa vie professionnelle. Mais le résultat ne se révèle pas aussi positif qu'avec sa fille, puisque Megan décide de mettre un terme à sa relation avec Don lorsqu'elle apprend que ce dernier ne travaille plus depuis plusieurs mois dans les locaux de SC&P et pouvait facilement la rejoindre sur la côte Ouest.Plutôt que d’exercer un effet dévastateur sur Don, cette rupture - temporaire ? - provoque chez lui prise de conscience et volonté d'action (il déclarera d'ailleurs plus tard son amour à Megan par téléphone). Déterminé à reprendre le travail, il se rend ainsi chez Roger Sterling pour l'informer, document à l’appui, qu’il est sollicité par une autre agence de pub. Incitant par là Roger à le faire officiellement revenir dans les locaux de SC&P, le héros de Mad Men se prouve à lui-même son désir d'en finir avec la déprime. Pourtant, la séquence du retour au bureau, merveille de mise en scène et de montage, indique à quel point l'environnement mental de Don Draper a changé en quelques mois. Comme dans un rêve fragmenté, la séquence propose une alternance d'images du publicitaire montant dans l’ascenseur de l'agence et de plans où ses yeux fixent le vide dans son appartement avant de regarder une montre. Au son d'une musique surchargée de mélancolie, on comprend que l’intensité des attentes de Don ne peuvent que rencontrer frustration et froideur de la part de ses collègues. De fait, personne chez SC&P n’était au courant de son retour et le personnage réalise de façon brutale qu’aucune place ne lui est réservée. Plongeant dans l'embarras Lou Avery, Joan ou Stan, qui ne savent pas comment réagir avec lui, Don ressemble à un fantôme revenu d’entre les morts, dont la présence n'est pas désirée par les vivants. Mis à nu et contraint d'attendre sur une chaise à la vue de tous, le protagoniste a perdu toute souveraineté. Il s’énerve logiquement contre Roger lorsque ce dernier arrive enfin dans les bureaux et avoue qu’il a oublié de prévenir les associés du retour de Don.

L’épisode fait suivre en parallèle les pérégrinations de Betty, qui accompagne son fils Bobby à une excursion scolaire à la campagne. Cherchant coûte que coûte à redorer son blason de mère de famille et signalant avec complicité à son fiston qu'elle n'approuve guère le décolleté de la chef d’expédition, Betty se voit pourtant renvoyée à hauteur d'enfants quand elle se met à goûter le lait des vaches et qu'elle constate avec impuissance que son sandwich a été échangé par Bobby contre des bonbons. En fin d’épisode, Betty se plaindra laborieusement du manque d'amour qu'elle ressent de la part de sa famille. Restant prisonnière du monde parallèle de la petite enfance, l'ancien mannequin ne croisera pas la route de Don durant cet épisode. Le publicitaire semble de son côté se trouver au purgatoire lorsque les associés de SC&P (Joan Holloway, Roger Sterling, Jim Cutler et Bert Cooper) organisent une réunion pour décider de son sort. Durant cette longue délibération, Don s'expose en plus aux critiques d'une Peggy revancharde, qui lui explique qu'il n'a pas manqué à l'agence durant son absence. Devenu facteur de division et objet de dispute, le héros de Mad Men est cependant décrit par Roger Sterling comme un génie tandis que Jim Cutler estime que son retour dans les bureaux n’est pas nécessaire.Field Trip expose en effet à quel point plusieurs univers distincts cohabitent au sein de l'agence (Harry Crane a par exemple débattu auparavant de l'intérêt de posséder un ordinateur afin de s'adapter à l'époque). Au bout d’une discussion houleuse, Don est convoqué par les associés et apprend qu'il peut reprendre le travail à certaines conditions : il ne sera plus autorisé à être seul avec les clients ni à boire d’alcool au bureau et devra obéir aux ordres de l'imprévisible Lou Avery. Après plusieurs secondes de suspense, Don prononce un « OK » résigné : il accepte ainsi la castration symbolique imposée par ses collègues. Ayant durant l’épisode tenté sans succès de jouer au mari protecteur puis à l’homme providentiel, le personnage rentre dans le rang et découvre qu'il jouira désormais d'un pouvoir moins flamboyant que par le passé. Prêt à affronter un environnement hostile, Don s'efface durant le générique final au profit de la chanson If 6 Was 9 (aussi présente dans Easy Rider et annonciatrice de Woodstock) de The Jimi Hendrix Experience, qui évoque la soif d'indépendance d'un homme se fichant de la morale prônée par la société qui l'entoure. L'Amérique de 1969 saura-t-elle faire une place à Don Draper, ce roi déchu dont les souffrances pourraient s’avérer plus créatrices que jamais ? Réponse aux prochains épisodes.

Damien Leblanc