13 jours 13 nuits
Jérôme Prébois / 2025 CHAPTER 2 PATHE FILMS M6 FILMS

Kaboul, août 2021. Martin Bourboulon plonge sa caméra dans les derniers jours avant la chute de la capitale afghane. Avec Roschdy Zem en commandant pris au piège de l'Histoire.

Kaboul, août 2021. Les talibans prennent d'assaut la capitale afghane et l'histoire vient de basculer. En treize jours. C’est ce moment que Martin Bourboulon choisit pour plonger sa caméra dans ce tourbillon et explorer cette parenthèse sanglante avec l'instinct d'un reporter de guerre et le baroud artificier d'un film hollywoodien. Drôle de parcours pour celui qui nous avait habitués aux facéties conjugales de Papa ou maman, aux fastes dorés d'Eiffel ou aux combats virevoltants des Trois mousquetaires.

Avec 13 jours, 13 nuits, il change de braquet. Fini les grandes machines en costumes ou les comédies familiales : le cinéaste adapte l'ouvrage autobiographique du commandant Mohamed Bida et plonge dans le réel brûlant. D'ailleurs, dès le début, on pense aux films de Paul Greengrass (United 93, Green zone) ou à la folie d’un Ridley Scott (La Chute du faucon noir) précisément pour cette manière de transformer l'actualité la plus chaude en matière cinématographique. On pense aussi à Zero Dark Thirty, parce que l’épopée de Bida rappelle l’étrange odyssée de Maya, qui s’enfonçait dans les ténèbres au risque de se perdre (et si les deux films se terminent sur le même plan ce n’est sans doute pas par hasard).  

Mais là où Greengrass privilégiait le chaos documentaire, là où Scott entendait redéfinir le film de guerre, Bourboulon opte pour une approche plus classique, plus française aussi. Roschdy Zem incarne donc le commandant Mohamed Bida, homme pris au piège de l'Histoire qui doit négocier avec les talibans pour organiser l'évacuation de l'ambassade de France. À ses côtés, Lyna Khoudri joue Eva, une jeune humanitaire franco-afghane - et ce casting révèle au fond les intentions du réalisateur. 

Roschdy Zem dans 13 jours 13 nuits
Jérôme Prébois / 2025 CHAPTER 2 PATHE FILMS M6 FILMS

Pour porter cette tragédie en temps réel, il fallait en effet un acteur capable d'incarner l'autorité sans jamais tomber dans la caricature (militaire ou d'actioner). Zem s'impose ici avec une évidence. Fabuleux dans le rôle principal, tout en muscle, regard et intensité brute, l'acteur retrouve cette présence marmoréenne qui fut longtemps sa signature. Après s’être fait malmener chez Desplechin (Roubaix, une lumière) et décomposer chez Zlotowski (Les enfants des autres), il revient à sa puissance élémentaire, mais comme étoffée par toute une palette lyrique, légère... féminine ? Comme si l'homme de marbre avait appris la tendresse sans rien perdre de sa force. Il est de fait le coeur du film, celui sur qui le temps s’écoule et le temps passe. Et c’est le pari de Bourboulon, faire du temps qui s'égrène un personnage à part entière. Treize jours pour évacuer les réfugiés jusqu'à l'aéroport, treize jours pour construire un suspense que l'actualité a déjà résolu. C'est dans cet écart entre le vécu collectif et l'expérience singulière que réside l'enjeu du film. Si les images en direct nous avaient permis de tout connaitre sur la chute de Kaboul que restait-il à filmer ? Ce sur quoi Bourboulon braque ses caméras, cette dimension intime : des regards échangés, des silences pesants, la sueur froide des négociations de couloir. Ca n’empêche pas les scènes d’action d’être spectaculaires, à la hauteur des productions hollywoodiennes. Mais ce n’est clairement pas la finalité.