Jumbo de Zoe Wittock avec Noémie Merlant
Insolence Productions – Les Films Fauves – Kwassa Films

La réalisatrice raconte la fabrication de son premier long métrage qui ouvre ce soir le Champs Elysées Film Festival

Comment naît l’idée de raconter une histoire d’amour entre une femme et un manège ?

Zoé Wittock : L’histoire de Jumbo naît d’un article que j’ai lu il y a des années et qui racontait l’histoire d’une femme tombée éperdument amoureuse… de la Tour Eiffel ! Forcément, ça intrigue. Et ça m’a tellement intrigué que j’ai cherché les coordonnées de cette femme et suis parvenue à rentrer en contact avec cette femme. J’avais forcément plein d’a priori. Je l’imaginais un peu perchée. Et je m’étais trompée dans les grandes largeurs. Son discours était, à l’inverse, totalement ancré dans la réalité et l’histoire d’amour qu’elle me racontait ressemblait au final à n’importe quelle autre. C’est de là qu’est née l’envie de développer un scénario qui allait permettre aux spectateurs de faire le même chemin que moi vers une relation amoureuse a priori aussi étrange qu’impossible

Sauf que votre héroïne, elle, ne tombe pas amoureuse de la Tour Eiffel…

La Tour Eiffel n’a en fait constitué qu’un déclic. Mais en tant que telle, dans l’écriture comme d’un point de vue visuel, ça ne m’inspirait pas grand chose. Par contre, j’ai toujours adoré les fêtes foraines qui constituent pour moi un lieu total d’abandon. Et j’ai tout de suite eu en tête comment le manège allait m’aider à faire surgir le concret d’une histoire d’amour qui, sur le papier, peut paraître purement cérébrale. Je voulais vraiment l’exprimer physiquement jusqu’à montrer une scène d’amour entre la jeune femme et la machine. C’est la dernière que nous avons d’ailleurs mise en boîte. Elle marque un temps essentiel dans le récit. Et j’ai pris garde que sa fabrication techniquement compliquée ne vienne abimer l’émotion et la sensualité indispensables à ce moment.

Noémie Merlant excelle dans le premier film de Zoe Wittock [critique]

A quel moment arrive l’idée de Noémie Merlant pour incarner cette amoureuse pas commles autres ?

C’est l’une des premières qui a auditionné. Elle avait proposé quelque chose de vraiment original… mais très éloigné de l’image que j’avais alors de mon personnage. Elle avait mis en avant la force d’une jeune femme que je définissais d’abord par sa fragilité. Bref, on était aux antipodes l’une de l’autre. Et j’avais beau avoir été épatée par son jeu, j’ai continué le casting. Longtemps. Très longtemps. Mais à chaque fois, je me confrontais à la même réflexion. J’aimais ce que je voyais mais sans être pleinement convaincue. Alors, je suis revenue à Noémie. Et elle a accepté de revenir auditionner. Sauf qu’avec le temps, je savais exactement ce que je recherchais et j’ai pu lui donner des indications plus précises. Il a alors suffi d’une scène. J’ai fondu en larmes. Je tenais mon héroïne.

 

A ce moment- là, Noémie Merlant n’avait pas encore acquis la notoriété née de sa prestation dans Portrait de la jeune fille en feu… Et avec un sujet aussi singulier, on imagine que le financement de Jumbo a ressemblé au parcours de la combattante. On se trompe ?

Oh non ! (rires) Car huit années se sont écoulés entre l’idée du film et sa sortie cet été en salles. Huit années où il a fallu se battre pied à pied. Mais avec le recul, je sais que Jumbo est plus en phase avec son époque en 2020 qu’au début des années 2010. Car au fil du temps, les mentalités ont évolué positivement – même s’il reste des blocages – sur la question du genre et de la sexualité. En 2012, il paraissait trop précurseur pour que je trouve son financement. Aujourd’hui, il peut participer pleinement au débat qui traverse notre société. Et j’en suis évidemment heureuse et très fière.