Womand and Child (Saeed Roustaee)
Diaphana

Après La loi de Téhéran et Leïla et ses frères, Saeed Roustae signe un nouveau drame puissant sur une mère en quête de justice.

La déchirante scène finale de Woman and Child restera comme un des grands moments d’émotion du 78e Festival de Cannes. On ne sait pas si ce nouveau portrait de femme signé du prodige Saeed Roustaee sera récompensé par le jury présidé par Juliette Binoche. Leïla et ses frères était reparti, assez injustement, bredouille de la Croisette en 2022. Mais comme le dit Mathieu Kassovitz, "on s’en fout de la Palme d’or", non ? 

En 2021, le monde avait découvert le talent de Roustaee avec son deuxième long-métrage, La loi de Téhéran. Un film coup de poing sur le traffic de drogue en Iran, présenté à Venise et récompensé à Reims Polar, qui enchainait les images choc et nous achevait avec son troisième acte imprévisible. Une masterclass de mise en scène et d’écriture annonçant la naissance d’un auteur incontournable. 

Woman and child
Diaphana

Woman and Child poursuit le virage amorcé par Leïla et ses frères. Roustaee s’est donné pour mission de disséquer le patriarcat qui ronge son pays. Et à travers le destin tragique d’une infirmière, mère et veuve de 40 ans, le cinéaste entend lui donner un coup de grâce. En optant pour la lente agonie, plutôt que la mort subite. A l’image du poison distillé dans la société iranienne par des décennies de régime islamique. Un régime qui n’est pas nommé, dans ce film qui a été tourné avec l’aval des autorités, mais dont on comprend sans peine qu’il est au coeur du problème. 

La première partie du film se concentre sur le fils de Mahnaz, un garçon malin et turbulent qui perturbe sa classe et organise des jeux d’argent clandestins. Puis, le récit bascule à la faveur d’un drame, et son monde d’effondre. Hamid, le prétendant avec qui elle devait se remarier, est tombée amoureux de sa petite soeur. Son beau-père complote contre elle, et sa mère l’assène d’injonctions sociales insupportables. 

En quête de réparation, elle se retrouve écrasée par des traditions et une justice archaïque. Dans l’Iran décrit par Roustaee, on peut faire perdre son emploi à l’un, la garde de son enfant à l’autre, en collectant quelques témoignages. Le poids du regard du voisin, du collègue, pèse sur les citoyens, et bien sûr les femmes en premier lieu, otant tout espoir d’émancipation. Ce sont elles qui sont au coeur du film, leur souffrance qui est captée par la caméra de Roustaee. 

Woman and child
ABACA

Plus l’histoire avance, plus Mahnaz subit l’injustice et les trahisons familiales, éprouvant sa pugnacité et sa dignité. Le scénario multiplie les rebondissements, parfois dignes de Santa Barbara. Leur liste vous paraitrait peut-être risible si on l’énumérait ici. Mais la maestria de Roustaee et le talent de son casting évitent tout ridicule. Nous sommes bien dans une tragédie, pas une telenovela. 

Parinaz Izadyar incarne avec une intensité remarquable le rôle principal (on tient une sérieuse candidate pour le prix d’interprétation fémiine). Payman Maadi, acteur fétiche de Roustaee, est comme toujours d’une grande justesse. Soha Niasti, qui incarne la soeur de l’héroïne, est elle la révélation du film. Un trio idéal pour souligner les talents de dialoguiste de Roustaee, qui use à merveille de la musicalité si particulière du farsi. 

Woman and Child nous rappelle le Farhadi de la grande époque (Une Séparation), et offre un complément parfait, même si un ton en dessous, à Un simple accident, l’autre drame iranien en compétition signé Jafar Panahi. Inépuisable pourvoyeur de destins tragiques, le cinéma persan n’a pas fini d’exercer son pouvoir de fascination sur nos yeux occidentaux.