Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
PARTIR UN JOUR ★★★★☆
De Amélie Bonnin
L’essentiel
De son court Césarisé, Amélie Bonnin a tiré un long choisi pour ouvrir Cannes. Un grand film enchanteur et enchanté sur la Province et sur une femme qui, à 40 ans, se confronte à son passé pour se réinventer. Juliette Armanet y fait des débuts flamboyants
Deux ans après son César du court, Amélie Bonnin poursuit l’aventure de Partir un jour en format long en reprenant le principe des chansons qui prolongent les dialogues comme dans On connaît la chanson, interprétées, ici, par les comédiens. Mais en intervertissant le sexe de ses deux personnages principaux. On suit ici, une cheffe cuisinière sur le point d’ouvrir son premier gastro à Paris qui revient dans le village de son enfance suite à l’infarctus de son père, patron d’un restau routier et qui va recroiser Raphaël, son amour de jeunesse. En changeant de format, Amélie Bonnin n’a rien perdu de la beauté du regard qu’elle porte sur la province, à l’image de la playlist dépouillée de tout snobisme de son film, de Dalida aux 2 be 3 en passant par Nougaro... Mais en inversant les personnages, Amélie Bonnin, signe ici un magnifique portrait de femme qui découvre le besoin de se confronter aux non- dits du passé (amoureux, familiaux) pour aller de l’avant et se réinventer. Et elle trouve à chaque fois le ton juste pour orchestrer ces face- à- face rudes, radieux ou blessants. Tout en magnifiant la part lumineuse de Bastien Bouillon et en révélant l’immense talent de comédienne de Juliette Armanet. Un bonheur de film !
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A AIME
DESTINATION FINALE : BLOODLINES ★★★☆☆
De Zach Lipovsky et Adam B. Stein
Quatorze ans après une « mort » prématurée, la franchise la plus ludique d'Hollywood ressuscite. Bonne nouvelle, Destination Finale: Bloodlines transcende sa formule en renouvelant ses mécanismes et embrasse pleinement sa nature récréative. Tout commence… dans le passé. Dans les 60s, le jour de l’inauguration d’une tour très moderne, une jeune femme frappée d’une prémonition va empêcher LA catastrophe. Flashforward. Des années plus tard, la fille de cette femme est à son tour assaillie d’étranges cauchemars. Seule sa mère (recluse) peut lui expliquer la signification de ces rêves et surtout lui faire comprendre qu’elles ne sont désormais plus que deux à pouvoir sauver la famille… Lipovsky et Stein, réalisateur du malin Freaks (2013), ont parfaitement compris l'essence de la saga : le meilleur antagoniste au fond est invisible. Chaque objet quotidien devient potentiellement mortel. Mais cela ne serait rien sans une mise en scène inventive, à l’exécution franche, et à la ligne pure, débarrassée de la moindre ironie. En jouant finement entre tension, effroi premier degré et humour noir, Bloodlines s’impose comme la belle réussite horreur de ce début 2025.
Gaël Golhen
Lire la critique en intégralitéMARCO, L’ENIGME D’UNE VIE ★★★☆☆
De Aitor Arregi et Jon Garano
C’est une de ces histoires qu’aucun scénariste n’aurait osé inventer. Celle de Enric Marco, un Catalan qui, des années durant, fut le président très efficace et très médiatisé de l’association des victimes espagnoles de l’Holocauste avant qu’on découvre qu’il avait tout inventé et n’avait jamais été déporté. Pour la raconter, Aitor Arregi et Jon Garano ont longtemps hésité sur la forme. Documentaire, docu- fiction… avant de pencher pour la fiction. Sans doute le meilleur des choix car le plus en phase avec cette idée d’un homme qui n’a cessé d’inventer son histoire et leur parti- pris à eux de ne jamais penser leur film comme un suspense. On comprend ainsi d’emblée que Marco n’a pas dit toute la vérité. Et on vit ce récit dans la fascination totale de voir jusqu’où il peut aller dans le mensonge, alors qu’il se sait à terme condamné à être démasqué. Mais encore fallait- il un acteur capable d’endosser les habits de Marco, d’en embrasser tous les paradoxes : roublard, charmeur, charismatique… Et ce que fait Eduard Fernandez tient ici du prodige
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéTHE SHAMELESS ★★★☆☆
De Konstantin Bojanov
Alors que Cannes 2025 débute, les films de son exceptionnelle section Un Certain Regard 2024 (Flow, Vingt dieux…) continuent à arriver sur nos écrans. Primée via son interprète Anasuya Sengupta, The Shameless est le nouveau long de Konstantin Bojanov révélé par Avé, un road movie dans les pas d’une fugueuse bulgare de 17 ans. Il met ici le cap sur l’Inde pour un nouveau portrait de femme en fuite. Une prostituée qui, après avoir poignardé un policier abusif, trouve refuge dans une communauté de travailleuses du sexe où sa rencontre avec une jeune fille menacée d’être mariée de force va bouleverser leurs deux existences. Dans une ambiance de thriller au cordeau, Bojanov raconte ici les femmes comme objets de toutes les maltraitances sans verser dans le misérabilisme. Grâce à sa mise en images aux couleurs chaudes qui contraste intelligemment avec l’aspect glacial des violences subies par ces figures vibrantes de résistantes en quête d’émancipation. Quoi qu’il leur en coûte.
Thierry Cheze
SE SOUVENIR DES TOURNESOLS ★★★☆☆
De Sandrine Mercier et Juan Hidalgo
Anaïs a 17 ans et comme tant de jeunes gens de son âge vivant dans des villages aux quatre coins de la France, cette native de Nogaro dans le Gers va devoir tout quitter – famille, amis, fanfare… - pour poursuivre ses études ailleurs, faute de possibilité sur place. En racontant les derniers mois avant son envol, ce documentaire explore avec un regard enveloppant, juste et jamais mièvre cette fameuse diagonale du vide, si souvent caricaturée. Et dialogue en cela joliment à distance avec le Partir un jour d’Amélie Bonnin.
Thierry Cheze
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME
LE DOMAINE ★★☆☆☆
De Giovanni Aloi
Depuis plusieurs années, le cinéma français s’étend sur de nouveaux territoires en renouvelant son approche du cinéma de genre et en filmant des lieux souvent délaissés. Le Domaine s’inscrit dans cette lignée : à Saint-Nazaire, Damien est un étudiant fauché qui se retrouve à travailler pour un petit mafieux minable, avant qu’un drame ne mette fin à leurs magouilles. Inspiré d’une histoire vraie, le film se rêve en héritier chabrolien, mais on n’y retrouve ni le regard aiguisé du cinéaste, ni la fascination malsaine que procurent les faits divers.
Nicolas Moreno
TRANSMITZVAH ★★☆☆☆
De Daniel Burman
Mumy Singer, une célèbre chanteuse trans, revient dans son Argentine natale, où, des années plus tôt, elle avait refusé de préparer sa Bar Mitzvah. Peut-elle renouer avec son passé et sa famille yiddish en organisant une « transmitzvah » ? Mêlant élans almodovariens (période Movida) et récit familial choral à la HBO, Daniel Burman (Le Fils d’Elias) signe une dramédie à la fantaisie un peu forcée, au rythme trop lâche, mais qui pose des questions intéressantes. Un sympathique essai de pop théologie.
Frédéric Foubert
PREMIÈRE N’A PAS AIME
MILLI VANILLI, DE LA GLOIRE AU CAUCHEMAR ★☆☆☆☆
De Simon Verhoeven
À la fin des années 80, la rencontre hasardeuse de deux hommes dans les rues de Munich provoque une réaction en chaîne qui aboutira au plus grand scandale musical de la décennie. En formant le groupe Milli Vanilli, Fab Morvan et Rob Pilatus deviennent les pantins de leur producteur Frank Farian et font danser le monde entier sur Girl I’m Gonna Miss You ou Girl You Know It’s True sans jamais chanter une seule note. Une supercherie qui après un documentaire passionnant de Luke Korem (dispo sur Paramount +), a donc inspiré à Simon Verhoeven un biopic. Choix qu’il semble lui-même regretter amèrement, puisqu’il transforme immédiatement ses acteurs en narrateurs de l’histoire témoignant ici et là face caméra. Un drôle de parti pris qui confère au film un ton excessivement dramatique, accentué par des performances grossières. En frôlant le sensationnalisme, Verhoeven finit par perdre de vue l’essentiel.
Lucie Chiquer
Et aussi
Accident domestique, de Cayes Casas
La reprise
La Forteresse noire, de Michael Mann
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