Affiche sorties de films mercredi 29 septembre 2021
Les Films du Losange, Universal Pictures, KMBO

Ce qu’il faut voir en salles

L’ÉVÉNEMENT

LES INTRANQUILLES ★★★★☆

De Joachim Lafosse

L’essentiel

Joachim Lafosse parle de bipolarité sans tomber dans le piège du film à sujet. Et devant sa caméra, le duo Damien Bonnard- Leïla Bekhti font des merveilles

C’est avec un film éminemment personnel qui fait écho à l’histoire de son père que Joachim Lafosse a connu sa première participation à la compétition cannoise en juillet. Il y raconte une histoire d’amour envers et contre tout, celle qui unit Leila et Damien, en dépit de la bipolarité de ce dernier, sujet à des crises incontrôlables et incontrôlées. Le risque est immense dans ce genre d’entreprise de s’enferrer dans le film à sujet doublé d’une démonstration de force du comédien incarnant les pétages de plomb à répétition. Soit précisément tout l'inverse de ce qu’est Les Intranquilles qui transcende totalement son pitch. D’abord par l’interprétation tout en finesse et contrastes de Damien Bonnard, jamais dans la démonstration et toujours dans un pas de deux incroyablement complice avec une Leïla Bekhti au diapason dans un rôle moins « payant » certes mais qu’elle fait vivre à l’écran, comme par petites touches impressionnistes. Ensuite parce que la maladie n’est jamais à proprement parler le coeur des Intranquilles mais une empêcheuse de tourner en rond pour que ce couple puisse vivre pleinement et sereinement cet amour qui les unit, eux et leur enfant. Ce film vous terrasse d’émotion(s) précisément car il ne sacrifie à aucune facilité larmoyante.

Thierry Cheze

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PREMIÈRE A BEAUCOUP AIME

LA TRAVERSEE ★★★★☆

De Florence Miailhe

C’est en 2007 que Florence Miailhe s’est associée à Marie Desplechin pour imaginer l’histoire de deux enfants perdus sur la route de l’exil, un récit initiatique à marche forcée vers un horizon plus apaisé. Le pays qu’ils doivent fuir n’est jamais cité, pas plus que l’époque où se déroule l’action. La Traversée vise ici universalité et intemporalité. Et le résultat, absolument magnifique, se révèle à la hauteur de cette belle ambition. Construit comme un conte, il évolue entre réalité, rêves et cauchemars, peuplé d’autant d’ogres et de monstres que de bonnes fées. Et la peinture animée, technique d’animation choisie par cette diplômée des Arts Décos, donne naissance à des tableaux d’une beauté captivante pour un résultat d’autant plus impressionnant qu’il s’adresse à tous les publics, avec plusieurs niveaux de lecture différents.

Thierry Cheze

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PREMIÈRE A AIME

CETTE MUSIQUE NE JOUE POUR PERSONNE ★★★☆☆

De Samuel Benchetrit

D’abord il y a ce titre – l’un des plus beaux de 2021 – puis ce plaisir de retrouver Samuel Benchetrit dans cet exercice du film choral où il excelle. Après J’ai toujours rêvé d’être un gangster et Asphalte, il a imaginé ces destins croisés de personnages isolés, enfermés sur eux- même et dans une certaine violence, aux vies soudain éclairées par leur rencontre non programmé avec l’art… et l’amour. Il y a chez Benchetrit un art du mélange savamment dosé, un talent à glisser de la loufoquerie dans un récit ancré dans une certaine réalité sociétale, à laisser le silence prendre toute sa place au milieu de dialogues savoureusement pensés pour la bande d’acteurs venus de tous horizons (de Vanessa Paradis à Joey Starr en passant par Ramzy, Vincent Macaigne ou la première apparition de Poppée Baschung). Benchetrit est un styliste de l’écrit comme de l’image. On reconnaît ses films à la première image ou au premier dialogue.  Certains (y compris chez Première) peuvent y être réfractaires. Mais il va au bout de ses idées, d’un propos qui peut sembler candide en poussant au bout de leurs logiques des situations improbables et les transformant en feu d’artifice burlesque. A l’image de cette coiffeuse formidablement campée par Vanessa Paradis qui ne perd son bégaiement qu’en montant sur scène pour jouer une comédie musicale… sur la vie de Simone de Beauvoir pour laquelle le personnage de Gustave Kerven, fou d’amour pour elle, abat un à un ses partenaires potentiels afin de tenir, faute de volontaires, le rôle de Sartre lui- même. C’est barré, c’est poétique. Du pur Benchetrit.

Thierry Cheze

EUGENIE GRANDET ★★★☆☆

De Marc Dugain

Paru en 1834, l’Eugénie Grandet de Balzac évoque spontanément bien plus les riches heures de l’ORTF qu’un long métrage de 2021. Comment lui apporter une modernité sans en trahir le sens ? A cette question, Marc Dugain apporte des réponses plus que convaincantes. Il reste fidèle à ce qui constitue le cœur du récit – ce père prêt à tout sacrifier à son obsession pour l’argent y compris et surtout le bonheur de sa fille – mais en tissant un lien entre la condition féminine d’alors et les combats féministes d’aujourd’hui. En donnant une voix plus forte à Eugénie Grandet, en racontant son émancipation qu’elle conduit en retournant contre elle les règles de cette société patriarcale qui a voulu la briser. Avec, dans le rôle- titre, une comédienne magnifique dans sa manière de décrire ce feu intérieur qui dévore ce personnage sans que rien n’y paraisse : Joséphine Japy. Dugain réussit son Eugénie Grandet parce qu’il en respecte toute l’ambiguïté avec une maîtrise jamais prise en défaut.

Thierry Cheze

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I AM GRETA ★★★☆☆

De Nathan Grossman

Enfant gâtée manipulée pour les uns, voix essentielle pour les autres, Greta Thunberg est clivante depuis son surgissement avec sa grève scolaire pour le climat. Nathan Grossman n’échappe pas à cette règle. Son camp est clair d’emblée : les pro- Greta. Mais son docu ne cherche pas pour autant à faire de la retape. Son intérêt est ailleurs, dans la plongée au cœur du réacteur puisqu’il la suit depuis bien avant sa médiatisation fulgurante. I am Greta apporte donc le contre- champ de ces images devenues virales (la rencontre avec Emmanuel Macron, son « How I dare you ? » lancé aux Nations- Unies…) comme ses fous rires face aux critiques agressives qu’elle reçoit. Plus que l’activiste, I am Greta, mis en images avec soin, raconte l’enfant solitaire qu’elle a été, incapable de communiquer hors du cercle de sa famille et la jeune femme qu’elle est devenue, qui comme toute ado, se prend la tête avec ses parents. Plus qu’un documentaire, un document

Thierry Cheze

J’AI AIME VIVRE LA ★★★☆☆

De Régis Sauder

Annie Ernaux inspire décidément les cinéastes. Quelques semaines après l’adaptation de Passion simple par Danielle Arbid, des extraits de Journal du dehors, La Vie extérieure et Les Années sont lus en off (par elle- même et les différents personnages de ce docu) constituent le fil rouge de ce film de Régis Sauder. Quatre ans après le remarquable Retour à Forbach où sa caméra explorait sa ville de naissance, il la pose cette fois- ci sa caméra à Cergy. L’une de ces villes nouvelles imaginée dans les années 70 comme une utopie urbanistique en avance sur son époque avec son parti pris de privilégier les piétons sur la voiture et la verdure aux grands ensembles. Sauder raconte son histoire en mêlant avec maestria les mots d’Ernaux (qui y vit) et ceux de ses habitants de toute génération. Le résultat, tout en délicatesse, mélancolie mais inscrit dans la réalité d’aujourd’hui est un régal.

Thierry Cheze

GUERMANTES ★★★☆☆

De Christophe Honoré

Christophe Honoré prend ici au pied de la lettre la définition même d’un film, soit une reconfiguration de l’espace et de celles et ceux qui l’habitent, à un temps donné. Sa caméra investit le théâtre Marigny à Paris. Le cinéaste assure les répétitions d’une pièce adaptée de l’œuvre de Proust, avec une troupe de la Comédie Française dont Laurent Lafitte et Dominique Blanc. Malheureusement, la crise du Covid-19 à l’automne 2020 entraîne un premier confinement et avec lui, la fin programmée dudit spectacle. Que faire ? Continuer à jouer même sans perspective de représentations, juste pour la beauté du geste ou rentrer chez soi ? Ce moment de flottement va devenir la matière même du film, quand soudain les esprits du théâtre se retrouvent enlisés dans l’incertitude. On quitte rapidement les rives du vrai-faux making-of pour celui de la fiction, c’est-à-dire à cet endroit précis où le jeu permet d’ôter les haillons du réel pour dévoiler des personnages en action se heurtant aux parois d’un monde à part. Tout est vrai, tout est faux, tout est permis. Christophe Honoré acteur- metteur en scène fait bouger les lignes et sa troupe avec, dans le décor vide du théâtre. Son Guermantes est un film intelligent, rafraîchissant et enivrant.

Thomas Baurez

EN ROUTE POUR LE MILLIARD ★★★☆☆

De Dieudo Hamadi

C’est l’histoire d’une double et impossible réparation. Il y a d’abord cette indemnisation promise aux victimes de « la Guerre des Six jours de Kisangi » - affrontement sanglant sur le sol congolais entre l’armée rwandaise et ougandaise en 2000 -, qu’un groupe tente faire valoir auprès des autorités en entreprenant un long voyage vers Kinshasa. Il y a aussi ces corps meurtris, amputés qui sont autant des preuves de la brutalité dudit conflit que les stigmates d’une douleur éternellement à vif. Dieudo Hamadi avait déjà consacré son précédent film, Maman Colonelle (2017) à ce tragique passé.  La puissance de celui-ci tient dans la façon dont le réalisateur fait appel à la fiction pour suppléer à l’aveuglement du réel. En route pour le milliard est ainsi éclairé par des mises en scène théâtrales où les victimes interrogent un passé et un présent irréconciliables. Magnifique.

Thomas Baurez

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ

CANDYMAN ★★☆☆☆

De Nia DaCosta

Vingt-neuf ans après le film de Bernard Rose, Nia DaCosta prolonge l’histoire du boogeyman dans une suite aux frontières du reboot. Retour à Cabrini Green, ancienne cité insalubre de Chicago où la légende du tueur est encore dans tous les esprits. Les tours ont disparu et le quartier accueille des projets immobiliers cossus, peuplés de bobos friqués. Anthony McCoy, jeune artiste en quête d’inspiration, vient d’emménager dans un appartement luxueux. Alors qu’un ancien habitant de la cité lui raconte la véritable histoire de Candyman, Anthony devient obsédé par cette histoire macabre, jusqu’à la folie… Jordan Peele produit ce film de trouille qui dialogue avec l’original et taille un costard à la gentrification, vue ici comme l’origine de tous les maux (le racisme, la violence, la pauvreté…). L’angle est plutôt malin mais le commentaire social hélas rabâché, comme pour se dédouaner de ne pas parvenir à le mettre en scène. Résultat : de la black horror programmatique, pas si mal emballée mais essorée par son manque de subtilité.

François Léger

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AFTER LOVE ★★☆☆☆

De Aleem Khan

Membre de la sélection « Hors les murs » de la Semaine de la Critique cannoise 2020, ce drame est le premier long-métrage d’un jeune cinéaste d’origine anglo-pakistanaise. After Love raconte la façon dont à la mort de son mari, une femme basée à Douvres apprend que celui-ci avait une double vie de l’autre côté de la Manche. La femme trompée décide alors de s’immiscer dans la vie de la maîtresse. Le film semble d’abord jouer sur plusieurs tableaux avec notamment des incursions fantastiques inattendues et sait maintenir ses effets pour entretenir une tension. Malheureusement, une fois bien installé, le récit se déleste de son mystère et sa retenue. L’interprétation si juste jusqu’ici, fait soudain déborder les émotions rompant définitivement le charme originel. Le mélo ne passe pas. Dommage.

Thomas Baurez

POUMON VERT ET TAPIS ROUGE ★★☆☆☆

De Luc Maresco

Le concept est rigolo comme tout : pour aider le botaniste et biologiste Francis Hallé dans son combat pour sauvegarder les dernières forêts tropicales, le documentariste Luc Marescot décide d’écrire sa première fiction : The Botanist, un thriller écologique dans lequel il rêve de faire tourner Leonardo DiCaprio. Ce qu’on voit à l’écran, c’est donc un docu sur un malicieux réalisateur qui, armé de son seul scénario, découvre les coulisses du cinéma, conseillé par ses copains Nicolas Hulot et Antoine de Maximy, mais aussi le délégué général du Festival de Cannes Thierry Frémaux, Claude Lelouch ou Juliette Binoche. Une quête personnelle réjouissante, mais aussi une réflexion sur la meilleure façon de « toucher le grand public » sur des questions d’écologie et de préservation de la nature.

François Léger

 

PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ

FLAG DAY ★☆☆☆☆

De Sean Penn

S’inspirant de Flim-Flam Man, un livre où la journaliste Jennifer Vogel racontait sa relation complexe avec un père arnaqueur et faux-monnayeur, Sean Penn revient dans Flag Day à ses thématiques favorites : l’inévitable trahison des pères, et les rébellions qui mènent dans l’impasse. Comme le héros de son Into the Wild, John Vogel (joué par Penn lui-même, qui se met donc en scène pour la première fois) fait une lecture maximaliste, presque absurde, de l’idéal de liberté promis par l’Amérique. Et cette incompréhension originelle va le condamner à une fuite en avant mortifère. Esthétiquement, l’acteur-réalisateur semble plus que jamais sous l’influence de Malick et d’Inarritu. Et la comparaison n’est clairement pas à son avantage. Il s’égare dans ses mosaïques, prenant à peine le temps de caractériser ses personnages autrement que par des raccourcis faciles, et ne trouvant jamais la dimension iconique appelée par le script. Sean Penn est un auteur, incontestablement. Mais pas toujours un réalisateur très inspiré.

Frédéric Foubert

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