Film ample par sa durée et sa forme autour d’un grand sujet, le film du chinois, hommage aux puissances du cinéma, s’enferme dans son propre système. Usant.
Après Un grand voyage vers la nuit en 2018, on se demandait quel type d'artiste était au juste Bi Gan : un nouveau prophète ou son parfait contretype, un auteur qui n’aurait pas grand-chose à dire avec sa caméra-stylo et nous enfumerait sous une couche virtuosité factice ? Ce Résurrection a le mérite de lever une partie du voile. Si la première partie place sa mise en scène au service d’un amour viscéral et sincère pour le cinéma des origines (coucou les frérots Lumière !), une fois la boîtede Pandore (ici une valise !) ouverte la magie s’évapore immédiatement. Le film se lance alors dans une longue balade nocturne au cœur de sa propre vacuité. A défaut de mystère, les images et les sons, platement traités, ne produisent rien d’autre qu’une dialectique du cinéma assez basique.

Galerie de reflets brisés (coucou Orson Welles !), reconfiguration du temps (le passage à l’an 2000 comme chaos annoncé... mouais), sens en éveil par soustraction ("Si je perds l’ouïe je traverserais le miroir !")... Ce n’est pas seulement avec des intentions ou des intuitions qu’un film existe, il lui faut des corps, du vivant, des organes... Or ici tout est mort. Et la promesse d’une résurrection possible ne sera pas tenue. Où va Bi Gan dans les méandres de sa poésie fatiguée ? A défaut d’un vortex dans lequel se serait aggloméré toute la mémoire du cinéma - unique territoire capable d’enchanter notre monde en ruines - il faut s’accrocher a des petits arrangements entre des personnages dont on se fout complétement.
Il est question d’un monde où le rêve serait interdit. Seuls les "rêvoleurs" (aka les cinéphiles) s’autorisent dans la clandestinité un trip dans leur inconscient fabriqué par d’autres (les films donc). Beau programme. Vaines promesses. Si le cinéma comme le prophétisaient les chantres de l’expressionnisme allemand est le langage "des ombres", elles ne cachent rien ici. Et si quelqu’un s'était amusé à allumer brutalement la lumière à l’intérieur même du cadre, les recoins sombres ne révéleraient que du vide, là où précisément tout un imaginaire aurait dû s’élaborer en secret.
Enfin, on a entendu cette vanne à mi-parcours. "Qu’est-ce qu’on perd et ne retrouve jamais ?", "Un pet !" Pas mieux.
Chine. De Bi Gan. Avec : Jackson Yee, Shu Qi, Mark Chao... Durée : 2h40. Sortie indéterminée.
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