Cannes jour 11
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Notre dernier récap en direct du Festival avant la Palme d'Or.

Le film du jour : The Old Oak de Ken Loach

Prix du Jury à trois reprises (Hidden agenda, Raining Stones et La Part des anges) et doublement Palmé d’Or (Le vent se lève en 2006 et Moi, Daniel Blake en 2016, Ken Loach est de retour dans ce festival de Cannes qui accompagne son oeuvre de cinéaste depuis sa première sélection à la Semaine de la Critique avec Kes en 1970. Avec The Old Oak, il nous entraîne en 2016 dans un village du Nord-est de l’Angleterre, ex-cité minière gangrénée par un chômage massif où l’arrivée de réfugiés syriens va créer des tensions dans une population de plus en plus paupérisée. Et le cinéaste fait du pub local (le Old Oak qui lui donne son titre), de son patron (Dave Turner, magnifique), tendre et usé, et de son amitié avec une de ces Syriennes férue de photographie la colonne vertébrale de son nouveau film à l’humanité qui vous serre le coeur et a fait naître nombre d’yeux rougis dans la salle, à l’issue d’un ultime plan bouleversant.

A 87 ans, Ken Loach ne désarme pas. Alors que les inégalités partout se creusent, il croit toujours à la possibilité d’un monde meilleur. Il refuse d’accepter que les damnés de la Terre se dévorent entre eux au lieu de se révolter contre ceux qui ont causé cette situation. Il a chevillé au corps et au coeur la certitude que l’humanisme des uns finira par triompher des saloperies fomentées par les autres, cherchant en l’étranger le bouc-émissaire de leurs malheurs. Cette utopie pourrait paraître forcée et tire-larmes. Chez lui, du fait de tout son parcours d’homme et de cinéaste, elle touche au sublime par sa profonde sincérité et son désir de la marteler jusqu’à son dernier souffle. Et s’il entrait dans l’histoire de Cannes en devenant le premier à gagner trois Palmes ? La compétition cannoise ne pouvait en tout cas rêver d'une meilleure fin.

The Old Oak
Le Pacte

Le geste poétique du jour: La Chimère d’Alice Rohrwacher (en compétition)

Prenons l’italienne Alice Rohrwacher au mot et donc à sa Chimère qui selon la mythologie est un monstre à l’hybridation animale. Son quatrième long-métrage, après Corpo Celeste (2011), Les Merveilles (2014) et Heureux comme Lazzaro (2018), annonce d’emblée sa part mystérieuse et nébuleuse. Le récit poético-tortueux trouve son harmonie sur la durée, une fois délesté de ses multiples sous-couches. Dans cette Chimère, il est d’abord question d’un visage féminin qui apparaît et disparaît. Le regard qui se dérobe en gros plan est amoureux. "Tu as remarqué, le soleil nous suit ?", dit-elle.

Puis nous voyons le profil endormi d’Arthur (le britannique Josh O’Connor), le jeune protagoniste, confortablement installé dans un train. Le rêve s’invite d’emblée suggérant qu’un réveil possible aura les atours d’un fantasme. D’une chimère donc. A la fin, le même Arthur, archéologue-brigand-voyant,  jettera à la mer la tête d’une statue étrusque tout juste profanée : "Tu n’es pas faite pour les yeux humains !" Le spectateur se demande un peu s’il ne doit pas prendre ça pour lui. On frise ici l’afféterie d’auteur. Le montage n’est pas exempt de redondances et de longueurs, pour autant cette avancée faussement languide sied à ce film-rêve assumé.

La Chimère
Ad Vitam

La réplique du jour : Cobweb

“Les critiques se vengent des artistes qu’ils n’ont pas pu devenir”

Thierry Frémaux a t’il vous faire passer un message caché aux accrédités presse en cette fin de festival en sélectionnant Dans la toile (Cobweb) de Kim Jee Woon (Le Bon, la brute et le cinglé) hors compétition ? Les rires ont tout cas fusé quand le personnage central de cette comédie - un réalisateur campé par Song Kang-ho (Prix d’interprétation 2022 avec Les Bonnes étoiles) tentant dans les années 70 de braver les obstacles mis sur son chemin (autorités de censure, exigences des acteurs, interférences des producteurs…) pour achever dans des retakes ce qu’il pense être son chef-d'œuvre ultime - balance cette réplique. Un des (trop rares) moments hilarants de cette comédie hélas bien trop longue pour être aussi échevelée qu’elle ambitionne et pas le chef-d’oeuvre ultime de Kim Jee Woon, donc !

Dans la toile (Cobweb)
The Jokers

Le prix du jour : la troisième Palme de Ken Loach 

Ruben Östlund en rêvait, mais Ken Loach - notre héros du jour, décidément ! - l’a devancé. Le réalisateur britannique est entré dans l’histoire, vendredi, en décrochant une troisième Palme. Bon, d’accord, ce n’est pas la Palme d’Or, juste une Palm Dog d’honneur pour l’ensemble de sa carrière, avec une mention spéciale pour Marra, la chienne de son The Old Oak. La cérémonie qui récompense les meilleures performances canines du Festival de Cannes depuis 2001 a également remis des prix aux toutous d’Anatomie d’une chute, des Feuilles mortes et de Vincent doit mourir. Un palmarès qui a du chien !

La vidéo du jour: Benjamin Lavernhe et Frédéric Tellier 

Frédéric Tellier, le réalisateur de L’Affaire SK1 et de Goliath entreprend avec L’Abbé Pierre - une vie de combats de raconter le fondateur d’Emmaüs. Et il a confié à Benjamin Lavernhe - déjà à l’honneur en ouverture de Cannes avec le Jeanne du Barry de Maïwenn - la responsabilité d’incarner celui qui fut longtemps personnalité préférée des Français avant sa disparition en 2007, à 94 ans. Une composition fascinante au coeur d’un film qui s’annonce comme l’un des grands succès potentiels du deuxième semestre 2023 (en salles le 15 novembre). Confidences des deux intéressés.


 

Le mood du jour : fin de festival

Ca y est ! C’est l’heure de rentrer. Certains journalistes de la rédac sont partis depuis quelques heures/jours et l’appartement Première est un peu vide sans Frédéric, François ou Sylvestre. Mathias tient la barre devant son banc de montage pendant que Thomas tente comme il peut de rattraper son retard (“vous ne m’aviez pas dit que Cédric Kahn avait tué le game dès le départ…”, s’enthousiasme-t-il au 11e jour ! Et il n’en est qu’à l’ouverture de la Quinzaine…). On se demande quelle réaction physique se produira quand Thierry retrouvera la lumière du soleil, mais bon, malgré tout, on est encore vivant.  

Dehors, c’est pareil. Les rues se vident, les journalistes marchent comme des zombies (gueules de bois et fatigue mêlées), et on se traîne difficilement sur les derniers junkets ou dans les ultimes projections. Un parfum d’after flotte sur la Croisette, un arrière goût de fin de soirée. Dans les hôtels, la clim' brasse l’air lourd et moite. On se mélange les pinceaux (“bonjour Virginie”, lance-t-on à Adèle Exarchopoulos), on commence les pronostics, et on se prépare pour les derniers chocs (le Pixar pourrait bien faire chialer les derniers invités). C’était beau. C’était bien. On reviendra l’année prochaine !

Ce samedi à Cannes 

La compétition est finie, place donc à la cérémonie de clôture du 76e Festival de Cannes, à suivre à partir de 20h30 sur France 2, avec une dernière montée des marches et la Cérémonie du palmarès, qui sera suivie par la présentation du nouveau Pixar, Elémentaire, en film de clôture.