Wallace et Gromit
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Arnaud Miquel, coordinateur de XR@Annecy et responsable des rencontres professionnelles et grand public du festival évoque pour Première l'évolution de la XR et l'avenir de l'animation en temps réel.

La sélection XR est extrêmement variée cette année. Le nombre d'oeuvres reçues a encore augmenté ?Oui, c'est un record : on s'approche des cent oeuvres reçues avec la compétition VR. Mais au lieu de nous focaliser sur des exclusivités, nous avons préféré reprendre des oeuvres qui sont parfois déjà passées par des festivals comme Sundance ou Venise l'année dernière. Parce que la qualité était là. Si l'on demandait des exclusivités, il faudrait peut-être sélectionner dans des oeuvres moins bonnes, et cela irait à l'encontre de ce qu'on veut faire. Chaque année, la sélection se fait au milieu d'une vingtaine d'oeuvres qui sortent du lot. Après, à nous de trouver un équilibre entre ce qui est vraiment nouveau et ce qui est suffisamment intéressant et inspirant pour le public.

Annecy est l'un des rares festivals à mettre autant en lumière la XR. Est-ce parce que les ponts avec l'animation traditionnelle sont de plus en plus forts ?
En partie, oui. Au fond, XR ou pas, il s'agit avant tout d'image animée. On partage quasiment les mêmes métiers avec l'animation traditionnelle : il y a des modeleurs, des concept designers... Et on voit des gens passer d'un univers à l'autre, des ponts se font, effectivement. Jan Kounen est par exemple passé par la VR, et son prochain film sera un long-métrage d'animation. Tout se nourrit et la XR permet de tester de nouvelles façons de raconter des histoires. Alliée au temps réel, cela donne des outils fous pour les créatifs : par exemple, un scénariste va pouvoir directement visualiser les décors de son histoire, et peut-être avoir de nouvelles idées en étant plongé dans cet univers. Ou bien un réalisateur pourra imaginer d'avance ses angles de caméra pour un long-métrage en live action.

La technologie d'animation en temps réel, utilisée dans la XR et le jeu vidéo, semble désormais se faire une place dans l'animation traditionnelle.
On voit une vraie accélération du temps réel. C'est ce qui fera la différence sur l'animation de demain, et qui sera le lien avec le métavers et le jeu vidéo. Le temps réel permet de faire des changements de dernière minute sans temps de rendu interminables. Normalement, chaque changement en animation est très compliqué puisqu'il y a des enjeux de lumière, de volume... Le temps réel simplifie tout. Par contre, la qualité de rendu n'est pas la même.

Mais les choses évoluent très vite...
Ca avance. Il existe des démos assez époustouflantes du côté d'entreprises comme Unreal et Unity, qui utilisent le temps réel. Et il y a des rapprochements intéressants : Unity a racheté Weta Digital, le studio spécialisé dans les effets spéciaux de Peter Jackson, à la pointe du photoréalisme. Les deux technologies sont très différentes, mais demain, potentiellement, les échanges de compétence vont se faire. Et ce sera très intéressant à observer. Le problème, c'est que le temps réel est très associé à une image "jeu vidéo". Maintenant - et c'est aussi le sujet de l'une des conférences de la semaine à Annecy -, peut-être que le futur est d'aller vers des choses beaucoup plus stylisées. Les gens veulent-ils vraiment du photoréalisme ? Spider-Man : New Generation et maintenant Across the Spider-Verse prouvent qu'il existe une vraie envie du public d'aller vers des films plus stylisés, plus originaux visuellement. Ce qui n'empêche pas qu'on finira certainement par faire du photoréalisme en temps réel.

Où se situe la XR aujourd'hui ? On a l'impression que le marché a peu évolué en quelques années, et que les « expériences » VR restent surtout des objets de festivals. Complètement. Parce que la consommation n'est pas encore là. Est-ce que les gens finiront par payer pour profiter d'expériences XR ? Peut-être qu'une salle d'arcade ou un bowling pourra attirer le public avec une grosse licence, comme Wallace et Gromit que nous présentons en work in progress cette semaine. On verra. Après, il est vrai que la production un peu plus indépendante se retrouve surtout dans des musées ou des centres culturels. Mais le marché n'est pas encore à maturité. Alors que le temps réel continue sa croissance, le club de la réalité virtuelle devient de plus en plus restreint : des festivals comme Venise et Tribeca continuent de jouer le jeu, mais les plus petits qui s'y intéressaient ont décidé de s'en détourner. Et il y a toujours beaucoup de production, mais avec des équipes de plus en plus petites.