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Les films à voir ou ne pas voir dans les salles cette semaine

Elvis & Nixon ***
De Liza Johnson

Un jour de 1970, Elvis Presley sonne à la porte de la Maison-Blanche avec une idée en tête : il veut être nommé agent fédéral afin d’aider Nixon dans sa politique anti-drogues… Cette improbable rencontre au sommet est ici traitée sous l’angle de la comédie loufoque : voici le portrait drôle et attachant de deux grands hommes qui se comportaient comme des petits garçons. Si Frank Underw… euh, pardon, Kevin Spacey livre une caricature de Nixon assez attendue, le Elvis version Michael Shannon tape dans le mille. Le film est bourré de détails savoureux, méconnus, sur la vie du King. Et tant pis si on frôle l’anecdote : on le regarde comme on lirait une page oubliée du grand livre de la pop culture. Frédéric Foubert


Elvis & Nixon : quand la réalité dépasse la fiction

Le BGG – Le Bon Gros Géant ***
De Steven Spielberg

Un « petit » Spielberg ? C’est l’adjectif qui revenait le plus souvent dans les conversations sur Le Bon Gros Géant (Le BGG) après sa présentation au dernier Festival de Cannes – ce qui est bien sûr ironique pour un film où il n’est question que de gigantisme, de jeux d’échelle et qui raconte la rencontre entre une fillette haute comme trois pommes et un drôle de bonhomme de 7,50 mètres de haut. De fait, cette adaptation du célèbre livre de Roald Dahl renoue avec la veine la plus kitsch et régressive du cinéaste. De là à la comparer à l’horrible Hook, il y un pas (de géant) que nous ne franchirons pas… Non, ce BGG serait plutôt à ranger du côté du sublime et tordu A.I., autre contre malade où des choix esthétiques discutables étaient balayés par une puissance émotionnelle dévastatrice. Ici, par exemple, la visite du « monde des rêves » est un moment enchanteur, haïku magique doublé d’un manuel poétique qui donnerait à comprendre concrètement comment fonctionnent les songes. Un instant hors du temps, en apesanteur, qui confirme, après le déjà très moelleux Pont des Espions, que Spielberg est peut-être bien entré dans la phase « automnale » de son œuvre. Le film ressemble au géant qu’il met en scène : un peu gauche, mal peigné, mais irrésistible et ultra-attachant. Petit, peut-être, mais quand même costaud. F.F.


Independence Day Resurgence **
De Roland Emmerich

20 ans après « la guerre de 96 », tout recommence. Un ancien président des Etats-Unis, le fils d’une légende militaire, une scientifique française et deux petits vieux rigolos vont tout faire pour sauver la planète. Encore ? Oui. Encore.
20 ans ont passé, pendant lesquels l’image de Roland Emmerich a un peu évolué. Celui qu’on prenait pour un Michael Bay teuton et décérébré a réalisé un petit chef d’œuvre (Le Jour d’après) et quelques films personnels étonnants (un film sur Shakespeare et un autre sur le début des mouvements homosexuels). On a découvert que le cinéaste allemand était en fait le poil à gratter du blockbuster. Dès les premières scènes de ce nouveau film, on constate qu’il marie toujours à merveille l’imagerie SF la plus soufflante et ses penchants pour la destruction planétaire. ID Resurgence s’ouvre sur une séquence où un Mecha empêche une station de s’écraser dans un incroyable froissement de tôle. La folie métallo du Spielberg de Sindelfingen est intacte, surpuissante. Ses visions fantastiques toujours impressionnantes -le design, formidable, des aliens est flippant. Le problème c’est quand il faut se mettre à raconter une histoire. Décalque simpliste et paresseux du premier opus, le film souffre de personnages inexistants, d’enjeux aussi riquiqui que ses bestioles sont maousses. On regrette surtout que l’humour et la provoc’ du cinéaste soient ici très discrets. 20 ans ont passé. Rien n’a bougé. Pierre Lunn


Jeff Goldblum : "Dans ce métier, il faut essayer d'être unique"

Man on High Heels ***
De Jin Jang

Chez lui, Jin Jang usine des films de genre depuis 20 ans. Si Man on High Heels est le premier distribué chez nous, c’est qu’il a l’originalité d’être aussi transgenre : c’est l’histoire d’un flic de légende qui rêve de devenir une femme. Le film mixe cette quête identitaire aux codes du thriller coréen - violence chorégraphiée, exubérance sentimentale et kitsch maîtrisé. Comme simple polar, Man on High Heels est très fun, et la greffe trans n’est pas là que pour l’effet de mode. À travers son héros (Seung-won Cha, une sorte de Delon coréen), überman mélancolique au secret bien gardé, le film en dit long sur le poids de devoir être un homme qui en a. Jusqu’au dénouement, d’une surprenante ambiguïté. Caroline Veunac

D’une famille à l’autre ***
D’Anna Muylaert

Après le remarqué Une seconde mère, Anna Muylaert aborde à nouveau le thème de la filiation avec ce portrait d’un adolescent de 17 ans soudain propulsé dans sa famille biologique suite à l’arrestation de sa prétendue mère, qui l’avait kidnappé à la naissance. Toujours habile pour croquer la bourgeoisie brésilienne, la réalisatrice se passionne surtout ici pour son héros au look androgyne et à la sexualité libre dont la décontraction est mise à rude épreuve par la tardive découverte de parents aussi envahissants qu’impatients. Portée par un récit concis et direct, la caméra donne fièrement vie à ce vibrant corps cinématographique qui, malgré l’adversité, conserve jusqu’au bout sa lumineuse énergie. Damien Leblanc

Colonia **
De Florian Gallenberger

Chili. 1973. Pinochet prend le pouvoir, les opposants se font arrêter en masse, beaucoup disparaissent. Parmi eux, Daniel, un photographe allemand pour lequel la femme qu’il aime va tout risquer. Dans Colonia, le réalisateur de John Rabe s’intéresse à une histoire ahurissante, celle d’une secte régie par un ancien nazi, roi en son royaume de cruauté qui sévit de 1961 à 1991 et servit, accessoirement, de lieu de détention et de torture au régime de Pinochet. Le sujet est fort, les acteurs irréprochables – Emma Watson et Daniel Brühl dans une inversion intéressante des rôles et Michael Nyqvist en immonde gourou pédophile –, mais le film ne dépasse pas la plate illustration historique. Vanina Arrighi de Casanova

Parenthèse **
De Bernard Tanguy

Raphaël, la cinquantaine, décide d’entrainer ses deux meilleurs amis dans un périple en voilier pour retrouver la fougue de leurs jeunes années. En chemin, ils prennent en stop trois jolies jeunes filles qui ne les laisseront pas indifférents. Avec un tel synopsis, on peut craindre d’embarquer dans une odyssée érotico-beauf autour du démon de midi. Mais Parenthèse est loin de donner le mal de mer. Malgré quelques situations attendues, Bernard Tanguy signe une comédie sympathique et efficace, autant qu’une invitation à la liberté et au fantasme. Si bien qu’on se laisse attendrir par son équipage en mal d’aventure. La bande-son décalée de Stupeflip apparaît également comme un choix judicieux. Mathias Averty

Une nouvelle année **
D’Oksana Bychkova

Lui est chauffeur de taxi clandestin (anguleux et insondable Aleksey Filimonov), elle (pétulante et plantureuse Nadya Lumpova) travaille comme graphiste dans une agence branchée de Moscou. Leur relation se détériore à mesure que leurs aspirations personnelles évoluent dans des directions opposées. Oksana Bychkova évoque la fin d’une histoire par petites touches impressionnistes en décrivant un quotidien répétitif et étriqué qui finit par avoir raison d’un couple. C’est plutôt juste et joli. Dommage que la morale de l’histoire, un poil conservatrice, voire carrément réac, alimente le mythe éculé de la Russie éternelle. Christophe Narbonne

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