La première bande-annonce de La Conquête permet d’en savoir plus sur ce film qui pour la première fois brosse le portrait d’un président de la république en activité. Nous avons demandé à deux journalistes politiques ce qu’ils en pensaient. Hier matin, Europe1.fr dévoilait en exclusivité la bande-annonce de La Conquête. Ce film de Xavier Durringer, écrit par Patrick Rotman raconte l’ascension de Nicolas Sarkozy entre 2005 et 2007. Sa conquête du pouvoir, sa lutte contre Chirac, la rivalité avec De Villepin, sa rupture avec Cécilia... tout y passe. Après un premier teaser volontairement flou, cette première bande-annonce permet de se faire une idée un peu plus précise du film, de son écriture et, surtout, de ses comédiens (Denis Podalydès en Sarkozy, Samuel Labarthe en Dominique de Villepin et Bernard Lecoq en Chirac). Pour nous éclairer sur ce film très attendu, nous avons demandé l’avis de pro de la politique. Joseph Macé-Scaron chroniqueur (au Grand Journal, sur I-Télé) et directeur adjoint de l’hebdomadaire Marianne et Guy Birenbaum chroniqueur sur Europe1 et sur le site arrêt sur images et collaborateur du Sarko Info sur BFM TV, décryptent pour nous les images de ce biopic politique made in France.Par Gaël Golhen Tout est vraiJoseph Macé-Scaron semble plutôt conquis par la bande-annonce de La Conquête. Le journaliste trouve la vidéo “efficace”. Mais, surtout, “elle est crédible. Les propos tenus par Sarkozy, mais aussi par Chirac ou De Villepin sont crédibles. A 200% : j’ai l’impression de les entendre”. Crédible ? Guy Birenbaum va plus loin : “Tout est vrai ! Toutes les répliques qu’on entend dans la bande-annonce sont des citations qu’on a lues ou entendues dans la bouche des ces personnages. Quand Chirac dit : “j’aurais dû marcher dessus, et encore... du pied gauche, ça porte bonheur”, c’était dans Le Canard Enchaîné”. Tout, vraiment ? Même cette phrase prononcée par Podalydes/Sarkozy : “N’oubliez pas, je suis une Ferrarri, quand vous ouvrez le capot, c’est avec des gants blancs“, qui ressemble pour le coup à une punch line de scénariste. “Il faudrait vérifier, répond Guy Birenbaum, mais je crois qu’elle apparaît dans le livre de Yasmina Réza”. Quoiqu’il en soit, pour Birenbaum cette fidélité est à la fois la grande force du film et sa faiblesse. Faiblesse parce que finalement, quand il regarde la bande-annonce, Birenbaum se pose une seule question : “qu’est-ce que je vais apprendre ? Quel est l’intérêt d’aller voir un film dont on connaît tout par coeur, même la résolution...”Un problème de talonnetteCette bande-annonce permet surtout de se faire une idée sur le travail des comédiens. Et là-dessus, les deux journalistes - qui connaissent le vrai Sarkozy et les vrais politiques qui apparaissent à l’écran - sont d’accord. Pour Macé-Scaron, “Villepin est saisissant, Chirac m’a fait rire et un acteur de la trempe de Podalydès devrait apporter une vraie valeur ajoutée au rôle.” Même son de cloche pour Birenbaum : “Lecoq en Chirac a l’air vraiment génial, De Villepin est super et Podalydès a trouvé le débit et le ton de Sarko. Mais il n’est pas dans le mimétisme total”. C’est-à-dire ? “Regardez bien, Sarko dans la vie a un problème de déséquilibre à cause de ses talonnettes. Et à un moment dans la bande-annonce, il rate ça...”. Tout sauf le copier/collerCrédibilité, acteurs ressemblants... tout semble très proche de la réalité, mais les deux journalistes s’accordent pour affirmer que l’intérêt du film n’est pas dans le copier-coller. Macé-Scaron explique ainsi que “au fond, la question n’est pas de savoir si les acteurs sont ressemblants. Ce serait justement la pire erreur à faire. Quand les italiens font Le Caiman ou Il Divo, quand Les Anglais font The Queen, le problème n’est pas la ressemblance. Ce qui importe c’est la dynamique. Et ici, les situations, les logiques, m’ont l’air justes”. Birenbaum se montre plus sceptique : “Il ne faudrait pas que ce soit un documentaire déguisé en fiction. Par exemple, le moment où il mange la branche de ses lunettes dans l’avion (1:08 dans la bande-annonce NDLR), c’est exactement la photo d’Elodie Grégoire pour une couv’ de VSD, prise au moment où Sarkozy apprenait que Paris Match allait sortir sa rupture avec Cécilia. Je n’ai vu que cette bande-annonce, mais j’ai peur que le film soit un peu trop institutionnel. Rotman est l’homme qui réalise les grands documentaires sur les politiques pour la télé française, or avec un sujet pareil, on a besoin de partir dans la fiction”.Au contraire, la caution Rotman est essentiel pour Macé-Scaron : “C’est pour moi un gage de qualité. C’est plus qu’un journaliste, c’est un historien de l’instant et il devrait apporter au projet sa rigueur”. Est-ce qu’il y aura des scènes de cul ? Du coup, Macé-Scaron espère que “le film sera enfin le vrai biopic politique qu’on attend !". Le journaliste qui prépare un roman avec pour héros l'actuel président de la république (sortie prévue en mai) a une idée très arrêtée sur le rapport de Sarkozy et de la fiction : "Sarkozy est un personnage tellement baroque, tellement abracadabrant, les ressorts de son ascension sont tellement incroyables que ça ne pouvait sortir que par le biais d’une fiction. Pendant longtemps, personne n’osait le faire parce qu’il y avait une peur des financiers et un vrai problème d’autocensure, un esprit de cour enraciné, même dans le cinéma. Mais ça a fini par craquer, sous Sarkozy ! Cette période qui va de 2005 à 2007 où l’on a vu une incroyable partie de bonneteau, cet homme qui a réussi à faire croire à la rupture alors qu’il était là depuis 10 ans, qui s’est imposé comme un modèle de dynamisme alors que c’est un modèle de déséquilibre... Seule la fiction (que ce soit au cinéma ou dans le roman) pouvait rendre compte de ce parcours". Birenbaum, qui s’est frotté au genre (“Il y a quelques années je voulais faire une série politique avec Canal. Ca a calé parce qu’ils ont eu la trouille”) est une fois encore plus réservé. “J’aimerais vraiment qu’ils jouent la carte du romanesque. J’ai envie qu’on me raconte une histoire, pas qu’on me dise ce que je connais ou ce qui est dans la presse depuis des années. Pour bien saisir Sarkozy, il faut l’imaginer; il est plus romanesque que le romanesque. Est-ce qu’il y aura des scènes de cul ? C’est ça que j’attends finalement ! En d’autres termes, est-ce qu’ils oseront aller vraiment dans la fiction ? Est-ce qu’ils oseront suivre les américains qui n’ont pas peur d’aller trop loin ?” Frustré et énervé Finalement, que dire de ce bref morceau de pelloche ? Joseph Macé-Scaron : “Ca donne envie ! Et j’espère simplement que ce qu’on voit n’est pas le meilleur du film”. Guy Birenbaum qui reconnait que c’est tout de même compliqué de juger sur une bande-annonce ira voir le film : “Evidemment ! Mais j’ai peur d’être frustré (en me disant, “putain j’aurais fait mieux”) et énervé (parce que ce n’est pas de la fiction, mais un doc déguisé)”.Réponse à toutes ces questions en mai 2011.