L’Inconnu du lac fait scandale. Son affiche, du moins. En début d’après-midi, les Films du Losange (le distributeur du film) écrivait sur son compte Twitter que la mairie de la ville de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine) venait de faire retirer les affiches du film. Motif ? D’après le distributeur, le fait que le poster montre deux hommes s'embrasser aurait choqué certains citoyens. Qui se seraient donc plaints auprès de la mairie…Ce matin, la mairie de St Cloud a fait retirer les affiches de L'Inconnu du lac ! Ce serait pas un tout petit peu de la censure abusive, ça?— films_dulosange (@films_dulosange) June 10, 2013L’affiche aurait été également retirée à Versailles pour les mêmes raisons. D'après le site Rue89, c'est l'entreprise Decaux qui a ôté les affiches à la demande des deux mairies. L’Inconnu du lac, interdit aux moins de seize ans à cause de ses scènes de sexe très crues, raconte la romance brûlante entre deux hommes, Frank et Michel, au bord d’un lac provençal, haut lieu de rencontres entre hommes. Contactée par nos soins, la Mairie de Saint-Cloud n’a pas souhaité faire de commentaires.Alain Guiraudie a par contre accepté de nous parler.Alain Guiraudie, certaines municipalités demandent donc le retrait de votre affiche. Comment réagissez-vous ?Je l'ai appris il y a deux heures. Je prends ça de manière détachée. J'hésite entre l'amusement et l'agacement. Je remarque quand même que, comme par hasard, ça vient de l’Ouest parisien, de ces bourgeois qui veulent protéger leurs enfants ad vitam aeternam. Protéger de quoi d’ailleurs ? De la réalité des choses ? Et de qui ? Mais pour être honnête, ça me saoule un peu quand même.Ca vous saoule ?Oui, mais gentiment. Parce que c’est juste un dessin qui est, au mieux, évocateur. Ca prouve que ces gens-là ne laissent vraiment rien passer. Je vois bien que ça buzze sur Twitter, mais franchement, que la tradition versaillaise se réveille comme ça et s’attaque à une affiche pareille, oui, ça m’agace… C’est la preuve qu’un certain puritanisme français est toujours là, caché, et se réveille dès qu’il peut.L’ironie de la situation devrait pourtant vous amuser.Quelle ironie ?Ils censurent un dessin où deux hommes s’embrassent vaguement, mais ils n’ont pas idée de ce qui les attend dans le film (NDLR : des scènes de sexe homosexuel très explicites).Ça, effectivement, c’est amusant. Parce que je pense qu’ils ne savent même pas ce qu’il y a dans L’inconnu du lac -et qu’ils ne le sauront jamais. Mais à mon avis, ce qui les choque, c’est plus la fellation que le baiser.La fellation ?Ben oui, au fond, un homme qui met sa tête entre les cuisses d’un autre… la fellation, quoi.Je ne l’avais même pas vue. Elle est quand même très suggestive, cette affiche…Oui, on a voulu une affiche joyeuse, au ton badin. Et ça m’énerve qu’ils y trouvent à redire.Vu le contexte - la polémique sur le mariage pour tous - la réaction des municipalités de Saint-Cloud et de Versailles prend forcément un tour politique. Pourtant, le point de vue politique du film ne se pose pas sur ce plan-là.C’est vrai. Si mon film est politique, ce n’est pas d’un point de vue social. Le rapport au consumérisme sexuel et au sexe en général m’intéresse plus que le débat sur le mariage pour tous. Mais cette censure prouve quand même qu’il y a beaucoup de choses pas réglées. Quand j’écoute les « arguments », je vois que ces gens-là veulent défendre un vieux monde, protéger de vieilles règles qui ne sont plus d’usage. La conjugalité aujourd’hui, c’est quand même autre chose que le modèle un papa/une maman qu’ils proposent… Mais c’est vraiment une autre histoire !Propos recueillis par Gaël GolhenVoici l’affiche en question : saurez-vous retrouver le dessin représentant une fellation ?Alain Guiraudie nous racontait déjà à Cannes (où L’Inconnu du lac était présenté dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs) qu’une de ses intentions avec le film était qu’"il faudrait arriver à faire en sorte que l’homosexualité ne soit plus un sujet en soi". Peine perdue ?Bande-annonce de L’Inconnu du lac, que la rédaction de Première a beaucoup aimé à Cannes et considère comme "un thriller (…) drôle, au soleil et les couilles à l’air" :