Cannes 2024 jour 4
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Tous les jours, le point à chaud en direct du 77e festival de Cannes.

Le film du jour : Kinds of Kindness

Comment le nouveau Yorgos Lanthimos s’est-il retrouvé en compétition à Cannes ? Même les défenseurs du cinéaste grec de la rédac ont eu du mal à digérer Kinds of Kindness, film à sketchs de 2h45 où il semble parfois s’auto-parodier, comme s’il voulait titiller ses contempteurs. On y trouve pourtant des moments géniaux et hilarants, notamment dans le premier segment. Mais rien qui puisse prétendre à la Palme d’Or. 

Alors que Pauvres créatures dégageait un certain espoir en l’humanité, l’humour noir et la mysanthropie font leur retour en force dans le cinéma de Lanthimos, sans qu’on y retrouve le mordant ou la consistance d’un Canine. Emma Stone, Willem Dafoe et Margaret Qualley continuent en tout cas à s’éclater dans cet univers absurde et provocant, dans lequel se fond parfaitement le toujours génial Jesse Plemmons, dirigé pour la première fois par le réalisateur de La Favorite. Une parenthèse qu’on va vite refermer en attendant sa prochaine proposition. 

Notre critique de Kinds of Kindness

Kinds of Kindness
Searchlight Pictures

L’interview du jour : Barry Keoghan

Barry Keoghan est la star de Bird, le nouveau film d’Andrea Arnold (American Honey) qui se déroule dans un quartier populaire du Sud-Est de l’Angleterre. Rencontre express.

Ça fait quoi de revenir à Cannes 7 ans après Mise à mort du cerf sacré, le film qui vous a révélé ? 

Oui, on peut dire que je suis né à Cannes en tant qu’acteur. Le Cerf sacré tient une grande place dans mon cœur. Yorgos (Lanthimos) c’est le boss. Je vais aller voir son nouveau film, Kinds of Kindness, tout à l’heure. J’aimerais tourner à nouveau avec lui. Avec Christopher Nolan ou Andrea Arnold, ça fait partie des réalisateurs pour lesquels je dirai oui les yeux fermés. J’ai une telle confiance en eux que ça me permet d’explorer de nouvelles facettes de moi en me sentant protégé. Il faut pouvoir devenir vulnérable pour toucher la vérité dans une performance. 

C’était un rêve pour vous de travailler avec Andrea Arnold ? 

Bien sûr ! Je l’avais dit dans des interviews. Je n’ai même pas lu le script quand l’opportunité s’est présentée. J’adore l’aspect documentaire qu’on retrouve dans son cinéma, elle met tellement de vérité dans sa façon de parler des classes populaires. Je me reconnais beaucoup dans ce qu’elle fait. J’ai dû renoncer à Gladiator 2 parce que j’étais engagé sur Bird, les plannings se chevauchaient. Je suis fan de Ridley Scott mais quand on est acteur il faut parfois faire des choix. 

Votre personnage, Bug, ressemble à un mauvais père. Il a deux enfants ados alors qu’il n’a pas 30 ans, il est bardé de tatouages, vit dans un squat… Mais c’est plus compliqué que ça. 

Il ne faut pas juger un livre à sa couverture. Ce n’est pas parce qu’on évolue dans tel environnement ou qu’on a telle apparence qu’on est un mauvais père. Les plus grands battants, les meilleurs mères viennent de ces endroits où on n’a rien. 

Comme dans tous les films d’Andrea Arnold, la musique est omniprésente dans Bird. Et il y a même une blague sur "Murder on the Dancefloor", qui était au cœur d’une scène culte de Saltburn, où vous partagez l’affiche avec Jacob Elordi. 

Il y avait toujours une énorme enceinte sur le plateau, elle adore ça. C’est génial, la musique fait passer le temps plus vite. La référence à "Murder on the Dance Floor" c’est une idée d’Andrea, elle a ajouté ça après Saltburn. Les univers se croisent et je trouve ça très drôle. 

La vidéo du jour : les anecdotes cannoises d'Agnès Jaoui 

Le nazi du jour : Miguel Serrano dans The Hyperboreans

C’est dur à résumer, The Hyperboreans (présenté à la Quinzaine des cinéastes), mais on essaye : une comédienne chilienne reconstitue un film perdu, dans un étrange décor de papier découpé et de marionnettes géantes, où elle part à la recherche de Miguel Serrano (1917-2009), écrivain chilien d’extrême-droite fasciné par Hitler et l’ésotérisme. 

Elle va découvrir sa vie et plonger dans un jeu vidéo mystérieux. Le film, bricolé mais très cohérent et moins nawak que prévu, ressemble à une pièce de théâtre arty, avec du stop motion et des effets VHS, mais le meilleur est la figure de Serrano : ambassadeur du Chili en Inde, copain de Hesse et Jung, auteur d’un livre expliquant comment Hitler est un avatar des dieux Wotan et Vishnou, persuadé que l’Antarctique cache des bases aryennes et des soucoupes volantes nazies… 

Et on pense devant The Hyperboreans au Cas Howard Phillips Lovecraft, le film dingo de Patrick-Mario Bernard et Pierre Tridivic (diffusé en 1999) où la vie de l’auteur de L’Appel de Cthulhu (et raciste/antisémite notoire) était explorée à l’aide de papier découpé et de marionnettes. A voir d’urgence si jamais le sujet vous inspire.

The Hyperboreans
León & Cociña Films

La légende du jour : Sammo Hung dans City of Darkness (Séance de minuit)

Il est pépère, Sammo Hung, dans City of Darkness. On le voit assis ou au plumard : il gère sa mafia de là, sans trop se bouger. Et quand il se lève pour donner des beignes, c’est très clairement une doublure qui se castagne à sa place pour les scènes les plus fortes (merci au montage également). "Il n’était pas en très grande forme, il a des problèmes de santé avec ses genoux", nous explique au Palais des Festivals Soi Cheang, le réalisateur du dément Limbo, qui dirige également City of Darkness : un incroyable défouloir rageur où des clans se battent (avec des superpouvoirs) pour le contrôle de Kowloon, une citadelle de la misère surplombant le Hong Kong des années 80. Imaginez le mélange entre Scarface, Story of Ricky et Streets of Rage… 

Un kif énorme, avec Sammo Hung en parrain, donc, affublé d’un sac banane et qui ménage ses articulations. "Ceci dit, il nous a demandé de ne pas concevoir des scènes d’action pour son personnage seulement avec les mains parce que ça n’allait pas bien rendre à l’écran. Il a tourné tout ce qu’il a pu, en fonction de ses genoux. C’était déjà beaucoup. Et c’était un grand honneur de le faire tourner." A 72 ans, l’acteur HK No Ko légendaire (il a mis en scène les scènes de combat de A Touch of Zen de King Hu, a fait des cascades sur Opération Dragon…) et réalisateur/producteur  de quelques-unes des meilleures comédies kung fu (Prodigal Son, Mr. Vampire, L’Exorciste chinois…) a toujours une présence de dingue, que Soi Cheang utilise intelligemment. Sammo Hung assis, une chouette idée de cinéma, non ? "Pour lui, c’est naturel de jouer assis”, se marre le réalisateur. "Il a passé beaucoup trop de temps debout dans ses propres films !"


 

La révélation du jour : Louise Courvoisier, réalisatrice de Vingt dieux (Un Certain Regard)

Une aventure.... fromagère. Voilà la proposition singulière de ce premier long métrage signé par une réalisatrice sachant à merveille insuffler du documentaire dans sa fiction. Son jeune héros, Totone, ado de 18 ans, habitué à passer ses jours et ses nuits à faire la bamboche avec ses potes s'y voit tragiquement rattraper par la réalité: la mort de son père qui va l'obliger à trouver de l'argent pour pouvoir rester vivre à la ferme avec sa petite soeur. Et, pour cela, il va se mettre en tête de remporter le concours... du meilleur comté de la région doté de 30 000 euros ! 

Vingt dieux raconte cette mission impossible en mode coming of age story où, en parallèle de l'apprentissage de la fabrication du fromage, Totone va faire celui du désir et de l'amour physique dans les bras d'une jeune agricultrice au caractère bien trempé. Louise Courvoisier raconte et filme la ruralité avec une rare justesse, à mille lieux du misérabilisme trop souvent à l'oeuvre. Son film est lumineux, joyeux, en dépit de tous les obstacles placés sur la route de son jeune héros. Et sa bande de jeunes comédiens - tous non professionnels - irrésistibles. Ce Petit paysan à la sauce Bruno Dumont - la foi en l'humanité en plus ! - est un bijou. Rendez-vous le 11 décembre en salles pour le vérifier.

Vingt dieux - Affiche
Les Films du losange

Aujourd’hui à Cannes

Le gros morceau du jour en compétition sera évidemment Emila Perez de Jacques Audiard, qui fait son come-back sur la Croisette avec Zoe Saldana, Karla Sofía Gascón et Selena Gomez. Un projet étonnant, entre drame et comédie musicale. 

Par ailleurs, le réalisateur chinois Jia Zhangke, pas revenu à Cannes depuis Les Eternels en 2018, sera également présent en compèt' avec Caught by the Tides

Du côté des sélections parallèles, la comédie Une Langue universelle et le drame La Prisonnière de Bordeaux - avec notamment Isabelle Huppert - seront à la Quinzaine des cinéastes, alors que La Semaine de la critique présentera, en séance spéciale, Les Reines du drame.

En Cannes Première, un moyen-métrage de Leos Carax, objet forcément étonnant puisqu'il s'agit d'une sorte d'autoportrait commandé à la base par le Centre Pompidou. 

Et le soir, il ne faudra pas louper Les Femmes au balcon de (et avec) Noémie Merlant en séance de minuit.

Cannes 2024 : le guide complet des 22 films en compétition pour la Palme d'Or