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J.J. Abrams cultive le mystère autour de ce thriller qui "partage l’ADN" de Cloverfield.

10 Cloverfield Lane sort mercredi au cinéma. Pourtant, on sait peu de choses sur son contenu. Décryptage avec ces dix choses à savoir sur le projet sans pour autant le spoiler.

1. Cloverfield signifie champ de trèfles
Vous en déduisez ce que vous voulez, mais à la base, le terme Cloverfield n’a rien de monstrueux. Dans le film de 2008, le terme n’est jamais prononcé. Il s’ouvre simplement sur un carton expliquant que les éléments relatés à l’écran font partie de "l’affaire Cloverfield". Dans cet épisode, le mot est compris dans l’adresse où se déroule l’action. En plus de faire écho au thriller sorti il y a huit ans, 10 Cloverfield Lane est vraisemblablement un clin d’œil au Cloverfield Boulevard de Santa Monica, qui se trouve près de l’endroit où J.J. Abrams a fondé son studio Bad Robot en 1998.

Notons qu’on voit sur l’une des affiches du film que la maison est entourée d’un champ, mais qu’il ne se compose pas de trèfles.

2. A l'origine, le projet n’était pas lié à Cloverfield
J. J. Abrams a souvent dit qu’il était partant pour donner une suite à Cloverfield, sans que le projet ne soit officiellement lancé. C’est seulement en recevant le scénario de 10 Cloverfield Lane, qui s’appelait alors Valencia, qu’il a pensé le relier "spirituellement" au film de monstre de 2008. Signé par Josh CampbellMatthew Stuecke, et Damien Chazelle (le réalisateur de Whiplash, qui devait pendant un temps le mettre en scène), il a été réécrit pour se rapprocher de l’univers de Cloverfield. Voici comment J. J. présentait le projet à Empire le mois dernier : "On y a vu l’opportunité de faire quelque chose de très rare à Hollywood, qui devrait d’ailleurs être plus courant, à savoir proposer un film original, qui serait le successeur spirituel d’un autre film, en l’occurrence Cloverfield. L’idée, ce n’était pas de lui donner une suite directe". Le public a découvert que les deux projets étaient liés seulement lors de la mise en ligne de sa bande-annonce, en janvier dernier.

 


3. Les deux films partagent finalement "le même ADN"
Jusqu’à quel point ? Le producteur a récemment fait savoir que la fin de 10… avait été réécrite, pour que le lien entre les deux soit plus évident, mais on n’en dira pas plus ici avant que le film soit sorti (on a dit : sans spoiler). Il a également répété qu’il ne s’agissait pas d’une suite à proprement parler, ni d’un préquel. Un spin-off alors ? A première vue, les deux sont très différents. Là où Cloverfield était filmé caméra à l’épaule, celui-ci est présenté comme un huis-clos plus calme, bien qu’il soit construit tout en tension. Une jeune femme, blessée dans un accident de voiture et jouée par Mary Mary Elizabeth Winstead, se réveille dans une pièce close. L’homme qui l’a recueillie lui explique alors qu’elle ne peut pas sortir car l’air a été pollué par un accident chimique. Dit-il la vérité ou est-il en train de la séquestrer ? Est-elle en danger ? Plus elle cherche des réponses, plus le suspense s’intensifie, passant de révélations en fausses pistes.

Une chose est sûre : le titre du projet, dévoilé en janvier en même temps que la bande-annonce, a surpris tout le monde et prouve qu’une production hollywoodienne peut encore être imaginée dans le secret à l’heure où la moindre information est décryptée sur internet.

Plus de détails sur le sujet : 10 Cloverfield Lane ou l’art de garder le secret sur un film en 2016

4. 10 Cloverfield Lane est aussi lié à Super 8
Et à d’autres productions de J.J. Abrams. Ce sont des détails, mais ils devraient amuser les fans : comme le fait Quentin Tarantino, J.J. relie tous ses films les uns aux autres. Notamment à l’aide de marques fictives pour les boissons Shlusho !, déjà vues dans Cloverfield Cloverfield, ou pour Kelvin, nom d’une station-service déjà vue dans Super 8 et appelée ainsi en hommage à son grand-père.

 

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Comment les films de Quentin Tarantino sont-ils liés exactement ?

5. C’est un film de monstres
L’accroche promet de retrouver le thème principal de Cloverfield, tout en affirmant que "Les monstres prennent diverses formes". Ce qui signifie qu’un ou plusieurs monstres seront à nouveau au cœur de l’intrigue, mais pas de la même manière que dans Cloverfield ? C’est sans doute le point le plus énigmatique de toute la promotion, et le plus alléchant. Le terme est-il à prendre au sens propre ? Au sens figuré ? Les deux ? On peut s’attendre à tout de la part de J. J. et son équipe.

 

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6. Sa promotion est remplie d'indices à décrypter
En attendant la sortie de 10… ce mercredi, le public peut s’amuser à analyser ses affiches et bandes-annonces. Celle-ci est remplie d’éléments troublants : aviez-vous remarqué le Bad Robot caché dans le champ à gauche de la maison ? Le message écrit sur le pied de la boîte aux lettres (le prénom Megan, suivi d’un coeur) ? La porte de la boîte aux lettres qui est en train de se dévisser ? Les lettres TRS (initiales de l'émission Totally Rad Show, co-animée sur le web par le réalisateur Dan Trachtenberg, ndlr) gravées en bas de la boîte ? Les ombres aux fenêtres ?

 

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Idem dans les vidéos, qui mènent à une promotion virale bien ficelée. Tapez le nom du personnage de John Goodman sur Google, par exemple, et vous tomberez sur "Howard Stambler employé du mois" sur le site de la société japonaise fictive Tagruato.

Voir les 5 plus gros mystères de la bande-annonce ici 

7. Un projet original entre deux "Portal"
Si le thriller qui sort mercredi est associé à J.J. Abrams dans l’esprit des spectateurs, ce n’est pas lui qui l’a mis en scène, mais un certain Dan Trachtenberg. Il s’agit de son premier long-métrage, réalisé après avoir été révélé par ce court bien pensé et inspiré du jeu-vidéo Portal, édité en 2007 par Valve Corporation. "C’est Lindsay Weber de Bad Robot qui l’a recommandéexpliquait récemment J. JJ’étais un peu hésitant à l’idée d’engager quelqu’un qui n’avait pas encore réalisé de film, même si j’avais aimé son Portal. Je l’ai quand même rencontré et lors de ce rendez-vous, il m’a prouvé qu’il avait une vision limpide du projet. Il avait les scènes en tête, il connaissait ses personnages et son histoire, il savait ce qu’il voulait faire ressentir au public…".

Voir le court-métrage ici

Coïncidence intrigante : J.J. vient de confirmer que l’adaptation de Portal était toujours d’actualité. Sera-t-elle mise en scène par Dan ? Le producteur ne veut pas en dire plus pour l’instant, mais il se murmure que suite à ce premier essai réussi, le réalisateur de 10 Cloverfield Lane pourrait enchaîner avec ce projet.

8. Son casting est surprenant
La distribution talentueuse revient régulièrement au sein des premières critiques du film. Sans rien spoiler ici, on peut tout de même dire que John Goodman n’avait pas eu un rôle aussi important depuis très longtemps. Trop souvent cantonné aux personnages secondaires (chez les frères Coen, notamment), voire aux très courtes apparitions (dans The Artist, Argo etc.), il joue ici un homme mystérieux, dont la personnalité se dévoile petit à petit. "Il a une sacrée filmographie, reconnaît J.J., mais je ne l’avais encore jamais vu jouer un type pareil. Qui soit aussi effrayant, aussi bizarre. Il est excellent, c’est incroyable de le regarder jouer. Et il a un sens de l’humour terrible".

Mary Elizabeth Winstead est également à la hauteur, en jeune fille déterminée, qui veut savoir coûte que coûte ce qui est en train de se passer en dehors du bunker. "J’aime beaucoup ce qu’elle fait dans Scott Pilgrim. Elle a une certaine force, en laquelle je crois immédiatement. Elle est belle, mais pas au point d’être irréelle. On pourrait rencontrer quelqu’un comme elle dans la vraie vie. C’est important pour le personnage de Michelle, qui demandait à son interprète d’aller jusqu’au bout, d’être vulnérable, effrayée, spontanée, pleine de ressources, forte, méfiante… et surtout crédible."

Le troisième personnage du bunker est un jeune homme affaibli par une blessure à l’épaule. Joué par John Gallagher Jr., il est sympathique et rassurant, ce qui crée un décalage avec le personnage inquiétant joué par Goodman. "Je suis fan de The Newsroom, où il est gentil et agréable. Ici, c’est un peu différent, mais on avait besoin qu’il ait un côté ‘simple’. Je crois qu’il faut être malin pour faire ressentir ça sans se planter, et il a réussi son coup", analyse J.J.

Vous avez peut-être lu qu’un acteur oscarisé avait un rôle secret dans le film ? Petit conseil d’ami : inutile de passer le film à le chercher, il n’apparaît pas à l’écran. On entend seulement sa voix, au début du film, puisqu’il double Ben, l’ex-petit ami de l’héroïne. 

 

9. La BO de Bear McCreary est parfaite
Pour se mettre dans l’ambiance de 10 Cloverfield Lane, rien de mieux que d’écouter sa bande originale, composée par Bear McCreary. A 37 ans, cet artiste s’est surtout fait connaître grâce à ses musiques pour le petit écran. Le suspense, ça le connaît, après six saisons de The Walking Dead et trois de Marvel : Les Agents du S.H.I.E.L.D. Sa BO de 10 Cloverfield Lane est intense, elle fait monter la pression crescendo. Elle comprend aussi un morceau inattendu au milieu de toute cette tension : "I Think We Are Alone Now", de Tommy James & The Shondells, qui rythme le seul moment de détente du film et qui a servi de musique de fond à la bande-annonce.

 


10. 10 Cloverfield Lane ou comment repenser la mécanique d’une saga
Une franchise cinématographique se compose habituellement de suites. Elle peut aussi avoir des spin-offs (comme chez Marvel avec les épisodes en solo de Thor, Captain America etc.) ou des préquels, qui racontent ce qui s’est déroulé avant l’histoire principale. 10 Cloverfield Lane propose une alternative au concept, puisqu’il ne s’agit d’aucun des trois. Le film est davantage pensé comme un long-métrage à l’intrigue originale, mais dont certains éléments rappellent le film de 2008. D’ordinaire, ce principe est surtout utilisé à la télévision, avec des épisodes dont les intrigues ne se suivent pas forcément, mais qui partagent une même ambiance, un "ADN" comme le définit J.J. L’une des sources d’inspiration de l’équipe est d’ailleurs ouvertement La Quatrième Dimension, série démarrée à la fin des années 1950. Chaque histoire avait pour point commun de traiter d’un thème de science-fiction et d’être introduite par Rod Serling, mais elle n’avait aucun lien scénaristique –ou au mieux des détails très anecdotiques- avec les précédentes. L'ambiance de 10... rappelle par exemple The Shelter, dans la saison 3, où il est question d'abri atomique. La trame est également très proche de celle de Shelter Me, le deuxième épisode de Metal Hurlant Chronicle diffusé en 2012 avec Michelle Ryan et James Marsters. La série s'inspire des BD publiées à partir des années 1970 et reprend cette même idée : chaque intrigue diffère, mais elles sont liées par un élément : le "Métal Hurlant", météorite qui parcourt l'espace et le temps et interfère avec différents personnages.

 

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Transposer cela au cinéma autour de Cloverfield est assez malin, car même si les spectateurs n’aiment pas l’un des films (celui de 2008 a par exemple ses détracteurs, qui n’ont pas apprécié ses mouvements incessants), ils peuvent tout à fait adhérer au suivant. Quelles surprises réservera le troisième Cloverfield ? Comment sera-t-il lié aux précédents ? J. J. se garde bien d'en dire plus.

Elodie Bardinet (@Eb_prem)