Lucasfilm

Rencontre avec le maître des créatures.

L’homme derrière les créatures des nouveaux films Star Wars, c’est lui. Neal Scanlan, superviseur des effets visuels et maquilleur sur Le Réveil de la Force, Rogue One, Solo et Les Derniers Jedi nous livre ses secrets de fabrication.

Les créatures sont-elles déjà dans le script ou naissent-elle un peu plus tard d’un échange avec le réalisateur ?
Ça va dans les deux sens. La plupart du temps, les créatures sont déjà dans le script et elles évoluent au fur et à mesure des différentes versions. Quand on prend connaissance du scénario, on tente de déchiffrer combien on en aura à créer, et grossièrement ce à quoi elles ressembleront. Durant le processus créatif, on échange avec le réalisateur, on suggère des choses, il y a beaucoup d’allers et retours. Mais il se peut qu’il ait une idée très précise de ce qu’il veut : Rian Johnson savait par exemple exactement ce à quoi les Fathiers (sortes de chevaux de l’espace, NDLR) des Derniers Jedi devaient ressembler. Il avait juste besoin de notre aide pour les rendre réels. Mais pour les Porgs, les choses étaient beaucoup plus vagues, on a fait des centaines de dessins à partir d’une simple description.

Et pour une scène comme celle du casino de Canto Bight ?
C’était encore autre chose. Tout ce qu’on avait, c’était l’environnement et le contenu de la scène : ‘Un casino plein de créatures extraterrestres, qui viennent des quatre coins de la galaxie’. Donc il fallait mélanger des humains, des aliens, des robots… Au final, on a produit 300 à 400 dessins et Rian a fait son marché.

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Qu’est-ce qui fait une bonne créature de Star Wars ? Est-ce qu’il y a des règles ?
Bien plus pour n'importe quelle autre oeuvre de science-fiction. Les personnages doivent avoir un look très distinct, il faut qu’on puisse les reconnaître juste par leur silhouette, comme BB-8. George Lucas a posé les bases en créant un mélange entre notre monde et cet univers qui existait dans son esprit. C’est ce qui fait qu’il y a une limite à ne pas dépasser dans le design de chaque personnage, il faut trouver le juste milieu. S’inspirer fortement du réel tout en allant puiser dans notre imaginaire.

Et ça rend votre travail plus compliqué ?
Oui, parce qu’on est obligé de se discipliner, on ne peut pas aller trop loin dans nos délires (Rires). La franchise Star Trek peut se permettre des choses impensables pour nous dans le design des aliens.

Comment avez-vous travaillé sur la scène du retour de Yoda ?
Ah, Yoda… Une bénédiction ! On a immédiatement mesuré la chance et l’honneur que représentait l’opportunité de bosser sur l’une des marionnettes les plus marquantes de l'histoire du cinéma. Après avoir fouillé dans les archives de Lucasfilm, on a retrouvé le moule original de la tête de Yoda, un vrai joyau dans son écrin. Et puis il a fallu faire le tri dans la mine d’informations à notre disposition. L’objectif était d’arriver à réaliser une réplique exacte, mais avec la technologie d'aujourd'hui. Plus facile à dire qu’à faire… On a dû faire attention au moindre détail, à la moindre texture. Frank Oz (qui anime Yoda et lui prête sa voix depuis l’Épisode V, NDLR) a joué exactement de la même façon qu'il le faisait à l'époque, avec trois marionnettistes pour l’aider. C’était magique.


Il a toujours été hors de question d’utiliser des images de synthèse comme dans la prélogie ?
J'aurais démissionné (Rires). Pour moi, il était impossible de ne pas le faire revenir exactement comme il était dans sa première scène de L'Empire contre-attaque. Donc j'ai dit à Rian : "Il faut qu'on le fasse en vrai. C'est un cadeau pour les fans et c'est peut-être la dernière fois qu'on verra Yoda à l'écran". Frank ne rajeunit pas non plus, c’était sûrement notre ultime chance de réunir tout le monde. Rian était heureusement d'accord. Le plus dur, c’était de ne pas le rendre trop fantomatique, afin de ne pas priver le public de la pleine appréciation du retour de Yoda. Pour en arriver à ce résultat, on a beaucoup discuté avec Ben Morris, le responsable des effets spéciaux.

Dès la première apparition des Porgs dans la bande-annonce des Derniers Jedi, il était évident que les produits dérivés allaient se vendre comme des petits pains. Est-ce une décision consciente ? Est-ce qu’on vous a demandé d’imaginer un best-seller auprès des enfants ?
Je sais bien que les gens se sont dit que les Porgs allaient faire vendre, mais on n'a pas le merchandising en tête quand on imagine de nouvelles créatures. Par contre, on a une certaine responsabilité : le monde de Star Wars doit parler à tout le monde, peu importe l’âge. Le but est de créer quelque chose d’universellement attirant, qui n’exclut personne. Alors forcément, quand on imagine une créature universellement attirante, elle devient par définition désirable. Mais si elle n’est pas assez mignonne, les enfants seront exclus ! C’est un paradoxe impossible à résoudre.

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Pour créer le Vulptex, vous avez utilisé à la fois des effets spéciaux numériques et des animatroniques. C’est un mélange qui offre plus de libertés ?
Pour être tout à fait honnête, au final presque tous les plans - si ce n’est tous les plans - sont réalisés avec des effets spéciaux numériques. Au départ, on avait fabriqué une petite combinaison pour un chien, sur laquelle on avait placé des centaines de pailles avec des boules lumineuses au bout. C'était très utile de voir comment l’animal bougeait avec tout ça sur le dos. Mais Rian trouvait que la luminosité n’allait pas, il voulait un effet « chandelier ». On a continué à travailler d’arrache-pied pour trouver la bonne formule. Sauf que plus on avançait, plus il devenait évident que ça allait être trop lourd à porter pour un vrai chien. Une fois qu’il a été décidé de passer par ordinateur, on a tout de même fabriqué un animatronique qu’on pouvait éclairer de la bonne façon. On le faisait bouger à travers les lumières sur le plateau. Donc la création du Vulptex a été un pur mix entre différentes technologies, un mariage très intéressant car chacune complémente l’autre. J’en reviens à ce que je vous disais tout à l’heure : ce mélange de vrai et de faux, c'est ce qui fait la différence entre Star Wars et une autre franchise.

Star Wars : Les Derniers Jedi, disponible en Blu-ray 2D et 3D et en DVD.