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Retour sur les enjeux d'un mouvement qui ébranle Hollywood.

La polémique enfle depuis l’annonce des nominations aux Oscars. Trop blanche, la cérémonie ? C'est en tout cas ce que pensent bon nombre d'internautes, journalistes, activistes et représentants de l'industrie, alors que le débat a permis d'en ouvrir un autre, plus large, sur l'état du cinéma américain dans son ensemble. Et cette fois-ci, la persévérance des critiques pourrait bien commencer à faire bouger (un peu) les choses.

C'est quoi le problème ?

Depuis l'annonce des nominations aux Oscars le 15 janvier dernier, difficile de passer à côté de ce hashtag sur les réseaux sociaux : #OscarsSoWhite. En cause, sur les vingt acteurs nommés dans les catégories principales de la cuvée 2016 des Oscars, tous sont blancs. En incluant les réalisateurs, seul le Mexicain Alejandro Gonzalez Inarritu vient contester cette hégémonie – comme l’année dernière. Deux années de suite sans qu'aucun acteur de couleur ne se retrouve nommé, c'est une première depuis près de vingt ans, en 1998 et 1999.

Le mécontentement était d'autant plus légitime que les prétendants ne manquaient pas cette année. De Creed à Straight Outta Compton, en passant par Beasts of No Nation (produit par Netflix mais éligible grâce à sa sortie dans quelques salles aux États-Unis), les profils de films oscarisables existaient. Mais que ce soit Michael B. Jordan, Ryan Coogler, F. Gary Gray, les interprètes des membres de la N. W. A. ou encore Samuel L. Jackson dans Les 8 salopards, personne n'a su faire son trou jusqu'à la liste finale. Et pour ne pas oublier les autres acteurs non-blancs, des noms comme Oscar Isaac (Ex Machina) et Benicio del Toro (Sicario) revenaient aussi régulièrement dans les pronostics.

Oscars 2016 : où sont les Noirs ?

Pire encore, si Straight Outta Compton n'a été nommé qu'une seule fois aux Oscars, il l'a été par son scénario, écrit par Jonathan Herman, Andrea Berloff, S. Leigh Savidge et Alan Wenkus... tous les quatre blancs. Et malgré la nomination du prodige du R'n'B The Weeknd pour Earned It (Cinquante nuances de Grey), l'absence de See You Again de Wiz Khalifa, l'énorme tube habillant les derniers instants de Fast and Furious 7, a elle aussi été remarquée. Bref, une succession de rendez-vous ratés qui, accumulés tous ensemble, font un peu tâche du côté de l'Académie.

Aux origines du hashtag

Il n'en fallut pas plus pour que le mécontentement face à ce manque de diversité ne se regroupe sous un hashtag, #OscarsSoWhite. Un hashtag créé l'an dernier par April Reign, rédactrice de BroadwayBlack, un site dédié aux pièces mettant à l'honneur des acteurs et metteurs en scène noirs. Le mot d'ordre se répandit rapidement et fut repris plusieurs milliers de fois en quelques heures, avant de devenir le centre névralgique de toutes les discussions sur les prochains Oscars, plus encore que la perspective de voir (sans doute) Leonardo DiCaprio enfin mettre la main sur sa statuette.

La polémique a qui plus est trouvé rapidement son relais médiatique à travers de nombreuses personnalités, toutes couleurs confondues, de Jada Pinkett Smith à Michael Moore, de Spike Lee à George Clooney, de Don Cheadle à Reese Witherspoon. Parmi les plus promptes à affirmer son adhésion au mouvement, David Oyelowo (Selma) résumait le sentiment général en ces termes : "Que l'on soit passé à côté de vingt opportunités de célébrer les acteurs et actrices de couleur l'an dernier est une chose ; que cela arrive de nouveau cette année est impardonnable".

Le petit écran devant le grand

Et cette fois, l'Académie n’a pas pu esquiver la discussion. Car il faut dire que sur ce terrain, le grand écran a accumulé un réel retard par rapport au petit, ce que la dernière cérémonie des Golden Globes a éloquemment illustré. Là où les récompenses télévisuelles ont mis en avant, dans leurs catégories principales, une douzaine de talents non-blancs (Taraji P. Hanson, Viola Davis, Rami Malek, Wagner Moura, Aziz Ansari, Gina Rodriguez, Oscar Isaac, Queen Latifah, Idris Elba, David Oyelowo, Uzo Aduba, Regina King), les récompenses cinéma, elles, n'en ont retenu que trois : Will Smith, Idris Elba et Alejandro Gonzalez Inarritu. Et seul le dernier a fait son chemin jusqu'aux Oscars...

À l'heure où la télévision américaine a su faire place aux héroïnes noires de Shonda Rhimes (Scandal, How to get Away with Murder), a fait triompher l'Empire de Lee Daniels, et arrive également peu à peu à s'adresser aux autres communautés (les Latino-Américains avec Jane the Virgin, les Asio-Américains avec les sitcoms Fresh Off the Boat et Dr. Ken), le cinéma a encore du mal à ouvrir ses lead roles à la diversité. Ce qui ne veut pas dire que les mentalités n'avancent pas, comme le souligne David Oyelowo dans sa critique adressée à l'Académie : "Nous sommes actuellement dans une situation dans laquelle le plus gros film de tous les temps [Star Wars : Le réveil de la Force] est mené par un acteur noir. Ce film a été récemment délogé au box-office par un film, Mise à l'épreuve 2, dont les deux acteurs principaux [Ice Cube et Kevin Hart] sont noirs. Et la série la plus importante au monde actuellement, Empire, est gérée par des noirs".

Si les efforts du genre ont tendance à se multiplier (on peut s'en convaincre avec le casting cosmopolite de Star Wars : Rogue One), ils ne peuvent non plus faire oublier certaines décisions plus malheureuses, à l'image des différents scandales de whitewashing (quand des acteurs blancs interprètent des personnages censés être de couleur), qui soulèvent désormais une levée de boucliers systématique. Des films comme Exodus : Gods and Kings, Seul sur Mars ou Stonewall en ont (plus ou moins) fait les frais ; le bad buzz a fait couler le Welcome Back de Cameron Crowe, et le whitewashing du trailer de Gods of Egypt a autant fait parler que ses horribles effets spéciaux.

Gods of Egypt : les ravages du whitewashing

Dans l'ensemble, le statu quo général de l'industrie a fait naître un certain sentiment d'impuissance, alors que l'Academy of Motion Pitcure Arts and Sciences est dirigée depuis 2013 par une présidente noire, Cheryl Boone Isaacs, une première dans son histoire. Dans un pays où les tensions raciales ne se sont pas apaisées malgré huit ans de présidence de Barack Obama, l'effet de saturation induit par le contexte social a pris le pas sur des avancées qui restent de l'ordre du symbolique. C'est ce sens qu'April Reign a souhaité insuffler au moment de créer le hashtag #OscarsSoWhite, comme elle s'en est récemment expliquée au site The Wrap : "Elle [Sheryl Boone Isaacs] se bat contre le vent. Elle est seule à affronter une Académie dont on sait qu'elle est à 94% blanche, à plus de 70% masculine et dont l'âge moyen est de 63 ans".

Les chiffres avancés par April Reign sont ceux de la dernière étude massive menée par le Los Angeles Times sur les profils de 5112 des 5765 membres qui composaient l'Académie des Oscars. Les représentants noirs ne constituaient à l'époque que 2% des membres admis, pourcentage équivalent pour les latino-américains. Si les nouvelles promotions ont fait un effort vers la diversité, les évolutions au cours des dernières années restent négligeables (de l'ordre de moins de 1% par an). La raison d'être du hashtag #OscarsSoWhite tient en grande partie à ces statistiques.

Qui défend quoi ?

Sans chercher à monter des camps les uns contre les autres, deux tendances se sont rapidement dessinées dans l'industrie, chacune avec ses moyens d'expression différents. Les premiers coups de semonce médiatiques sont venus de Jada Pinkett Smith, alors que son époux pouvait envisager une nomination pour son film Seul contre tous. L'actrice aperçue il y a quelques mois dans la série Gotham annonçait dans un tweet puis une vidéo son intention de boycotter la cérémonie, avant d'être rejointe par Will Smith quelques jours plus tard : "Implorer, ou ne serait-ce que demander notre reconnaissance diminue notre intégrité et notre pouvoir", y assénait-elle. "Et nous sommes des gens dignes et puissants, ne l'oublions pas.". De son côté, Spike Lee annonçait son intention de ne pas se rendre à la cérémonie (il a par la suite réfuté le terme de boycott dans une interview), préférant aller voir jouer son équipe de cœur des New York Knicks sur les parquets de NBA ce soir-là.

De nombreux acteurs noirs parmi les plus influents dans l'industrie ont rapidement emboîté le pas comme Lupita Nyong'o, oscarisée en 2014 pour 12 Years a Slave, et pour laquelle "Les Oscars ne devraient pas dicter les règles de l'art dans notre société moderne mais refléter le meilleur de ce que notre art a à offrir". Sur le plateau de l'émission The View, dont elle est chroniqueuse depuis des années, Whoopi Goldberg s'est énervée qu'"on puisse avoir cette conversation chaque année, que chaque année les gens s'enflamment mais qu'ils ne disent plus rien le reste de l'année". Et les messages de soutien aux "oubliés" des nominations se sont multipliés, à l'exemple de celui de Pam Grier, l'inoubliable Jackie Brown de Tarantino.

Certaines personnalités blanches y sont allées elle aussi de leur soutien, à l'image de George Clooney (qui dans ses propos va même jusqu'à parler d'un recul des mentalités et d'une cérémonie qui va "dans le mauvais sens"), Reese Witherspoon ou encore Matt Damon, pourtant épinglé il y a quelques semaines pour des propos polémiques dans son émission Project Greenlight. Michael Moore a de son côté, a rejoint le camp des pro-boycott tout en soutenant l'action pour l'ouverture menée par les décisionnaires de l'Académie depuis plusieurs années. Et la polémique a fait son bout de chemin jusqu'en France, où Omar Sy et Roschdy Zem se sont également prononcés pour une réforme du système en place.

Le hashtag #OscarsSoWhite n'a cependant pas rencontré un élan de sympathie unanime, loin de là. Ces derniers jours, la presse et les réseaux sociaux se sont faits largement l'écho des propos sur le "racisme anti-blanc" de Charlotte Rampling, nommée à l'Oscar de la meilleure actrice, propos que cette dernière a estimé par la suite "mal interprétés". Autre personnalité à faire valoir sa voix discordante : Michael Caine dans une interview accordée à la BBC : "On ne peut pas voter pour un acteur juste parce qu'il est noir. On ne peut pas se dire : 'Je vais voter pour lui, il n'est pas si bon que ça, mais il est noir, je vais voter pour lui. Il faut offrir une grande performance. Je ne sais pas ce qui s'est passé avec Idris Elba, je l'ai vu et je l'ai trouvé formidable et je pensais qu'il serait nominé. […] Soyez patients, ça viendra. Ça m'a pris des années pour arriver jusqu'aux Oscars". De son côté, Julie Delpy préférait mettre l'accent sur le problème de la représentation des femmes à Hollywood d'une façon que l'on jugera bien maladroite.

La contre-attaque des votants

Du côté des votants de l'Académie, l'heure était avant tout à la justification des choix et à la défense de l'intégrité de la cérémonie, à travers les propos recueillis notamment par le Hollywood Reporter. On y parle avant tout de choix au cas par cas, à l'image de l'actrice Penelope Ann Miller (L'impasse, The Artist) : "J'ai voté pour plusieurs artistes noirs, et je suis désolée qu'ils ne soient pas nommés. Mais insinuer que nous sommes tous racistes est très offensant. […] Cette année, la concurrence était juste très importante. J'ai adoré Beasts of No Nation et j'y ai adoré Idris Elba, mais je pense simplement que trop peu de gens l'ont vu. Straight Outta Compton était un super film, mais il a dû laisser sur le côté certains membres plus âgés de l'Académie. Et il y a eu aussi des omissions décevantes du côté des acteurs blancs : je suis sûre que Michael Keaton doit être déçu". Même son de cloche du côté de Jeremy Larner, scénariste oscarisé en 1973 pour Votez McKay : "J'ai voté pour plusieurs gens de couleur. Je pense juste que Straight Outta Compton n'est pas un grand film pour des raisons de structure et de substance. Pour moi, un grand film doit montrer bien plus que ce que celui-là a montré".

Le Hollywood conservateur va quant à lui parfois beaucoup plus loin dans ses observations. "C'est une vue de l'esprit très étroite que d'accuser les gens ainsi, et franchement c'est insultant", s'emporte notamment le réalisateur et producteur Lionel Chetwynd. "Je suis parfaitement capable de juger et de m'émerveiller d'une performance sans me soucier de la couleur de peau de l'acteur. Qu'est-ce qui vous prend ? Ce n'est pas l'Académie de la Diversité, ici". L'Oscar de la déclaration le plus extrême revient à Gerald Molen, producteur entre autres de La liste de Schndler, qui ne mettait quant à lui pas de gants pour traiter les partisans du mouvement #OscarsSoWhite de "pourris gâtés" : "Il n'y a de racisme que pour ceux qui ont créé ce problème. C'est la pire chose qui soit, de se plaindre d'une manière aussi moche".

Deux tendances opposées sous-tendent les déclarations de chaque "camp" : les antis envisagent le cas des Oscars comme un problème singulier et ponctuel, se réfugier derrière la notion subjective de "mérite", tandis que les pros le présentent essentiellement comme le symptôme d'un mal plus grave qui touche le cinéma américain (et pas uniquement) et dont les Oscars font partie intégrante.

Quel rôle pour Chris Rock ?

La polémique a en tout cas dû raccourcir les nuits de Chris Rock, qui aura la très lourde charge d'animer la cérémonie et d'alléger l'ambiance générale alors qu’il devient de facto le porte-parole de la communauté noire - un statut que l'acteur avait en partie choisi d'assumer en signant il y a un peu plus d'un an une tribune dans le Hollywood Reporter dont le titre faisait état d'un constat lapidaire : "C'est une industrie de blancs".

Parfois citée comme argument des opposants au mouvement #OscarsSoWhite, la présence de Chris Rock aux commandes de la soirée est cependant la preuve qu'un présentateur de couleur n'a aucune corrélation avec le palmarès de la cérémonie. Lorsqu'en 1996, la cérémonie est pour la première fois supervisée par un producteur (Quincy Jones) et animée par une présentatrice (Whoopi Goldberg) noirs, les nominations avaient offert l'une des sélections les plus blanches de ces vingt dernières années avec en tout et pour tout... une seule personnalité noire nommée, dans la catégorie court-métrage.

De toute évidence, l'attitude et le discours d'ouverture de Chris Rock seront scrutés de très près le 28 février prochain. Certains n'ont cependant pas hésité à demander à l'acteur d'aller plus loin et de se désister en signe de solidarité, à l'image de Tyrese Gibson (Roman Pearce dans la saga Fast and Furious) sur son compte Facebook : "Si on demandait à Andy Cohen [un animateur télé américain homosexuel] d'animer les Oscars et que ces derniers ignoraient les gays dans leurs nominations, il serait déjà parti". Parmi les autres personnalités publiques, le médiatique révérend Al Sharpton a lui aussi pris position en faveur d'un boycott, tout comme 50 Cent : "Tu comptes beaucoup, mec, ne le fais pas, s'il te plaît".

L'acteur répondra finalement présent. Selon le producteur Reginald Hudlin, le comédien pourrait réécrir son discours d'ouverture pour aborder la polémique (si tel est le cas, on suggère notamment à Charlotte Rampling d'arriver avec quelques minutes de retard à son fauteuil). Une déclaration qu'a réfuté il y a quelques heures Leslie Sloane, représentante et publiciste de Chris Rock. On attend donc encore de savoir jusqu’à quel point il suivra les conseils du redoutable Ricky Gervais, qui animait il y a quelques semaines les Golden Globes : "Si j'étais Chris Rock, je n'envisagerais pas de boycotter les Oscars. Je me dirais : 'Ce truc se passe en direct. Je peux faire de gros dégâts'". Ces derniers jours, son tweet présentant les Oscars comme les "BET blancs" (les Black Entertainment Television Awards sont une cérémonie dédiée exclusivement aux talents afro-américains) a déjà donné le ton.

Malgré l’inconfort de sa position, Chris Rock peut se référer à un illustre précédent, celui de son idole Eddie Murphy qui avait joué les précurseurs sur scène en critiquant l'absence de représentation des acteurs noirs au palmarès des Oscars dans son discours après avoir failli boycotter la cérémonie. "J'ai l'impression que nous devons encore être reconnus en tant que personnes", avait-il déclaré à l'époque. "Je veux juste que vous sachiez que je ne vais laisser tomber cette récompense mais que les noirs ne devront pas toujours être la cinquième roue du carrosse de la société et qu'on ne traînera pas en bout de table. Je veux que l'on soit reconnus". C'était en 1988.


Qu’est-ce qui va changer ?

Concrètement, les annonces récentes de la part de l'Académie vont dans ce sens. Le 19 janvier, cinq jours après l'annonce des nominations et le retour de la polémique, Cheryl Boone Isaacs faisait part de sa déception sur Twitter : "Le changement n'arrive pas aussi vite que nous espérions. Nous devons faire plus, mieux, et plus rapidement". Elle annonçait au passage une future réforme du recrutement des votants.

Trois jours plus tard, l’Académie annonçait une nouvelle donne autour de trois points distincts :

  • une réforme en profondeur des mandats limite désormais leur mandat à dix ans, renouvelable à la condition de continuer à exercer dans le milieu du cinéma pendant la durée du mandat. Au terme de trois mandats complétés, le statut devient un statut à vie, statut par ailleurs accordé automatiquement à quiconque ayant déjà été nommé au moins une fois aux Oscars.
  • le système d'adhésion actuel, reposant principalement sur le sponsoring d'un votant en exercice, est abandonné au profit d'une campagne de recrutement visant à une meilleure représentation au sein du collège des votants.
  • une extension du collège de direction permettra l'entrée de nouveaux visages à des postes de décision.

L'objectif de cette réforme est de doubler le nombre de femmes et de représentants des minorités d'ici à 2020. Et cela notamment en écartant quelques membres vénérables venus pantoufler, et en évitant le copinage dans les nominations. : "C'est un pas dans la bonne direction dans la lutte difficile des artistes de couleurs et féminins. La honte est une sacrée source de motivation" concédait sur Twitter la réalisatrice de Selma, Ava DuVernay.

Derrière les Oscars, l’industrie tout entière

Les annonces de l'Académie ne sont évidemment pas révolutionnaires et ne représentent qu'une étape dans la réduction des inégalités. Viola Davis rappelait que le véritable problème de fond ne concerne pas uniquement les Oscars, mais l'industrie hollywoodienne dans son ensemble : "Le problème dépasse même nos salaires. Vous pourriez aligner toutes les actrices noires qui comptent et elles ne gagneraient même ce que gagne une star blanche en un seul film. Le problème est là. Vous pouvez changer l'Académie, mais si aucun film fait par des noirs n'est produit, pour quoi pourrions-nous voter ?". Une étude de l'institut Media, Diversity & Social Change de l'école de journalisme d'Annenberg menée sur les cent principaux succès annuels au box-office de 2007 à 2014 démontre qu’Hollywood est encore très inégalitaire : sur les 779 réalisateurs derrière la caméra, seuls 45 sont noirs (encore pire, seuls 28 sont des femmes et 19 d'origine asiatique). Les cent films ayant dominé le box-office en 2014 sont constitués à 73,1% de personnages blancs contre seulement 12,5% de noirs, 5,3% d'asiatiques et 4,9% de latinos. Et seuls 17 d'entre eux présentent un personnage noir dans l'un des rôles principaux.

"Il n'y a pas un secteur de cette industrie qui n'ait pas besoin d'être remis en cause, et il en va ainsi depuis 25 ans", a résumé dans une tribune au Hollywood Reporter Dawn Hudson, CEO de l'Académie des Oscars. "Le curseur n'a quasiment pas bougé. C'est une question culturelle, institutionnelle, qui concerne l'ensemble de notre société, notre système éducatif, tout ce qui prépare le terrain à cette industrie supposée refléter ce monde merveilleux. Et l'industrie s'est construite depuis longtemps autour d'homme blancs gérant les studios et qui ont embauché des gens qui leur ressemblent. Cela n'a quasiment pas changé, et cela ne changera pas à condition que nous concertions nos efforts sur tous les fronts : celui des talents, des exécutants dans les studios, et les gens que nous formons".