Guide du 4 septembre 2019
Memento Films Distribution / Le Pacte / Sophie Dulac Distribution

Ce qu’il faut voir cette semaine.

L’ÉVENEMENT

LES HIRONDELLES DE KABOUL ★★★★☆
De Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec

L’essentiel
Une première incursion réussie dans l’animation pour la réalisatrice de Se souvenir des belles choses.

Au départ, il y a le best-seller de Yasmina Khadra, paru en 2002. Un brûlot qui dénonçait l’obscurantisme à l’œuvre du temps des talibans, en Afghanistan, véritable laboratoire de l’intégrisme religieux qui s’est répandu au Moyen-Orient comme une traînée de poudre au tournant du siècle. L’écrivain algérien y décrivait le quotidien dramatique de deux couples : celui formé d’un côté par un gardien de prison (Atiq, un ancien moudjahidine) et sa femme malade (Mussarat), de l’autre par deux jeunes idéalistes (Mohsen et Zunaira) contraints au silence et à l’invisibilité.
Christophe Narbonne

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PREMIÈRE A ADORÉ

LIBERTÉ ★★★★☆
D’Albert Serra

Au dernier Festival de Cannes, pendant qu’Abdelatif Kechiche enfermait ses personnages dans une boîte de nuit le temps de son long Intermezzo, Albert Serra faisait à peu près la même chose dans la salle d’à côté. Autre piste, même ambiance ? Pas vraiment. Dans la nature, mais bel et bien prisonniers du cadre, ses libertins chassés de la cour de Louis XVI se retrouvaient en carafe dans un sous-bois. Ici, chacun et chacune s’adonne aux jeux d’une sexualité plus ou moins passive mais sans tabou. Ils se choisissent, s’observent, s’échangent. Habitué des grands sujets (Don Quichotte, les Rois mages, Dracula, Casanova, Louis XIV...), Serra explore à nouveau des mondes enfouis que sa caméra magicienne vient déterrer pour en restituer toute la puissance. Un exercice qui ne s’embarrasse pas de compromis. Tel le Pasolini de Salo et donc lorgnant également du côté du marquis de Sade, le réalisateur montre, sans se pincer le nez ni fermer les yeux, un libertinage jusque dans ses extrémités. Là précisément où la morale nous défend d’aller. Ce no trespassinginvite justement à transgresser les interdits. Il ne s’agit pas d’un jeu ni d’une provocation mais d’un geste pur au pays de l’impur. La lumière du film, tout en pénombre coquine, atténue la distance entre eux et nous, créant une étrange – et gênante – promiscuité. Le film semble ne jamais bouger, se contentant d’éprouver le petit espace qu’il s’est créé. La liberté de ce cinéma-là, il convient de la chérir. Film pour un public averti, évidemment.
Thomas Baurez

VIENDRA LE FEU 
★★★★☆
D’Oliver Laxe

Oliver Laxe aime la nature, du moins se repose-t-il sur elle pour essayer d’en puiser la part sacrée. Dans Mimosas, le Haut Atlas marocain devenait un territoire mythologique. Le même ensorcellement ne tarde pas à se mettre en place dans Viendra le feu, où des plans de nuit d’une forêt majestueuse mettent d’emblée le spectateur face à plus grand que lui. La main de l’homme ne tarde pas à briser cette nature souveraine. Dans un raccord parfait, on distingue bientôt un épais dossier qui circule de main en main. En voyant ces piles de papier, on pense à ce bois tout juste sacrifié. En off, on apprend que s’apprête à être libéré un homme accusé d’avoir provoqué un incendie dans la montagne galicienne où il habite seul avec sa mère. Ce retour au bercail a quelque chose de puissant et troublant. Une musique d’opéra dramatise ce moment. Oliver Laxe va suivre ce difficile retour au monde. Nous sommes dans un village au milieu des montagnes, retiré de tout. Le supposé pyromane retrouve sa mère, une vieille paysanne qui accueille cet enfant un peu maudit avec amour et tendresse. La parole est rare, les gestes mesurés. La caméra d’Oliver Laxe ne brusque rien. Elle observe, scrute, révèle. Des plans larges viennent rappeler la puissance de ce qui nous entoure. Le protagoniste est lentement adopté par la communauté malgré les provocations de quelques-uns. Il peut même espérer un peu d’amour autre que maternel, mais comme l’annonce le titre, viendra le feu qui recouvrira la vallée, laissant les hommes démunis, et l’homme que tout accuse obligé de baisser la tête à nouveau. Puissant.
Thomas Baurez

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PREMIÈRE A AIMÉ

RIVER OF GRASS ★★★☆☆
De Kelly Reichardt

La réalisatrice américaine Kelly Reichardt a été révélée en France en 2006 par Old Joy. Mais onze ans auparavant, elle avait signé ce premier long, resté inédit dans nos salles jusqu’à ce que le distributeur Condor répare aujourd’hui cet oubli. Remarquable de maîtrise dans la conduite de son récit et de puissance jamais écrasante dans sa mise en scène, River of Grass pose les bases des futurs Wendy & Lucy ou La Dernière Piste : un personnage féminin fort, une direction d’acteurs au cordeau, un sens aigu du réalisme rugueux et le refus de tout sentimentalisme. Son héroïne s’ennuie à périr dans son mariage comme avec ses enfants et croit entrevoir dans une rencontre nocturne avec un type aussi paumé qu’elle l’espoir qu’enfin quelque chose se produise dans sa vie. Une histoire d’amour sans amour terriblement attachante, précisément parce qu’elle ne cherche jamais à l’être.
Thierry Cheze

APOLLO 11 
★★★☆☆
De Todd Douglas Miller

C’était il y a cinquante ans. Et pourtant les images semblent dater d’hier. Le réalisateur Todd Douglas Miller propose avec Apollo 11le documentaire ultime sur la mythique mission. Composé en partie d’images inédites en couleur retrouvées par hasard dans le stock des archives nationales parmi des bandes de 16, 35, 65 et 70 mm, le film offre aussi un nouveau regard sur un événement archi connu. La numérisation et la restauration exceptionnelle de l’ensemble donnent à ce documentaire une sensation d’inédit. Oui, on connaît l’histoire, mais jamais jusqu’ici on n’a eu le sentiment de la vivre sous cet angle-là et dans cette intimité-là. Apollo 11nous entraîne au cœur du suspense de la mission, de ses premiers préparatifs à son retour sur Terre. Et sa force est de ne proposer ni voix off, ni héros. Ici, Buzz Aldrin et Neil Armstrong ne sont que des personnages de l’histoire parmi d’autres, dont les ingénieurs de la Nasa à Houston, calculant et recalculant la trajectoire du module. Ce parti pris crée une totale immersion dans la mission, comme si nous en étions les spectateurs de 1969, guidés par les échanges radio entre la base et les astronautes. Il est intéressant aussi, comme le montre Todd Douglas Miller, de voir la ferveur des foules aux abords du centre spatial, symbole des enjeux et de cet espoir, dont on sait aujourd’hui qu’il est déçu. Ce rêve de Lune qu’on peut voir briller dans les yeux des hommes et des femmes de la fin des années 60 sonne comme la fin d’une époque. Après cela, la conquête spatiale n’aura plus jamais le même goût.
Sophie Benamon

 

PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ

LE MARIAGE DE VERIDA ★★☆☆☆
De Michela Occhipinti

« Tais-toi... et mange ! » pourrait être le sous-titre de ce premier long métrage qui met en scène le quotidien étouffant d’une jeune esthéticienne mauritanienne à qui sa mère annonce qu’elle lui a trouvé un mari. Et qu’elle doit avant le jour J sacrifier à une tradition séculaire, celle du gavage, afin de prendre du poids pour plaire à son promis. Le Mariage de Veridaraconte la révolte de cette jeune femme – prise entre son désir de liberté et son refus de manquer de respect à sa famille – contre cette union forcée et ses dommages collatéraux. L’Italienne Michela Occhipinti ne tombe dans aucun cliché et ne cède pas à la facilité. Mais la force de la thématique abordée semble l’empêcher de se déployer d’un pur point de vue cinématographique. Son Mariage de Veridas’inscrit pleinement dans cette famille des films à sujet, tant prisés des festivals, où le fond écrase la forme.
Thierry Cheze

 

PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ

FÊTE DE FAMILLE ★☆☆☆☆
La maison de campagne familiale est un cliché du cinéma français. Au cœur des vacances, une famille bourgeoise s’aime et se déchire le temps d’un climax cathartique tellement prévisible que le spectateur attend les yeux mi-clos que les assiettes volent entre l’aîné banquier et le cadet intermittent du spectacle. Avant ça, nous aurons eu l’arrivée, l’installation et les petites douceurs en guise d’amuse-gueule.
Thomas Baurez

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Et aussi
Andy de Julien Weill
Coeur de pierre d’Olivier Jobard
Dantza de Telmo Esnal
Fourmi de Julien Rappeneau
Inséparables de Varante Soudjian
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Reprises
Détour d’Edgar George Ulmer