Captain America : Le Soldat de l'Hiver
Marvel

Cette suite n'est pas un mauvais film, mais...

Une semaine après Civil War (qui reviendra d'ailleurs en deuxième partie de soirée), TF1 diffusera Captain America Le Soldat de l'hiver, dimanche à 21h, pour surfer sur la sortie en salles du très attendu Avengers Endgame. A sa sortie, Première n'avait pas été totalement convaincu par le premier film des frères Russo, même si la rédaction lui reconnaissait des qualités indéniables.

 

Chris Evans : "Captain America est un superhéros très humain"

On avait fini par le croire. Que Disney/Marvel était infaillible. Que chacun de leur super-film, obéissant à la recette éprouvée du premier Iron Man (et aux plans machiavéliques du mastermind Kevin Feige), fournirait deux fois l’an une dose de deux heures de pur fun hollywoodien à grand spectacle. Depuis le superbe Avengers, Iron Man 3 et l’inespéré Thor : Le Monde des ténèbres nous rassurait dans la foi en le monothéisme Marvel.

L’intérêt du premier Captain America -outre son côté divertissant post-spielbergien- résidait dans la dialectique complexe qu’il établissait entre le personnage et sa propre mythologie. Dans le beau film de Joe Johnston, Cap devait d’abord embrasser sa propre caricature (vendeur de war bonds pour l’effort de guerre au milieu de filles dévêtues), puis personnage de serials de propagande, avant de devenir un vrai héros de cinéma, crédible et charpenté. Une réflexion qui permettait au public d’accepter Cap, ce héros nanar vêtu comme un drapeau américain. L’idée de départ du Soldat de l’hiver ne manque pas d’intérêt, et aurait pu de nouveau fournir une dialectique riche et intéressante : faire affronter à Cap une intrigue politique de notre temps, le mettre à l’épreuve des codes d’aujourd’hui. Mais presque jamais le film ne traite de ce sujet. Sorti d’Avengers, où, sorti du sommeil artificiel, il devait de nouveau assumer son passé (l’artifice passionnant des cartes à collectionner), Captain America abandonne ici son rôle de chef de guerre (la scène d’Avengers où il répartit les rôles de chacun en pleine scène de baston - "Hulk, smash !"). Il n’est plus qu’une grosse brute de plus à la solde du SHIELD, et le film n’est plus qu’un actioner des années 2010 dans ce qu’il a de plus banal. Feige ne tente pas non plus de trop chasser sur les terres nolaniennes et plombantes des DC/Warner façon Dark Knight et Man of Steel, mais il est clair que Le Soldat de l’hiver se prend beaucoup plus au sérieux qu’Iron Man 3 (ah ! le Mandarin !). 

Samuel L. Jackson a appris les répliques de Nick Fury avec un seul oeil

Attention, on est loin de l’aberration Iron Man 2, écrite, jouée et réalisée n’importe comment (faite par Feige chez Paramount et pas chez Disney) : Captain America 2 se contente d’être paresseux. D’aligner les scènes d’action plus ou moins bien foutues (OK, l’attaque du Winter Soldier sur l’autoroute en milieu de film ne manque pas de muscle) au fil d’un scénar finalement prévisible et peu passionnant. Le côté pulp en quadrichromie disparaît : le gris du Soldat de l’hiver contamine tout -y compris l’intrigue- jusqu’à l’uniforme du héros devenu bien terne. Les affreux super-nazis de Crâne rouge laissent place à une menace plus subtile (les gentils sont les méchants), certes, mais aussi beaucoup moins fun. On reste un peu perplexe face à cette absence de second degré. Les réalisateurs Joe et Anthony Russo sont surtout connus pour leur sitcom barrée Community. Le duo de scénaristes Christopher Markus et Stephen McFeely, déjà auteurs du premier Cap, ont évité le plantage avec leur script de Thor 2 et ont surtout fait un super boulot sur No Pain No Gain de Michael Bay, monument d’humour cynique et dégénéré. Et là, rien. Pas d’étincelles. Pas le vide mais la banalité de l’actioner de série. Efficace parfois, épatant jamais.

On réfléchit, on cherche dans les détails ce qui ne va pas. Steve Rogers ? juste un héros un peu naïf qui se contente de distribuer des baffes. Nick Fury ? Black Widow ? Pareil. Marrant, mais le seul personnage qui fonctionne vraiment est le Faucon, joué par Anthony Mackie, qui non seulement balance les meilleurs répliques du film ("je fais les mêmes choses que Captain, mais plus lentement") mais possède en quelques scènes une coolitude héroïque aussi efficace qu’inattendue. Et du côté de la musique ? Absence de leitmotiv du score, de thème héroïque : ça peut paraître un point de détail, ça ne l’est pas. Captain America, les Batman de Nolan, Iron Man 3, Thor 2, qualifiaient musicalement les héros dans la lignée d’un cinéma total, son et lumière. ici la partition d’Henry Jackman (pourtant auteur de l’efficace X-Men : Le Commencement) se contente d’être métallique, elliptique, bruyante. Comme le film, en fait. Captain America : Le Soldat de l’hiver n’est pas un mauvais film. Il démontre seulement que Marvel/Disney n’est jamais aussi bon que lorsqu’il fait du comics de super-héros : débridé, coloré et foncièrement éclatant.

Sylvestre Picard (@sylvestrepicard)

Même le honest trailer de Captain America 2 avoue que le film est une réussite

Bande-annonce de Captain America : le Soldat de l'hiver :