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Nikolaj Arcel revient sur sa passion pour le maître de l'horreur et son adaptation de la série de romans cultes La Tour Sombre.

En 2012, Nikolaj Arcel se fait un nom dans le cinéma avec le drame Royal Affair, récompensé par deux Ours d'argent à Berlin et une nomination aux Oscars dans la catégorie meilleur film étranger. Depuis, le Danois s'est concentré sur l'écriture de scénarios (notamment Les Enquêtes du département V), un travail parallèle commencé dès 2001 sur des courts-métrages et des productions locales. Difficile donc de trouver un lien logique avec son nouveau film, La Tour Sombre, adaptation de la saga très personnelle de Stephen King, autour de laquelle gravite une bonne partie de l'oeuvre du roi. "J'ai lu pratiquement tous les romans de King. Je suis fan depuis longtemps. Quand j'étais jeune, j'ai toujours pensé que je connaissais aussi bien le Maine que ma propre ville de Copenhague !", s'explique le réalisateur. "C'est un grand écrivain, et seule la moitié de son oeuvre est de l'horreur. Mes romans préférés n'en sont pas, dont La Tour Sombre. D'ailleurs même ses meilleures adaptations cinématographiques font partie d'autres genres, comme Les Évadés ou Stand by Me".

La Tour Sombre est un cas à part : effectivement pas vraiment de l'horreur (quoique…), plutôt une oeuvre hybride, à la croisée des chemins entre science-fiction, fantasy et western. L’histoire de Roland Deschain (Idris Elba), le dernier des pistoleros, qui tente d’empêcher Walter O’Dim, alias l’homme en noir (Matthew McConaughey) d’arriver jusqu’à la Tour Sombre, sorte de pilier qui maintient les différents univers en place. Avec l'aide du jeune Jake, le pistolero va tenter d'éviter la fin des mondes dans un combat ultime entre le bien et le mal.

"Ce n'est que le premier chapitre"

Plusieurs grands noms se sont cassé les dents sur le projet : en 2007, King vend les droits de sa saga à J.J. Abrams et Damon Lindelof. Mais les deux larrons, qui ont notamment imaginé ensemble la série Lost, se découragent deux ans plus tard face à la complexité de la chose. Les producteurs Ron Howard et Akiva Goldsman récupèrent la patate chaude et armés d'une incroyable persévérance (plusieurs studios ont accepté puis refusé, le casting a changé au moins deux fois), ils réussissent finalement à convaincre Sony en 2015 que La Tour Sombre a sa place sur grand écran.

Au final, un premier film ramassé d'un peu plus d'une heure trente, la première pierre d'un édifice bien plus grand. "Ce sont des romans réputés inadaptables", concède Arcel. "Et c'était effectivement très dur. Mais quand je suis arrivé, il y avait déjà un script court et très précis. C'est ce que j'ai aimé d'emblée. Le premier roman est n'est pas si long en fait, et il se concentre sur les personnages de Roland, l'Homme en noir et Jake. C'est une introduction à un univers plus large, une vraie saga. Mais ce n'est que le premier chapitre. Il n'y avait pas besoin que ce soit très long, il fallait juste une bonne histoire existentielle, avec du suspense. Qu'on fasse la rencontre ces personnages, qu'on comprenne qui ils sont. Et si c'est un succès, on pourra développer les autres histoires. La seule bonne recette pour toute adaptation, Stephen King y compris, est la suivante : on peut changer l'histoire mais il faut rester fidèle aux personnages, au ton et à l'idée générale développée dans le roman. En tant que fan, si on me donne ça, je suis ravi".

Des suites sont déjà envisagées et même une série télé qui reviendra sur les origines du personages principal. Nikolaj Arcel confirme que le show est encore en développement - Idris Elba devrait reprendre son rôle - et que le scénario se "déroule dans le passé, ça parle de la jeunesse de Roland, quand il s'entraîne à devenir un pistolero et un homme. Donc c'est plus un prequel qu'autre chose. J'ai travaillé sur le script et des idées du film sont développées dans la série et inversement. Mais la série a sa propre ambition".

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Des univers liés entre eux

Dans les romans La Tour Sombre, Stephen King fait appel à ses précédentes histoires et n'hésite pas à faire revenir des personnages issus d'autres romans. D'ailleurs le trailer du film est bourré de références aux autres livres de King, dont Ça ou Shining. "Mais ça ne veut pas dire que notre long-métrage se passe dans le même monde que le Shining de Kubrick", s'amuse le cinéaste. "Je ne crois pas qu'une adaptation de tous les univers de King ferait sens au cinéma comme les films Marvel par exemple, car ce sont des histoires et des personnages très différents. Par contre King était l'un des premiers à connecter des univers de cette façon. On rencontre un personnage dans un roman et il revient dans un autre, ou bien on retrouve une ville dans plusieurs livres. Marvel et les comics ont inventé ça il y a bien longtemps, dans les années 40 ou 50. Stephen King a rendu le procédé très cool. Finalement, chacun s'est inspiré de l'autre".

"Ses écrits parlent à nos peurs"

Arcel explique la récente résurgence de Stephen King dans la pop culture (La Tour Sombre donc, mais aussi Ça au mois de septembre, les séries The Mist ou Castle Rock et évidemment Stranger Things, qui reprend sans rougir une bonne partie de l'univers de l'auteur) par "une fanbase énorme", qui n'a jamais lâché l'écrivain. "C'est une figure de la littérature américaine dans le monde, c'est le Hitchcock ou Spielberg des romans. Il a toujours été partout dans la culture pop, son imaginaire se fait même ressentir chez ceux qui n'ont lu que Misery et Shining, ou n'ont vu que quelques films. Il influence énormément d'oeuvres. En fait les écrits de King ont quelque chose d'universel : ils parlent à nos peurs, et on aime les voir prendre vie. Comme ça on peut les affronter en se sentant tout de même en sécurité".

La Tour Sombre, en salles le 9 août 2017. Bande-annonce :