Toutes les critiques de Mademoiselle

Les critiques de Première

  1. Première
    par Gérard Delorme

    Parmi les nombreuses scènes marquantes de Mademoiselle, il en est une qui retient l'attention pour sa valeur opportuniste : deux très belles actrices asiatiques voluptueusement filmées au format cinémascope dans une position en forme d'hommage à cette 69ème édition du festival de Cannes. Sans l'ombre d'un doute, le dernier film du maître coréen Park Chan Wook est un triomphe de cinéma. Dès les premiers plans, qui alternent la pluie et le beau temps dans des images somptueuses, tout est clair : on sait qu'il s'agira d'un thriller rutilant, fortement teinté de mélodrame. L'action se situe en Corée au début du XXème siècle, seule période permettant d'adapter le roman victorien de Sarah Waters et de caser les deux éléments indispensables de son intrigue vénéneuse : le rapport des riches avec leurs domestiques et l'existence d'asiles psychiatriques. Un arnaqueur coréen s'arrange avec une pickpocket pour la faire engager comme servante d'une riche héritière japonaise, afin de la faire interner pour toucher le magot. L'histoire se complique lorsque les deux femmes s'éprennent l'une de l'autre, ce qui donne lieu à une série de coups de théatre, de trahisons et de mensonges sur fond de perversions variées.

    Pour son retour en Corée après sa parenthèse hollywoodienne, Park Chan Wook revient à ses fondamentaux : goût de la provocation, référence assumée au cinéma de genre, rigueur hitchcockienne de la mise en scène associée à un style méticuleusement composé. Il y ajoute une touche d'humour sardonique et quelques références à ses propre films. Et il n'a jamais été aussi à l'aise. C'est assez clair dans sa maîtrise de l'intrigue, assez complexe. La structure du film par chapitres rappelle un peu Tarantino, avec cette façon de répéter les mêmes scènes en adoptant le point de vue d'un personnage différent pour leur donner une signification nouvelle. Habilement utilisé, le procédé dynamise le récit et le fait rebondir à des degrés inattendus. Après avoir précédemment joué avec les limites de la représentation de la violence, Park s'amuse ici avec la dimension sexuelle de son histoire en orchestrant des scènes très chaudes, sans pour autant délaisser la cruauté : le scénario multiplie les références à Sade et à cet égard, la séquence finale dans un redoutable "sous-sol" est à la fois allusive et graphique.