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Le chef-d’œuvre de Michael Cimino reviendra ce soir sur Arte.

Si les livres d’histoire sont assez précis sur la date de naissance du Nouvel Hollywood (1967 : sortie du Lauréat et de Bonnie and Clyde) et celle de son enterrement (quelque part entre La Porte du Paradis et Coup de cœur), on se pose rarement la question de savoir quel en serait le pic. Le moment du climax, de l’apogée.

Il y a les succès monstres du Parrain et de L’Exorciste, signe qu’une nouvelle génération avait pris le pouvoir et tout compris des nouveaux goûts du public. Il y a Les Dents de la Mer, la grande borne historique de la période, qui scinde en deux la décennie et propulse le cinéma US dans une nouvelle ère. Mais s’il ne fallait retenir qu’un film, un seul, pour symboliser le triomphe des mutations seventies, il faudrait sans doute choisir Voyage au bout de l’enfer.

Parce que c’est la fresque géniale d’un démiurge mégalo, oui. L’un des plus grands films de la période, également. Un chef-d’œuvre déchirant, en effet… Mais aussi parce que, de tous les classiques américains de l’époque, c’est celui qui fait le plus ouvertement le lien avec le passé d’Hollywood, jetant un pont entre l’âge d’or et l’ère moderne. Rappelant ainsi que le Nouvel Hollywood n’était pas tant une tabula rasa ourdie par des hippies amnésiques, qu’une volonté de restaurer la grandeur perdue du cinéma américain.

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Si beaucoup de hits du Nouvel Hollywood ont ainsi un œil dans le rétro (Le Parrain et son fumet vintage, Chinatown et ses méandres chandleriens, American Graffiti et sa nostalgie des “jours heureux”, La Dernière Séance et ses génuflexions cinéphiles…), c’est Voyage au bout de l’enfer qui organise le mieux la dialectique entre hier et aujourd’hui, s’emparant de l’héritage de John Ford pour mieux plonger ses yeux dans les fondations de l’Amérique (du cinéma américain) et en constater la corruption.

Ford truffait ses westerns de scènes de danse, qui signifiaient la joie de l’épopée, l’énergie collective de la conquête, la célébration d’une identité nouvelle. On danse et on chante beaucoup aussi dans Voyage au bout de l’enfer : d’abord Can’t take my eyes off you autour d’un billard, puis lors de la longue scène du mariage qui occupe toute la première partie du film, et enfin dans la dernière séquence, quand les protagonistes entonnent God Bless America, la gorge serrée par les regrets et les yeux embués par les promesses de jeunesse brisées.

Michael Cimino ne voulait pas faire table rase du passé, non, mais acclimater l’esthétique et la morale fordiennes à la réalité de l’Amérique post-Vietnam. Il ne pouvait alors que constater la faillite des illusions. Le suicide d’une nation. Le soir des Oscars 1979, Voyage au bout de l’enfer fit une razzia et remporta cinq trophées. John Ford, mort quelques années plus tôt, n’était pas là pour le passage de témoin, mais Cimino reçut l’accolade de John Wayne, venu lui remettre l’Oscar du meilleur film. Soit l’Ancien et le Nouvel Hollywood, main dans la main.

L'histoire de Voyage au bout de l'enfer, porté par Robert de Niro, John Cazale, Meryl Streep, Christopher Walken... :

1968. Mike, Steven, Nick, Stan et Axel travaillent dans l’aciérie du bourg de Clairton, Pennsylvanie, et forment une bande très liée. À Clairton, les histoires de coeur vont bon train : Steven épouse Angela, bien qu’elle soit enceinte d’un autre, et Nick flirte avec Linda qui semble troubler Mike. Mais cette tranquillité est rattrapée par la guerre du Vietnam lorsque Mike, Steven et Nick sont mobilisés pour partir au combat…

Extrait :


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