En juillet 2013, on découvrait Charlotte Le Bon, l'ancienne miss météo de Canal+ à l'accent fort québécois, dans son quatrième rôle au cinéma : celui de Natacha, alias Le grand méchant loup imaginé par Nicolas Charlet et Bruno Lavaine. Retrouvez l'interview de la comédienne pour Première à l'occasion de la rediffusion du film ce soir à 22h55 sur Canal+. De son enfance à ses débuts d'actrice, en passant par le mannequinat, Charlotte Le Bon revient sur son parcours étonnant.

PREMIÈRE : Auriez-vous imaginé incarner un jour Le grand méchant loup en personne ?Charlotte Le Bon : Contrairement à moi, le personnage de Natacha est très premier degré et j’ai parfois eu des difficultés à l’assumer, même si je me suis bien amusée. En revanche, je ne crois pas que j’aurais accepté de le faire avec n’importe quel partenaire. La présence de Benoît Poelvoorde créait un décalage immédiat qui me plaisait. Je me suis sentie très en confiance avec lui. Je savais que dans tous les cas, on se sortirait au mieux des situations comiques. Et puis je me suis évidemment fiée à Nicolas Charlet et Bruno Lavaine, entre autres à cause de La Personne aux deux personnes, que j’avais adoré.Grâce à vous, ce personnage de maîtresse jeune et sexy qui aurait pu virer au cliché de la bimbo n’en est pas un. Vous arrivez à faire de ce qui aurait pu n’être qu’une histoire de fesses une histoire d’amour...Avec ce type de rôle, on passe vite de la réalité à la caricature. Nicolas & Bruno ont été très clairs dès le début : pour eux, il s’agissait d’une histoire d’amour. Ce n’est pas juste une fille qui séduit pour le plaisir. Au départ, elle drague Philippe parce qu’elle le trouve marrant, puis elle se prend à son propre jeu. Avant chaque scène d’amour, je demandais à Nicolas & Bruno : "Vous ne pensez pas qu’elle est un peu plus second degré ?" Et ils me répondaient : "Non, non, c’est toujours du premier degré, elle est vraiment amoureuse de lui !" J’avais parfois peur que ces scènes ne tombent dans la vulgarité, mais non.Vous incarnez une sorte de femme idéale, un vrai fantasme pour hommes au bord de la crise existentielle : insouciante, folle, belle, fraîche. Vous êtes aventureuse dans la vie ?J’imagine. Quitter sa terre natale pour essayer de bosser en France, c’est un peu l’aventure. J’adore prendre des risques. Ça s’est d’ailleurs vu à la météo de Canal, je crois ! Je me suis pris des claques, certes, mais je crois que dans ce métier, c’est la seule façon de se sentir un peu vivant. J’ai toujours préféré faire rire plutôt que rire.Petite, est-ce que vous rôdiez des spectacles devant votre famille ?Oui. Vers 8 ans, j’ai notamment écrit La Crotte de nez fatale. Un pur chef-d’oeuvre. C’était la fabuleuse histoire d’une fillette qui farfouille dans son nez et tombe sur une crotte de nez rouge. À partir de là, tout ce qu’elle touche se transforme en or. À l’époque, je crois que je ne savais pas vraiment ce que signifiait l’adjectif "fatal", mais ça sonnait bien. J’avais également mis au point des petits défilés de mode en créant une ligne de vêtements avec des sacs-poubelle. C’était très chic. Je me souviens aussi d’un spectacle des Spice Girls, mais c’était moins original.Et vous, qu’est-ce qui vous fait rire ?Les univers absurdes où les kiwis, les frites et les cochons d’Inde parlent, les gens qui ont du recul sur eux-mêmes, la poésie, Steve Carell, Will Ferrell, Baptiste Lecaplain – avec qui je tourne en ce moment un film de Benjamin Guedj, Libre et assoupi –, les métaphores foireuses, les bides, les silences inconfortables, les blagues si nulles qu’elles en deviennent drôles, le mot "slip" et les chihuahuas. Je les adore, mais ils ont l’air tellement idiots...À Montréal, avez-vous fréquenté des cinéastes comme Xavier Dolan ou Jean-Marc Vallée ? On imagine que c’est un tout petit milieu...Je les croisais à des avant-premières avec mes parents (tous les deux comédiens), mais c’est tout. Enfin, il paraît qu’avec Xavier Dolan, on se connaissait quand on était enfants, mais je ne m’en souviens plus très bien. Je crois que j’ai été méchante avec lui et qu’il m’en veut depuis ! (Rire.) J’adore ses films. Avoir autant de talent si jeune et savoir s’en servir, c’est précieux.Vous avez passé un bac option arts plastiques. Quel métier envisagiez-vous ?Je me suis d’abord dit que j’allais passer un bac en sciences humaines parce que là, au moins, j’étais sûre de décrocher un job. Puis je me suis rendu compte qu’en pensant comme ça, je courais tout droit à la dépression et à la ménopause précoce. J’ai donc fait un bac option arts et je suis ensuite devenue illustratrice et mannequin pour payer mon loyer. Je gagnais bien ma vie avec le mannequinat, mais je détestais ça. Ceci dit, ça m’a permis de développer une certaine conscience de mon corps. J’ai aussi appris à m’oublier car dans ce métier, on fait très souvent des choses contre son gré. Pour l’ego, c’est très bien. Et comme on est toujours seul – en huit ans, je ne me suis fait aucune copine dans le milieu –, on est obligé de se découvrir soi-même.Pour quelle raison avez-vous décidé de venir vivre à Paris ?À 23 ans, mon agence m’a fait comprendre que je commençais à me faire vieille et qu’il ne me restait plus qu’une année "sérieuse" dans le mannequinat. Je me suis alors dit que j’allais prendre un appartement à Paris pendant un an, bien me remplir les poches, et qu’ensuite j’allais me concentrer sur ce que j’avais vraiment envie de faire. Mais deux mois après avoir signé mon bail, une chasseuse de têtes de Canal+, Christelle Graillot, qui m’avait repérée sur une photo où je faisais une grimace immonde, m’a appelée pour que je passe le casting de la météo. Quand j’ai relevé ce défi, je ne l’ai en aucun cas pris comme un tremplin pour devenir comédienne, mais comme un moyen d’expression, au même titre que n’importe quel autre.Vous a-t-on souvent dit que vous n’aviez pas le physique de votre humour ?Oui et ça me gonfle. Une fille considérée comme jolie et qui fait des blagues scato, ça choque. Les gens manquent terriblement d’imagination... En fait, c’est limite misogyne. Les mecs, eux, peuvent dire n’importe quoi et ça passe. Le pire, c’est quand on attribue ça au fait que je suis québécoise. Mais ça n’a rien à voir ! Les gens se sentent obligés de coller une étiquette sur les différences, sinon ils perdent leurs repères.Astérix & Obélix – Au service de Sa Majesté est-elle la première proposition que vous ayez reçue au cinéma ?Oui. Lorsque j’ai passé le casting, je trouvais ça tellement énorme que je me disais que ça n’allait pas fonctionner. Et pourtant si !Est-ce que vous avez envie d’aller vers des rôles totalement dramatiques ?Je rêve qu’on me propose des personnages inattendus, qu’ils soient dramatiques, hyper physiques ou exigent une transformation de mon apparence. Je ne recherche surtout pas le confort, sinon je ne ferais pas ce métier. Jusqu’à présent, les rôles dans lesquels on m’a imaginée ont toujours eu un fond pétillant, jeune et frais, mais je serais aussi très tentée par des filles sombres et dépressives, sans toutefois tomber dans le cliché. Je ne vais pas vous dire que j’aimerais travailler avec Untel ou Untel car je déteste citer des noms – Woody, Clint, Steven ou Martin, si vous êtes en train de lire cet article, ce passage ne s’adresse évidemment pas à vous.Interview Stéphanie LamomeLe grand méchant loup est diffusé ce soir à 22h55 sur Canal+