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Ce soir, Canal + lance la saison 2 de la série les Revenants, nous avions rencontré son créateur, réalisateur et scénariste, Fabrice Gobert.

PREMIERE : Le commentaire le plus fréquent à propos de la saison 2 des Revenants n’est pas "Qu’est-ce qui va bien pouvoir se passer ?" mais "Pourquoi est-ce qu’on a du attendre trois ans avant de la voir ?" FABRICE GOBERT : Oui, c’est dommage. Je suis un spectateur de séries comme les autres, je sais ce que c’est de trépigner d’impatience entre deux saisons. Le processus d’écriture a été compliqué, on n’a pas encore trouvé la recette pour écrire huit épisodes en six mois. On a failli commencer le tournage en mars 2014, mais on a décalé la date au dernier moment parce qu’on n’était pas entièrement satisfaits des scripts. Et c’était ça, la priorité : être sûrs de ce qu’on avait écrit. Il y a donc eu deux ans d’écriture en tout, six mois de tournage, six mois de post-production, et nous voilà enfin… Le final de la saison 1 avait provoqué pas mal de réactions négatives. Certains spectateurs se sentaient floués. Vous avez écrit la saison 2 en prenant ça en compte ou vous avez décidé de vous en foutre royalement ?  Non, on en a tenu compte, bien sûr. C’est difficile d’en faire abstraction, ne serait-ce que parce ce genre de réactions venait aussi de gens très proches de moi. J’ai vécu quelques repas de famille compliqués ! (rires). A l’origine, j’avais le sentiment que dans une série, on peut poser des questions sans y répondre tout de suite. Mais peut-être que la saison 1 était trop chargée en mystères… On a donc écrit la 2 en se disant qu’il fallait répondre aux questions qu’on avait posées. Et c’est bien sûr là que ça se complique, puisque que pour éclaircir les mystères, il faut prendre le temps de raconter de nouvelles histoires…  Les reproches des spectateurs, c’est difficile à entendre ? Oui, parce qu’on a l’impression de ne pas avoir été au bout des choses. Ce qui est compliqué avec les séries fantastiques, c’est qu’on met le doigt dans l’engrenage d’une machine qui doit être alimentée sans arrêt. Et quand on est au cœur de la machine, on n’a pas le recul nécessaire pour gérer le dosage entre les attentes qu’on suscite et la frustration qu’on génère. Ce qui vous fait un excellent sujet de conversation avec Carlton Cuse (l’un des scénaristes en chef de Lost, qui a supervisé The Returned, le remake US des Revenants)… Oui, on en a parlé quand il est venu à Paris. Il m’a demandé si je savais où j’allais. J’ai préféré lui faire lire des scripts de la saison 2, plutôt que de lui dire « L’assassin, c’est le curé », c’est pas ce genre de série… Il a très bien compris : il a passé tout Lost à écrire avec des diffuseurs et des spectateurs qui regardaient par-dessus son épaule en permanence. Il sait mieux que personne que même quand on a le sentiment de savoir très bien où on va, l’idée globale est constamment remise en cause par l’écriture des épisodes.  Qu’est-ce qu’on fait pour la saison 3 ? On attend encore trois ans ?

Non, j’espère pas ! On n’a pas encore réussi à mettre en place un système à l’américaine, avec un showrunner qui serait garant de la cohérence artistique globale et superviserait plusieurs scénaristes et réalisateurs. D’ailleurs, si j’étais showrunner, on parlerait de la saison 3, là, pas de la 2 ! Avec Frédéric Goupil, co-réalisateur, et Audrey Fouché, co-scénariste, on a formé un trio à la tête de la série, capable de donner des idées et de répondre aux questions collectivement. Mais ça reste artisanal, le système d’écriture des séries françaises se met en place progressivement. Audrey a travaillé sur Borgia avec Tom Fontana (scénariste légendaire de la télé US, créateur de Oz) : lui non plus n’a pas construit sa méthode de travail en un jour. Et ce n’est pas parce qu’on est six scénaristes qu’on écrit six fois plus vite. Par contre, plus on écrira de séries en France, mieux on les écrira et plus on les écrira vite.

Propos recueillis par Frédéric Foubert