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The Artist a reçu 5 Oscars en 2012, mais son réalisateur n’a vu “que le Dr Jekyll” de son distributeur.

Michel Hazanavicius écrit peu sur les réseaux sociaux, mais il a tenu à réagir à l’affaire Harvey Weinstein, car il a été amené à souvent croiser le producteur américain accusé de multiples agressions sexuelles à Hollywood. En 2011, The Artist recevait un accueil très chaleureux au festival de Cannes et The Weinstein Company obtenait ses droits de distribution pour le sortir aux Etats-Unis. L’équipe se lançait alors dans une longue campagne pour les Oscars, qui a porté ses fruits : début 2012, cet hommage au cinéma muet d’autrefois recevait 5 statuettes prestigieuses : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur (Jean Dujardin), meilleure musique (Ludovic Bource) et meilleurs costumes (Mark Bridges).

The Artist "comble l’attente des cinéphiles et des nostalgiques des grands films populaires"

Voici ce que Michel Hazanavicius a publié sur Facebook à propos de l’affaire :

"Bonjour,
Grâce à un crétin, je viens de comprendre que ne rien dire publiquement à propos d'Harvey Weinstein pouvait être interprété comme de l'indifférence, voire de la bienveillance, et même pourquoi pas de la complicité. Donc pour être clair, ce qui lui est reproché est immonde, totalement condamnable et indéfendable, et Bérénice et moi avons le plus grand respect pour les femmes qui ont eu le courage de témoigner. En ce qui me concerne, je n'étais absolument pas au courant de ces agissements, et, au risque de passer pour un gros naïf, même pas des rumeurs. D'où le peu d'interêt d'un témoignage public au milieu de la tempête médiatique. Je n'ai connu que le Dr Jekyll. Il a distribué The Artist aux Etats Unis, a organisé la campagne pour les Oscars, et je l'ai vu pas mal de fois pendant cette période, mais n'étant ni son ami ni un partouzeur patenté, je suis passé à côté de tout ça. Quant à Bérénice, il ne lui a jamais manqué de respect. Pour moi, son côté négatif était que c'était un rustre, qu'il pouvait être extrêmement grossier, j'avais lu qu'il était capable de massacrer des films, de les remonter contre les réalisateurs ou de refuser de les sortir, mais je n'imaginais pas qu'il pouvait à ce point être destructeur et violent avec les femmes. 
Pendant que j'y suis, j'ajoute quelque chose. Je travaille depuis bientôt 30 ans, et je n'ai jamais été le témoin direct de ce type de comportements. J'ai vu des gens se comporter mal, des gens très lourds, des gens qui faisaient des abus de position dominante, des mysogines avérés, des gens qui exerçaient mal leurs pouvoirs, mais ce type d'agissements, non. J'ai sans doute eu de la chance, j'ai travaillé avec des personnes normales, le fait d'être un homme m'a évidemment protégé, mais je suis un peu effaré quand je lis tous ces commentaires. L'écrasante majorité des gens avec qui j'ai travaillé sont des gens bien. Des gens normaux. Des gens qui travaillent et qui donnent le meilleur d'eux mêmes pour faire les films les meilleurs possibles. Je ne suis peut être pas dans la sphère des « prédateurs », mais je ne me reconnais pas du tout dans la description que certains font de mon milieu professionnel. Je crois donc que le comportement d'Harvey n'est pas un symptome de comment fonctionne le cinéma, mais de comment fonctionnent certains hommes de pouvoir. Je crois que le sentiment d'impunité appartient à celui qui a les meilleurs avocats, pas à celui qui raconte des histoires ou qui pousse un travelling.
J'espère que grâce aux témoignages de ces femmes, cette affaire permettra d'aller dans le bon sens, et que ce type d'hommes comprendra que dorénavant, ce type de comportements ne peut plus faire partie du champ des possibles."