Nicolas Bedos et Guy Bedos
ABACA

Le réalisateur de La Belle époque a rendu hommage à son père, Guy Bedos, décédé jeudi dernier à l’âge de 85 ans.

Guy Bedos s’en est allé le 28 mai dernier, à l’âge de 85 ans. La nouvelle a été rendue public par son fils, l’acteur et réalisateur Nicolas Bedos, sur son compte Twitter. En attendant la cérémonie d'hommage prévue jeudi prochain, le cinéaste a célébré la mémoire de son père dans une lettre poignante, teintée d’humour et de mélancolie, lue par Augustin Trapenard sur France Inter. Nicolas Bedos y raconte ses derniers instants en compagnie de son père, affaibli par la maladie. 

Matthieu Delaporte : "Guy Bedos était extrêmement bienveillant"

"Papa, 

Une dernière nuit près de toi. Des bougies, un peu de whisky, ta main si fine et féminine qui sert la mienne jusqu’au p’tit jour du dernier jour. Ton regard enfantin qui désarme un peu plus le gamin que j’redeviens. Au-dessus de ton lit, un bordel de photos, de Jean-Loup Dabadie à Gisèle Halimi, de Desproges à Camus en passant par Guitry. Ça ne votait pas pareil, ça ne priait pas les mêmes fantômes, mais vous marchiez groupés dans le sens de l’humour et de l’amour. 

Au bout de tes jambes qui ne marchent plus, tes chats – sereins, comme des gardiens. Sur la table de nuit, un fond de verre de Coca, ultime lien entre ce monde et toi, quelques gorgées de force qui te permettent, du fin fond de ta faiblesse, de nous lancer des gestes d’une élégance et d’une tendresse insolentes. Fâché de ne plus pouvoir parler, tu envoies des baisers muets à ta femme adorée, à ta fille bien aimée, à la fenêtre sur l’Île Saint Louis, au soleil que tu fuis. Des gestes silencieux qui font un boucan merveilleux dans nos yeux malheureux. Tu auras mélangé les vacheries et l’amour jusqu’au baisser de rideau. Les 'foutez l’camp' et les 'je t’aime'. Caresses et gifles, jusqu’au bout. Incorrigible Cabotin, tu avais bien prévu ton coup : dans ton dernier morceau d’ mémoire, tu avais mis des 'vous êtes beaux, je suis heureux, j’ai de la chance. C’est ta mère, là, devant moi ? C’est ma femme ? Oh Tant mieux !'. 

On va t’emmener, maintenant, dans ton costume de scène. Celui des sketches et des revues de presse, des télés et des radios, celui qui arpenta la France, en long en large et en travers de la gorge de certains maires. J’ai dénoué ta cravate noire. On va t’emmener où tu voulais, c’est toi qui dicte le programme, c’est toi qui conduit sans permis. D’abord à l’église Saint Germain, tu n’étais pas très pote avec les religions, mais les églises, ça t’emballait. Tu disais 'Faudrait qu’on puisse les louer pour des spectacles de music-hall, des projections de films, des concerts de poésies'. Il y aura des athées, plein d’arabes et plein de juifs. Ça aurait consterné ta mère, tu aurais bien aimé que ta mère soit fâchée. Puis on t’envole en Corse, dans ce village qui te rendait un peu ta Méditerranée d’Alger. On va chanter avec Izia et les Tao, du Higelin, du Trenet, du Dabadie et Nougaro. On va t’faire des violons, du mélodrame a capella : faut pas mégoter son chagrin, à la sortie d’un comédien. Faut se lâcher sur les bravos et occuper chaque strapontin. C’est leur magot, c’est ton butin. D’autant que je sens que tu n’es pas loin... Tu n’es pas mort : tu dors enfin. 

Nicolas Bedos"

Guy Bedos est mort