Jared Leto Morbius
Sony

Les maquillages cubistes et le surjeu rococo sont devenus sa trademark. Jared Leto ose tout, même le superhéroïsme bizarroïde. Comme dans Morbius, où il devient un vampire en cherchant un remède à sa maladie sanguine.

Si Morbius a fait un (double) flop en salles, en 2022, sa promotion fut l'occasion de croiser son acteur principal, Jared Leto, adepte de la "Méthode", osant toutes les provocations sur un tournage et n'hésitant pas à rester des heures dans son personnage... même pendant ses pauses pipi.

Pour patienter jusqu'à la rediffusion du film de super-héros sur TMC, à 21h15, nous repartageons cet entretien.

Première : Qu’est-ce que jouer la comédie signifie pour vous ?
Jared Leto : Oh… Heu… (Il regarde dans le vide, réfléchit. Silence interminable). C’est très tentant de répondre une connerie ! Mais merci de me faire réfléchir à ça, c’est une question importante (Son regard repart dans le vague, on se demande s'il a oublié ce qu'on lui a demandé).

Je n'aurais peut-être pas dû commencer par ça !
Non, non, vous avez bien fait (Nouveau silence, de longues secondes passent, on vérifie si le Zoom n'a pas freezé). Au mieux, jouer la comédie c’est... Hum. C'est de l’art. Au pire, c’est totalement insignifiant. Mais pour moi, personnellement, c’est surtout une quête parsemée d’embûches. Parce que si on met de côté l’aspect purement créatif, alors il s’agit juste de se démener pour créer les opportunités qui permettront de pouvoir jouer des rôles intéressants. Et c’est probablement la partie la plus difficile du métier.

Votre vision du jeu pourrait se résumer à du method acting un peu extrême, avec pas mal d’exagération, d’extravagance, voire de grotesque…
Je n’ai pas peur d’être extravagant, c’est la bonne formule. Mais c’est parce que je vois de l’extravagance partout dans la vraie vie. Je pourrais très bien croiser quelqu’un avec les cheveux en feu dans les rues de New York, ça ne me semblerait pas totalement surréaliste. Par contre, mettez ça dans un film et les gens diront : « N’importe quoi, ça n’arriverait jamais dans la réalité. »

Euh, peu de chance que ça arrive quand même, non ?
Je vous l’accorde, mais vous comprenez l’idée…

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Oui, oui… Pratiquement plus personne n’ose ce que vous faites à Hollywood. C’est aussi une façon de reprendre le pouvoir sur la création, de vous rebeller ?
Je n’ai pas vraiment de grief contre Hollywood. C’est lié à quelque chose de plus intime, à une vision du métier. Une fois, Quentin Tarantino a dit à l’un de ses acteurs qui s’inquiétait d’être « too much » : « Dans mes films, tu ne peux pas être too much. » Il a raison. Je n’en peux plus de voir des acteurs prendre la pose près de la caméra et murmurer pendant une heure trente. Je m’en fous. J’aime explorer les extrêmes du comportement humain. Parfois, ça veut dire être parfaitement silencieux, et parfois en faire des caisses. L’intime et le hors-norme. Ça, c’est excitant.

Et la conséquence, c’est que vous êtes un acteur qui polarise…
Je n’en ai rien à foutre pour être honnête. Je peux juste vous promettre un truc : je ne serai jamais ennuyeux. À ce moment de ma vie et de ma carrière, j’essaie de casser le moule. Je me sens obligé de faire des choix forts. De créer une brèche, de faire bouger les lignes. Sinon, je ne vois pas à quoi ça sert. Je m’en tape d’avoir le plus beau sourire de Hollywood.

Qu’est-ce qui vous a attiré dans le personnage de Morbius ?
C’était un rôle parfait pour moi parce que je joue un type à l’article de la mort, qui retrouve ensuite la santé. Il devient alors super fort, avant de se transformer en monstre. Wow : ça en fait des trucs à jouer! J’aime bien l’idée de pouvoir insuffler ça dans un pop-corn movie. Je n’ai aucun problème avec les films commerciaux tant qu’ils sont bien faits. Ça peut même être une expérience transformatrice pour le spectateur. J’ai grandi à une époque où tu pouvais vivre en ne jouant que dans des films indépendants. Ça, c’est fini. Ce qui sort aujourd’hui dans les salles, c’est du pur divertissement. Et c’est très sympa, mais j’essaie toujours d’aller plus loin que ce qu’on me propose. Ce qui m’intéresse, c’est la création d’une vie à l’écran. Comme de la sculpture, mais avec mon corps et mon esprit.

À vos yeux, les rôles sont plus importants que les films ?
Je dirais que oui. Je suis très concentré quand je fais ce genre de choses. Je suis dans ma bulle et c’est un processus extrêmement gratifiant. Je me retrouve dans les Peter Sellers, les Daniel Day-Lewis, les Jack Nicholson… Des acteurs qui s’immergent, qui disparaissent dans leurs rôles. Rien à faire de jouer les types lambda. Il y a des acteurs très, très subtils que j’adore en tant que spectateur, mais ce n’est pas ce qui m’excite, désolé.


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