Cannes jour 6
DR

Tous les jours, entre le film, l'interview et le fait du jour, le point à chaud en direct du 75e festival de Cannes.

Le rire du jour : Fumer fait tousser

On ne sait pas trop quelle image vous avez des films à Cannes, encore moins de ce qu'il se passe pendant les séances, mais on tient à mettre les choses au point : on rigole pas mal, en fait, sur la Croisette. Samedi, la presse hurlait de rire face au nouveau Ruben Östlund, Sans filtre, mais celui qui devait mettre la grosse ambiance à la séance de minuit de ce week-end c'était Quentin Dupieux avec un autre film au titre-tabac : Fumer fait tousser. Un pur Dupieux - une horde de stars coincée pendant 1h20 dans un huis clos absurde - qui utilise cette fois le genre super sentai, ces séries japonaises avec des héros costumés luttant contre des aliens en latex. Entre nous, on a beaucoup plus ri devant le désarroi de la Tabac Force (l'équipe Lacoste/Zadi/Lellouche/Demoustier/Amamra on fire) que devant l'interminable farce scato-politique de Ruben.

>>> La critique complète de Fumer fait tousser

Fumer fait tousser
Gaumont Distribution

L'interview du jour : Ali Abbasi pour Les Nuits de Mashhad

Les Nuits de Mashhad marque le grand retour d'Ali Abbasi, quatre ans après avoir foudroyé Cannes 2018 avec son deuxième long Border - récit incroyable et horrifique d'une douanière suédoise au physique monstrueux qui rencontre son jumeau- sélectionné à Un certain regard. Son nouveau film, en compétition pour la Palme (et en salles le 13 juillet), retrace la traque, en 2001, d'un serial killer de prostituées dans la ville iranienne de Mashhad qui abrite un lieu saint de l'Islam chiite. Un thriller social et parano qui aurait eu le droit à 7 minutes de standing ovation. Le cinéaste explique ici les enjeux de sa plongée en enfer.


 

La révélation du jour : Charlotte Le Bon, réalisatrice de Falcon lake

Charlotte Le Bon était déjà passée à la réalisation en 2018 avec le court métrage Judith Hôtel, mais elle passe ici au long. Adaptation d'Une sœur, le roman graphique de Bastien Vivès, le film raconte une coming of age story et explore les pulsions sexuelles débordantes qui surgissent à l’adolescence. Elle ne se contente pas de livrer une plate adaptation, elle y apporte  sa touche personnelle. En déplaçant l’intrigue de l’île aux Moines dans son Québec natal. En inversant, les rôles par rapport au livre : ici c’est un garçon de 13 ans qui débarque chez des amis de ses parents dont la fille va l’aider à faire son éducation sentimentale. Mais surtout en entraînant ce teen movie à la lisière du fantastique, avec une histoire de fantômes dont on finit par être persuadée qu’elle est tout sauf imaginaire. Un film à l’atmosphère envoûtante servi en outre par la qualité de sa direction d’acteurs (Joseph Engel, révélé chez Louis Garrel, et Sara Montpetit en tête). Cette première ne restera pas sans lendemain.


 

Le film du jour : Les Amandiers de Valeria Bruni-Tedeschi

C’est à un Himalaya que s’attaque Valeria Bruni-Tedeschi. Raconter l’Ecole des Amandiers animée dans les années 80 par Patrice Chéreau au sein du théâtre dont il était aussi le directeur. Une école qui a marqué l’histoire du théâtre français et dont elle fut l’une des élèves. Comment s’emparer d’un sujet aussi intime tout en l’inscrivant dans une époque (les années SIDA) et en dressant le portrait des racines et du moteur de ce métier de comédien, tels que les pensait Chéreau ? Valeria Bruni-Tedeschi relève ce triple défi avec superbe. Précisément parce qu’elle a gardé en elle ce qui constituait la matrice de cet enseignement : un engagement total, une frontière plus que floue entre ce qu’on est, ce qu’on vit et ce qu’on joue. Le ton de son film épouse celui des répétitions et des spectacles de Chéreau de cette époque. Mais ce qui se révèle le plus passionnant dans ce puzzle foisonnant est sans contexte la réflexion sur la manière d’être comédien, de vivre ce métier décidément pas comme les autres, cette capacité à s’abandonner avec le risque de s’y perdre. Et elle le fait en réunissant une bande d’acteurs phénoménale dominée par celle qui l'incarne: Nadia Tereszkiewicz. La palette de sentiments sur laquelle elle évolue semble n’avoir aucune limite. Ses éclats de rires sont aussi renversants que ses crises de larmes ou ces explosions de rage. Chéreau l’aurait adorée !

LES AMANDIERS : LES REGLES DU JEU SELON VALERIA BRUNI-TEDESCHI [CRITIQUE]

Le docu du jour : Jerry Lee Lewis : Trouble in mind d’Ethan Coen

Quand est sorti l’hiver dernier sur Apple TV+ The Tragedy of Macbeth, signé du seul Joel Coen, il se disait que les frères Coen avaient splitté parce qu’Ethan était las du cinéma. En fait, pas tant que ça, puisqu’il vient quand même de signer un documentaire sur Jerry Lee Lewis, qu’il présentait aujourd’hui à Cannes en séance spéciale. Le chanteur de Great Balls of Fire, aka le « Killer », pianiste cintré et chanteur le plus sauvage de l’histoire du rock’n roll, est un sujet en or, mais le cadet des Coen n’en a tiré qu’un docu pépère, compilation d’extraits de concerts et d’apparitions télé, tous flamboyants, forcément, pleins de la folie et de la morgue bigger than life de Jerry Lee, mais reliés entre eux par un montage impersonnel. Pas trop grave. Disons que c’est juste un apéro boogie-woogie avant l’arrivée d’Elvis (le biopic signé Baz Luhrmann) sur la Croisette. 

Trouble in mind
A24