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Première a pu assister à une journée de tournage du blockbuster avec Michael Fassbender et Marion Cotillard.

Ça fait bien 25 ans que jeux vidéo et cinéma se reniflent l’arrière-train. Deux cousins pas si éloignés qui s’aiment, se jaugent, s’inspirent, s’envient (souvent). Leurs ressemblances sont aussi évidentes que les limites de leurs associations. Les adaptations vidéoludiques sur grand écran sont la plupart des naufrages artistiques, avec un ratio de films réussis désespérément faible : pour un Silent Hill qui s’en sortait honorablement, on a eu droit à dix Super Mario Bros, Hitman ou Max Payne très embarrassants. Partant de ce contexte difficile, Ubisoft a décidé de faire table rase du passé et de s’occuper seule, ou presque, des adaptations de ses productions maison. 

Première étape, Assassin’s Creed, le jeu vidéo best-seller de l’entreprise créée par les frères Guillemot. Casting de stars (Michael Fassbender, Marion Cotillard, Jeremy Irons), réalisateur indé déjà bien installé (Justin Kurzel) et budget massif estimé à près de 200 millions de dollars. Sur le papier, Ubisoft Motion Pictures a tout pour faire d’Assassin’s Creed un blockbuster juteux et peut-être même, qui sait, briser la malédiction. 

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Le set est construit de façon à ce que l’on passe directement du dortoir où sont logés les patients d’Abstergo - ambiance chambre d’hôpital aseptisée, très proche de ce qu’on a pu voir dans les jeux - à la cellule de Callum et à l’Animus. Une salle de contrôle high tech surplombe l’intrigante machine, que l’on observe à travers des parois de verre. Un gros travail a été effectué sur les décors physiques, loin de l’habituelle machinerie numérique hollywoodienne. "J’ai essayé de capturer l’essence du jeu tout en tournant au maximum dans des décors naturels, avec de vraies cascades et peu d’effets générés par ordinateur. Il fallait que tout ça semble réaliste, je ne voulais pas trop de fonds verts. Ça immerge d’avantage le spectateur". 

"Je déteste les jeux vidéo où on tue les gens"

Kurzel avoue sans détour n’avoir jamais touché à un jeu Assassin’s Creed avant de se lancer dans le film. "À part des publicités que je pouvais voir dans dans la rue ou des centres commerciaux, je n’y connaissais rien. Il a fallu que Michael me parle du script et du jeu vidéo, que j’y joue. J’ai également passé du temps avec les créateurs chez Ubisoft qui m’ont expliqué ce qu’ils voulaient faire avec cette histoire. Mais il y a des références à d’autres assassins, des armes que certains reconnaîtront. L’ombre du jeu plane sur le film". Aussi novice que son réalisateur, Marion Cotillard rougit un peu quand on lui demande si a titillé la manette avant de se lancer dans le projet : "Je déteste les jeux vidéo où on tue les gens, sans vouloir offenser ceux qui aiment ça ! Du coup je n’y ai jamais joué, je ne sais pas si l’histoire est bonne. Mais j’ai adoré le script du film, il y a une vraie idée derrière qui m’a donné envie de le faire". Son personnage entretien "une relation compliquée" avec son père. "Elle est tellement impliquée dans son projet qu’elle est aveugle à sa vraie nature. Il fait pourtant des choses qui devraient lui mettre la puce à l’oreille : ce qui se passe à Abstergo n’est pas toujours sain". Rarement associée à la science-fiction, Cotillard explique qu’elle a notamment accepté de signer sur Assassin’s Creed car elle faisait confiance au capitaine. "Ce genre de film a besoin d’un réalisateur qui s’intéresse vraiment à l’acting pour rendre tout ça crédible. Et c’est le cas de Justin". 

Le début d’une franchise

Bien placée pour en parler, notre Marion nationale a déjà tourné avec Kurzel et Fassbender pour Macbeth, le drame shakespearien sorti l’année dernière. "Il y a une alchimie. Ils comprennent forcément plus vite ce que je veux", estime le cinéaste, qui explose de rire quand on lui rapporte les propos de l’ancien PDG d’Ubisoft Motion Pictures. L’année dernière, il assurait à Première qu’Assassin’s Creed aurait un ton entre Blade Runner et Batman Begins. "Ah ah, c’est son interprétation ! Évidemment, je trouve que Blade Runner et Batman Begins sont exceptionnels. Mais si notre film leur ressemble, c’est plus dans l’approche : la façon dont on filme, dont on rend cette histoire la plus réaliste possible".

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Logiquement bâti comme une franchise, Assassin’s Creed devrait connaître plusieurs suites si les résultats financiers suivent. "Ce n’est pas une obsession mais bien sûr qu’on y pense", reconnaît Justin Kurzel. "Le gros avantage, c’est que scénaristiquement parlant, il est possible de faire beaucoup de choses, comme d’envoyer des assassins à différentes époques. On a parlé de ce qui pourrait arriver dans les suites, de ce que Callum pourrait faire". 

Les yeux d’Hollywood sont désormais braqués sur le box-office du film. Si le succès est au rendez-vous, le mariage entre jeux vidéo et cinéma pourrait enfin se concrétiser. Un filon pratiquement inexploité, des fans par centaines de milliers et une variété au moins comparable aux super-héros. On connaît déjà de nombreux producteurs qui attendent la bave aux lèvres.

François Léger

Assassin’s Creed, dans les salles françaises le 21 décembre 2016.