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Émacié et grisonnant, Sami Bouajila crève l’écran en chef de gang dans Braqueurs de Julien Leclercq.

À force de le voir dans des films d’auteurs dramatiques où sa nature douce et poétique semblait le cantonner, on avait un peu oublié que Sami Bouajila avait aussi une gueule et du charisme à revendre. Julien Leclercq ne s’y est pas trompé en lui confiant le rôle principal de Braqueurs, celui du chef d’un gang de braqueurs obligé, suite à une erreur d’un de ses hommes, de monter gratuitement un coup pour des gros dealers de cité. Tendu comme un arc, Braqueurs offre à Bouajila un rôle en or où il joue aussi bien de sa sensibilité que de ses muscles.

Vous êtes exceptionnel d’intensité dans Braqueurs. On se demande pourquoi vous ne tournez pas plus de films d’action.
Je me le demande aussi ! (rires) Il faut recevoir les bons. Quand j’ai lu le scénario de Braqueurs, il y avait comme une évidence. J’ai bien aimé le côté animal de Yanis, ce type taiseux, marginal, très famille, un peu en périphérie.

Vous n’aviez tourné que trois films d’action avant celui-là : Couvre-feu, Nid de guêpes et Le dernier gang. C’était il y a longtemps.
Je reste sur ma faim, c’est vrai, mais je ne suis pas frustré. À chaque fois, j’ai fait de belles rencontres, avec des metteurs en scène qui maîtrisaient leur univers et qui aimaient le genre.

On avait donc tort de penser que vous fuyiez de tels rôles ?
Complètement. Je pense que, quand j’étais jeune, les gens ne me voyaient pas dans ce type d’emploi. Je dégageais un truc qui ne faisait pas trop « marlou » à leurs yeux, enfin j’imagine. C’est oublier qu’acteur est un métier qui laisse la place à plein de choses…

Vous êtes-vous d’emblée senti à votre place ?
Avec les autres acteurs, la complicité s’est installée très vite. Ca nous a donné beaucoup d’assurance. Nous ne sommes pas allés jusqu’à improviser mais nous avions beaucoup de libertés.  

Vous êtes chef de bande dans le film. Et sur le plateau ?
Le vrai leader sur le plateau, c’était Julien (Leclercq). Pour ma part, j’ai senti une sorte de respect bienveillant à mon égard qui m’a évidemment fait très plaisir. Du coup, je me devais de mettre mes partenaires à l’aise. Ça s’est passé comme en famille, en fait.

Le film est très tendu, graphique. Il s’embarrasse peu de psychologie mais plante bien les personnages et les enjeux. Avez-vous été surpris du résultat ou était-il conforme à vos espoirs ?
Durant le tournage, j’ai vu la capacité de Julien à assumer sa vision et à gérer tous les bonshommes qu’il avait sous la main. J’avais quand même un peu peur que toute cette adrénaline se dilue à l’écran. Je n’ai pas été déçu. Il a remis un coup de rein au montage pour donner encore plus de nerfs au film, le structurer davantage.

Cinq films à voir avant Braqueurs, par Julien Leclercq

La mafia italienne nourrit depuis 40 ans le cinéma de genre américain. Peut-on imaginer que le gangstérisme maghrébo-français, réel et organisé, inspire une telle mythologie en France ?
Tout est possible mais je pense qu’on manque encore de recul. On n’a pas cette capacité des Américains à rebondir sur notre histoire. Le passif de la guerre d’Algérie reste important et c’est difficile d’évacuer les préjugés qui y sont rattachés.

La peinture de la banlieue est très sincère dans Braqueurs : elle n’élude pas certains problèmes tout en proposant des portraits très humains. Est-ce aussi cela qui vous a fait accepter le film ?
Ce n’est pas le sujet du film mais si Julien avait eu une vision misérabiliste ou dégradante de la banlieue, j’aurais sans doute refusé. Je sais que les gens des quartiers en ont marre des visions négatives véhiculées par certains films. Je suppose qu’il y a des tensions quand des tournages vont là-bas. Nous, grâce à Kaaris (le rappeur joue un impressionnant dealer, ndlr), nous avons été accueillis à Sevran comme des princes. Les gens étaient curieux, ils applaudissaient à chaque fin de prise. Il y avait une belle énergie. C’était merveilleux.

Braqueurs de Julien Leclercq avec Sami Bouajila, Guillaume Gouix, Kaaris sort en salles le 4 mai