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Fin des années 90, alors que tous les regards sont tournés vers Ally McBeal et son minois d'écureuil frigide, déboule Sex and the City et son quatuor de filles décomplexées. Diffusée sur l'auto-proclamée très transgressive HBO, la série bouscule les habitudes avec son franc parler entre nanas. La libération sexuelle fait son retour et les filles couchent, sans soucis, et surtout papotent de leurs histoires de fesses, les tabous tombant comme des mouches au fur et à mesure qu'on se dit tout. Rien que du très banal pour la presse féminine dont s'inspire la série. Mais pas pour la télévision, ni vraiment le cinéma qui pourtant en a vu d'autres.Après deux films aussi superficiels que matérialistes et après avoir influencé des dizaines de romans, la série laisse la place aux suivants. La tendance d’un féminisme cru se creuse alors dans la comédie où la volonté des femmes de s’affirmer à l’égal des hommes passe par l’imitation de leurs pires travers. Inversion des clichésAvec Sex and the City nait l'image de cette fille décomplexée qui amorce le virage incroyablement vulgaire pris par la comédie romantique dans les années 2000 - dont à peu près toutes celles avec Katherine Heigl, L'abominable vérité en tête, qui sous prétexte de parler vrai enchaine les situations d'une beaufitude effarante et les poncifs de presse féminine. Rarement les ambitions de la femme au cinéma furent ramenées à un horizon si pauvre des sentiments. Dans un genre moins sentimental et encore plus aberrant, Bad Teacher ouvre aussi la voie de la nana sale et méchante. Avec Cameron Diaz en prof déglingue et pétasse assumée, cette comédie qui aimerait prendre des airs anar est le summum d'un cinéma faussement irrévérencieux et vraiment crétin où la femme fait à peu près tout pire que les mecs. On veut renverser les préjugés identitaires, mais on aboutit qu'à une bête inversion des clichés. Beaucoup plus présentable mais issu de la même famille (Judd Apatow and co.), Mes meilleures amies n'est peut-être au fond qu'une jolie comédie romantique sur la reconquête de l'estime de soi, mais avec de vrais morceaux de néo-féminisme déglingue dedans. Les femmes y picolent trop, parlent cash, rotent et vomissent, s’emparant des attributs masculins les moins classes pour un nivellement des sexes par le bas. Les mêmes que dans La Vie au ranch ? Si dans le film de Sophie Letourneur les filles sont aussi très portées sur la boisson, les clopes, le franc parler et qu'on hésite pas à faire pipi, comme ça, entre deux voitures, cet exhibitionnisme vaguement punk (rehaussé par le talent formel du film) est bien le signe qu'on a le droit de se lâcher entre meufs, maintenant, et surtout de le filmer. Rien de grave à ça, si seulement ces petites victoires sur l'égalité des sexes ne se limitaient pas parfois à du pipi caca. Punk de pacotilleBuzz télé de l'été, Girls, série HBO crée par Lena Dunham et produite par Judd Apatow (inédite en France) fait elle aussi sa cuisine de ces histoires de filles qui n'ont plus de problème avec le cul. Suivant les déboires amoureux et sexuels de quatre jeunes new-yorkaises, la série se veut un post Sex and the City, à la fois plus intelligent, plus provocateur, plus vrai, plus cru, et donc plus direct dans sa représentation de la chose. Pourquoi faire ? La normaliser en prenant l'air d'être hors norme. Hypocrite et paradoxal ? Un peu, et surtout un prétexte à tout déballer sans pudeur. Si encore une fois il s'agit de se mettre à poil, dire le mot bite, pour gagner sa place et en finir avec cet éternel second dans lequel on a placé la femme, autant dire alors qu'American Pie est un film réellement subversif et révolutionnaire. Mais Girls a presque des airs d'Hannah Montana à côté de BacheloretteVery Bad Trip entre filles où trois amies sont invitées au mariage de leur copine de fac obèse dont elles se fichent éperdument jusqu'à bousiller sa robe de mariée, leitmotiv du film soulignant la question pondérale. Farce cynique et faussement méchante, d'une vulgarité aussi inouïe que la stupidité de ses personnages, Bachelorette se complait le sourire aux lèvres dans une posture cradingue et fière de l'être qui n'a pas d'autre but que sa suffisance. Si le summum du féminisme cool passe par des allures punk de pacotille (les enjeux du films étant nuls), l'émancipation des genres selon cette nouvelle tendance laisse songeur. Quand la femme vient à en affirmer son droit à la vulgarité ou aux blagues potaches pour défendre sa liberté sexuelle, pas sûr que l'époque ni le cinéma s'en portent mieux. Jérôme Dittmar