Cowboy Carter - Beyonce
Parkwood/Columbia/Sony, AP

Avec Cowboy Carter, la chanteuse nous plonge dans un monde musical foisonnant d’images cinématographiques, toutes ancrées dans l’héritage du western.

Queen B a encore frappé. Le 29 mars dernier, la chanteuse Afro-américaine a sorti son huitième album studio, Cowboy Carter. Nouvelle addition à une discographie iconique de la pop culture — les hymnes "Single Ladies", "Crazy in Love" ou encore "Who Run The World (Girls)" ont marqué des générations — Cowboy Carter est une incursion dans un univers auparavant inexploré par son interprète. Maîtrisant déjà le R&B, la pop, le hip-hop, et même la house dans le premier volet de son triptyque Renaissance, Beyoncé s’aventure cette fois dans les eaux marécageuses de la country.

Texane d’origine, elle utilise les sonorités connotées de ce genre américano-américain pour revendiquer son américanisme dans un contexte politiquement tendu. Couche par couche, morceau par morceau, elle revient sur ce qui fait l’identité de son pays, son Histoire, en nous embarquant dans un road trip sonore et visuel. Avec elle, on visite les étendues désertiques du Texas (“Texas Hold ‘Em”, “Desert Eagle”), les grenouillères de la Louisiane (“Oh Lousiana”), les confins fangeux de la Floride (“Alligator Tears”).

En plus de références musicales, Beyoncé parsème son album de repères visuels. Quel genre raconte mieux les Etats-Unis que le western, forme inventée au moment des balbutiements de cette Nation. Le titre de l’album – Cowboy Carter – et sa jaquette ne sont donc pas anodins. Dans sa musique, Beyoncé infuse de ces images qui font appel à tout un imaginaire, celui des grandes plaines fordiennes et des tumbleweed volant au vent.

Selon PR Newswire, l’album est une véritable “expérience”“chaque chanson est sa propre version d’un western réimaginé”. Le site liste huit de ces films, qui ont inspiré la Reine dans cette nouvelle conquête, huit westerns ou héritiers du genre, qui témoignent d’un profond ancrage dans une Histoire encore en train de s’écrire.

S’il n’est pas toujours précisé quel film correspond à quel aspect ou titre de l’album, des corrélations évidentes sont tout de même à souligner.

The Harder They Fall
Netflix
Killers of the Flower Moon
Apple TV+
Cinq doigts pour Marseille
Drop-Out Cinema/Netflix France
Urban Cow-boy
Paramount Pictures
Les Huit Salopards
SND
Space Cowboys
Warner Bros. France
O’Brother
Bac Films
Thelma et Louise
Park Circus France

The Harder They Fall (Jeymes Samuel, 2021)

Il n’est pas étonnant que The Harder They Fall apparaisse dans cette liste. D’abord, parce qu’il est produit par Jay-Z, mari et collègue de Beyoncé. Mais ce film, c’est surtout le résultat d’un métissage moderne du western et de la Blaxploitation, ce courant culturel né dans les années 1970, et qui a vu les personnages afro-américains passer sur le devant de la scène. En parallèle, la bande-originale du film mélange aussi les genres du rap de Jay-Z à la soul de Seal, en passant par le R&B de Lauryn Hill, le funk de Cee Lo Green et le reggae de Koffee.

Inspiré de la figure historique de Nat Love, esclave devenu cow-boy, le premier long-métrage de Jeymes Samuel raconte la vendetta du personnage campé par Jonathan Majors contre Rufus Buck (Idris Elba), l’assassin de ses parents, en rassemblant un casting cinq étoiles : Regina King, Zazie Beetz, Lakeith Stanfield, font tous partie d’une distribution qui met en avant des personnages noirs forts et émancipés.

Killers of the Flower Moon (Martin Scorsese, 2023)

Plus récent des films cités par PR Newswire, Killers of the Flower Moon, la dernière réalisation de Martin Scorsese revient sur l’histoire vraie d’une série d’assassinats d’autochtones Osages après la découverte de puits à pétrole sur leurs terres. Lily Gladstone et Leonardo DiCaprio y interprètent un couple mixte pris dans le tourbillon d’une histoire meurtrière qui les dépasse.

Avec Killers of the Flower Moon, Martin Scorsese signe un film qui montre frontalement la façon dont les Etats-Unis se sont construits : sur le sang de peuples qui, Natifs ou Noirs, sont tués, mutilés, utilisés au nom de la croissance d’un pays à jamais divisé.

En 2024, le film est nommé pour dix Oscars, dont celui de la Meilleure actrice pour Lily Gladstone.

Cinq doigts pour Marseille (Michael Matthews, 2018)

Transposant l’univers du Far Ouest dans la campagne sud-africaine moderne, ce western de Michael Matthews fait un parallèle entre le génocide des Natifs et l’Aparteid. Il suit Tau, leader charismatique d’une bande de jeunes prêts à en découdre pour défendre leur petite ville de Marseille. Après avoir tué deux policiers blancs, Tau s’enfonce dans les collines, embrassant la vie d’outlaw pendant près de vingt ans avant de devoir revenir risquer sa vie pour sauver son village.

Un film qui n’est pas sans rappeler tous ces récits de misfits solitaires qui peuplent les westerns, mais également ces figures  qui se dressent, seules, face à un danger menaçant un certain équilibre. C'est le cas dans Le Train sifflera trois fois, mais aussi dans Rio Bravo.

Cependant, avec cette référence, c’est aussi son africanité que Beyoncé revendique, dénonçant une systématique répression des peuples de couleurs, aux Etats-Unis et partout ailleurs.

Urban Cow-boy (James Bridges, 1980)

En suivant la migration de la campagne à la ville de Houston de Bud Davis, jeune cowboy campé par John Travolta, ce film de James Bridges souligne la fracture douloureuse entre le milieu rural et le milieu urbain, inhérente à la création d'un pays “patchwork”. Chapeaux de cowboy, rodéos et kicker dancing s’opposent violemment à l’acier et à la fumée de l’urbanisme des années 1980.

Mais au-delà de cet aspect visuel, Urban Cow-boy, c’est aussi une bande-originale qui a participé à populariser la musique country, poussée par l’image de John Travolta, déjà auréolé des succès de La Fièvre du samedi soir et de Grease. En plus de rappeler les origines de Beyoncé, originaire de Houston, le film fait donc un parallèle entre la construction du pays et les sonorités traditionnelles texanes.

Les Huit Salopards (Quentin Tarantino, 2015)

Sorti trois ans après Django Unchained, Les Huit Salopards redonne lui aussi leur juste place aux Afro-américains dans le genre du western en faisant d’un personnage interprété par Samuel L. Jackson l’un de ses personnages principaux. Huitième film de Quentin Tarantino, il reprend le motif du chasseur de prime prêt à tout pour toucher sa récompense et déjà utilisé dans Le Bon, la Brute et le Truand, Et pour quelques dollars de plus, ou encore La Horde sauvage.

Deux chasseurs de primes, une prisonnière, un major, un shérif, le gérant d’un relais, un bourreau, un cowboy et un confédéré se retrouvent coincés dans une auberge par une tempête de neige. Qu'est-ce qui pourrait mal tourner ? Avec ce film, Tarantino confronte huit couches de la société américaine des premiers temps, une dissection sociale que Beyoncé reprend dans son album.

En 2016, Ennio Morricone, grand nom des BO "westerniennes", reçoit l’Oscar de la Meilleure musique de film pour Les Huit Salopards.

Space Cowboys (Clint Eastwood, 2000)

Si le western traditionnel donne à voir l'avancée d’un front pionnier d’Est en Ouest, ce film catastrophe de Clint Eastwood, sorti en 2000, transpose ce front dans l’espace, entre la Terre et la Lune. Le film suit une équipe de quatre astronautes grisonnants (interprétés par Clint Eastwood, Tommy Lee Jones, Donald Sutherland et James Garner), rappelés par la NASA pour empêcher un satellite de communication soviétique de s’écraser sur la Terre.

Figure emblématique du western spaghetti (auquel Beyoncé fait allusion dans l’album avec le morceau fortuitement titré “SPAGHETTII”) notamment chez Sergio Leone, Clint Eastwood a lui-même apporté plusieurs pierres à l’édifice du genre en réalisant des films devenus cultes : L’Homme des hautes plaines, Josey Wales hors-la-loi ou encore Impitoyable

Dans Space Cowboys, il s'amuse à détourner le schéma du western pour en faire un objet cinématographique neuf, et en accord avec son temps, tout comme Beyoncé détourne les motifs de la country dans son album pour créer une forme d’hybride.

O’Brother (Joel et Ethan Coen, 2000)

Peut-être pas autant inspiré du western que No Country for Old Men, O’Brother embarque tout de même le spectateur dans un voyage au sein de l’Amérique rurale de la Grande Dépression. Réécriture de l’Odyssée d’Homère, le septième film des frères Coen, suit l’épopée semée d'embûches de d’Ulysses (George Clooney), Delmar (Tim Blake Nelson) et Pete (John Turturro), tout juste échappés de prison.

Au-delà des paysages états-uniens d'un autre temps, ce sont les sonorités de la bande-originale qui ont inspiré Beyoncé. La plupart des titres qui la composent sont des reprises de chansons traditionnelles du bluegrass (branche de la musique country), du gospel, du blues et de la folk. On mentionnera notamment “I Am a Man of Constant Sorrow”, interprétée par les Soggy Bottom Boys, le groupe brièvement formé par les trois prisonniers dans le film, et dont la scène d’enregistrement est devenue un classique du cinéma des frères Coen.

Thelma et Louise (Ridley Scott, 1991)

Avec cette cavale aux allures de road movie, Ridley Scott plonge le spectateur dans l’Amérique profonde, de l’Arkansas à Oklahoma City, en passant par l’Arizona et les frontières mexicaines. A bord de cette voiture, Thelma (Geena Davis) et Louise (Susan Sarandon), repoussent le front de l’émancipation féminine après avoir tué un homme qui tentait de violer l’une d’elles.

Tout comme dans Winchester ‘73, le pistolet de Louise devient un personnage à part entière, un emblème de cette liberté après laquelle les deux personnages courent. Et c’est ce symbole que Beyoncé a choisi pour illustrer l’édition limitée du vinyle de son nouvel album.

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