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Dans Chocolat, Omar Sy joue le premier clown noir de l’histoire et poursuit, après Samba, un travail sur l’identité afro-française.

Il y a encore cinq ans, Omar était avant tout une star de la télé qui jouait les utilités dans des comédies inégales. Puis est survenu le miracle Intouchables. Devenu non seulement acteur de premier plan mais même star internationale, il a commencé par capitaliser sur ce statut à Hollywood puis dans deux-trois blockbusters français - dont L’écume des jours. 2014 marque le grand tournant : Samba, le film post-Intouchables de Toledano et Nakache, introduit un nouvel Omar, acteur concerné par son époque et par les problématiques qui s’y rattachent. En incarnant un Africain sans-papiers déterminé à s’intégrer, il se pose en symbole ; comme le porte-voix d’une France silencieuse, laborieuse et stigmatisée. « Je suis fier de mettre un visage sur ces personnes qui vivent avec nous et qu’on ne connaît pas » nous confiait l'acteur à la sortie du film.

Samba, le saut de l'ange artistique d'Omar Sy

Rôle de la maturité et véhicule à César, Samba ne fera pas le carton espéré mais nourrira des fantasmes quant à la carrière d’acteur de Super Omar en position de jouer ce qu’il veut, avec qui il veut. Samba était-il un caprice d’acteur en manque de reconnaissance critique ou la première pierre d’une seconde carrière pensée et déterminée, en un mot politique ?

Self made man

Chocolat apporte la preuve que Samba n’était pas qu’un pas de côté. Dans ce joli film de Roschdy Zem, autre artiste engagé (il n'y a qu'à se souvenir de son rôle dans Indigènes, ou de sa deuxième réalisation Omar m'a tuer), inspiré de l’histoire vraie du premier clown noir à évoluer en France, Omar Sy affirme une nouvelle fois quelque chose de son identité française forgée, en l’occurrence, dans la douleur du colonialisme -l’action se passe à la toute fin du 19ème siècle. Son personnage, Chocolat, était un fils d’esclave vendu à Cuba puis débarqué en France vers l’âge de 18 ans où il fut employé d’abord comme monstre de foire, puis comme clown auprès de Georges Footit qui lui apprit le métier, consistant principalement à se faire botter le cul -comme un prolongement de sa condition d’esclave. Leur duo séduisit l’exigeant public parisien et Chocolat devint une star mondaine rattrapée par les démons du jeu et de l’alcool… On peut y voir un parallèle avec la trajectoire professionnelle d’Omar, même si les époques et les moeurs ne sont pas comparables. Issu d’une banlieue dite « difficile », Omar s’est fait tout seul, puis s’est révélé à travers un duo blanc-black, avant de connaître un succès faramineux et, par essence, fragile. Un parcours exemplaire que l’acteur pourrait faire fructifier tranquillement mais dont il semble vouloir se servir pour éveiller modestement les consciences. « Etre artiste, c’est ouvrir des brèches », dit à Chocolat son avisé confident haïtien. Message reçu. 
@chris_narbonne

Chocolat de Roschdy Zem avec Omar Sy, James Thierre, Clotilde Hesme, Olivier Gourmet sort en salles le 3 février 2016