Guide du 13 février 2019
Mars Films / Pathé / Orange Studio Cinéma-UGC Distribution

Ce qu’il faut voir cette semaine.

L’ÉVENEMENT

MA VIE AVEC JOHN F. DONOVAN ★★★☆☆
De Xavier Dolan

L’essentiel
Xavier Dolan revisite ses obsessions, témoigne d’un amour enragé du 7eart, et signe son oeuvre la plus audacieuse.

Rares sont les films à la fois attendus et précédés d’une rumeur à ce point détestable à leur arrivée en salles. Pour Xavier Dolan, c’est en tout cas une première. Car même s’il n’a jamais fait l’unanimité (cet esprit vif et si riche en contradictions serait le premier à la vomir), aucun de ses films n’avait eu à subir un vent à ce point contraire avant que le public ne se fasse son opinion. Un conseil d’ami ? Ne vous fiez définitivement pas aux rumeurs. Car la production riche en rebondissements de Ma vie avec John F. Donovan épouse au final parfaitement son contenu vibrant, débordant de vie mais hanté par la mort. 
Thierry Chèze

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PREMIÈRE A AIMÉ

DRAGON BALL SUPER : BROLY ★★★☆☆
De Tatsuya Nagamine

Le cruel (et complexé) général Freezer attaque la Terre pour s’emparer des Dragon Balls. Son Goku, Vegeta et ses amis se dressent devant lui mais Freezer a une arme secrète : Broly, qui est peut-être le légendaire superguerrier de la planète Saiyan... Bon, d’accord, dit comme ça, Dragon Ball Super : Broly peut paraître totalement hermétique et réservé à son public habituel d’otaku, d’autant qu’il s’agit d’un film dérivé d’une série animée (Dragon Ball Super, bien sûr). Et pourtant, même si on n’a pas regardé d’épisode de Dragon Ball depuis les années 90, on ressent une très forte familiarité à la vision du film. Et un plaisir énorme. En s’ouvrant sur un long prologue impressionnant et épique qui évoque la mythologie de Superman (une planète peuplée d’êtres surhumains est détruite tandis qu’un « élu » est sauvé et envoyé en exil), Dragon Ball Super : Broly a la carrure d’un film autonome de superhéros. Des personnages dotés de pouvoirs cosmiques phénoménaux font péter des planètes au cours de séquences de baston complètement délirantes, qui vont devenir de plus en plus immenses, pop, flashy et abstraites au fur et à mesure du combat contre Broly. Les fans seront évidemment en plein panard, mais tous ceux qui ont jeté un œil au Club Dorothée dans leur passé risquent de ressentir une sacrée remontée d’acide. Beaucoup plus grand public et jouissif que prévu.
Sylvestre Picard

ROSIE DAVIS
★★★☆☆
De Paddy Breathnach

C’est une course contre la montre. Contre le déclassement. Contre l’humiliation de se retrouver à vivre dans la rue. Celle vécue (depuis déjà deux semaines quand le récit débute) par Rosie (Sarah Greene, saisissante) qui a dû quitter avec son compagnon et leurs quatre enfants la maison qu’ils occupaient, le propriétaire ayant décidé de la vendre et le couple n’ayant pas les moyens de l’acquérir. Depuis, chaque journée est un défi. Une fois ses enfants déposés à l’école et alors que son mari travaille, Rosie passe des heures au téléphone pour trouver l’hôtel qui les accueillera le soir même à des conditions financières acceptables. Rosie Davisraconte le quotidien d’une famille au bord du précipice. Mais à l’image de son regard sur la communauté cubaine gay dans Viva, Paddy Breathnach ne s’enferre à aucun moment dans le piège du film purement sociétal. Sa Rosie Davis n’a rien d’un cas d’école. C’est une héroïne en bonne et due forme qui refuse que cette situation angoissante fasse voler en éclats une éducation où l’amour et la ténacité ont toujours primé sur tout. Évitant toute surdramatisation larmoyante, Rosie Davis bouleverse par la dignité de cette femme et son refus de toute concession, y compris d’aller installer sa famille chez sa mère quand cette dernière lui demande de retirer ses accusations sur son père à la main plus que baladeuse. On vit son combat de mère courage dans une tension permanente, et on ne cesse d’espérer qu’il y aura de meilleurs lendemains. Un tour de force.
Thierry Chèze

LES TÉMOINS DE LENSDORF 
★★★☆☆
D’Amichai Greenberg

Reprenant le credo du monumental Shoah de Claude Lanzmann, ce premier long métrage parvient par le truchement de la fiction à interroger la mémoire. Yoel est un historien israélien qui enquête de nos jours sur un massacre de juifs durant la Seconde Guerre mondiale aux abords d’un village autrichien. Ce combat de toute une vie est toutefois soumis à un ultimatum lorsque la municipalité dudit village entend effectuer des travaux de construction, empêchant le chercheur de localiser la fosse – jusqu’ici introuvable – où les corps des victimes ont été enterrés. À partir d’une trame classique du film-enquête, le réalisateur israélien, Amichai Greenberg, parvient avec sobriété et sérieux à dresser le portrait d’un homme obnubilé par sa mission au point de se confondre avec elle. Seul contre tous, y compris face à l’Histoire qui masque ses preuves, le chercheur (Ori Pfeffer, méconnaissable et formidable) se retrouve bientôt confronté à la fragilité de sa propre identité suite à une révélation (dont nous ne vous dévoilerons rien) qui ajoute à la confusion. Mais puisque tout semble se dérober, c’est un puzzle qu’il faut reconstruire, pièce après pièce, pour mettre à jour la preuve manquante. Voir ainsi le personnage principal au fond d’un labyrinthe de tranchées qu’il a lui-même fait creuser offre l’expression saisissante et mentale d’une raison en ébullition. Ce film jamais théorique reste efficace de bout en bout. Une très belle réussite.
Thomas Baurez

WE THE ANIMALS 
★★★☆☆
De Jeremiah Zagar

Barry Jenkins expliquait, dans ces colonnes, au sujet de son Si Beale Street pouvait parler, que ce n’est pas parce qu’on raconte des histoires dramatiques qu’il faut avoir peur du beau. Les premiers pas dans le long métrage de fiction de Jeremiah Zagar s’inscrivent pleinement dans cette logique (on l’a même présenté comme le Moonlight de 2018 à Sundance l’an passé). En adaptant le roman éponyme de Justin Torres, Zagar, venu du documentaire, raconte le quotidien de Jonah, cadet d’une fratrie de trois jeunes garçons chahuteurs vivant en marge de la société avec leurs parents, dont l’amour passionnel vire souvent à l’affrontement violent. Le gamin de 10 ans, prenant conscience à la fois de la violence de l’existence (ses frères s’amusent plus souvent qu’à leur tour à l’intimider) et de son attirance pour les garçons, est au cœur d’un récit initiatique situé dans les années 80 dans une Amérique ployant déjà sous le poids de la crise, où il n’est plus tant question de vivre que de survivre. Mais à l’écran, le parfait usage du 16 mm, le jeu entre ombres et lumières pour faire de cet environnement aussi crasseux que nébuleux un personnage à part entière éloigne le film de la chronique misérabiliste. Sans attendre la même plénitude dans le geste cinématographique que Les Bêtes du Sud sauvage, il partage avec lui cette grâce doublée d’une naïveté qui peut fasciner ou agacer, mais ne laisse en aucun cas indifférent. On reparlera vite de Jeremiah Zagar.
Thierry Chèze

LUNE DE MIEL
★★★☆☆
De Ioana Uricaru

Le titre français est ironique : de lune de miel il ne sera pas beaucoup question pour la Roumaine Mara, ni avec son tout nouvel époux américain ni avec les États-Unis. Face aux suspicions de l’administration quant à son mariage (elle est jeune, étrangère et déjà mère, son mari est plus âgé et son passé, trouble), Mara va aller de désenchantement en désenchantement. Pour son premier long métrage en solo (elle avait auparavant cosigné un segment du film collectif Contes de l’âge d’or), Ioana Uricaru signe une charge virulente contre le protectionnisme américain sans passer sous silence les petits arrangements avec la vie de son héroïne résiliente. Cruel et ambigu, Lune de miel rappelle – en moins abouti cependant – le cinéma de Cristian Mungiu, mentor de la réalisatrice.
Christophe Narbonne

AÏLO : UNE ODYSSÉE EN LAPONIE
★★★☆☆
De Guillaume Maidatchevsky

Les scènes de la vie quotidienne peuvent parfois être prisonnières d’une routine monotone chez l’homme, mais certainement pas chez le renne. Aïlo, une odyssée en Laponie nous plonge dans la lutte acharnée d’un petit mammifère pour survivre aux étendues glaciaires finlandaises et regagner son troupeau. Guillaume Maidatchevsky allie la précision du documentaire à un imaginaire fictif, passionnément narré par Aldebert, sorte de Chantal Goya pour millennials. A grand renfort d’images léchées, la caméra talonne Aïlo à chaque étape de son voyage initiatique, intimiste mais jamais intrusive. Ce conte plus vrai que nature se dresse comme un éloge à la tendresse, au courage et à la majesté des grands espaces, parfois trop muet sur les enjeux écologiques qui secouent l’objet de son extase.
Jean-Baptiste Tournié

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ

MON BÉBÉ ★★☆☆☆
De Liza Azuelos

Mon bébé est plus qu’une nouvelle comédie générationnelle, c’est la dernière pierre du « LACU ». Le Lisa Azuelos Cinematic Universe. Depuis LOL, la cinéaste construit un édifice très cohérent où l’on croise régulièrement les mêmes obsessions et les mêmes figures. En gros : une femme énergique avec un boulot sympa vit dans un sublime appart parisien avec ses post-ados bien coiffés et très branchés. Après LOL, voilà donc sa nouvelle étude de mœurs parisienne et son nouveau portrait de mère battante.
Gaël Golhen
 

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CONVOI EXCEPTIONNEL ★★☆☆☆
De Bertrand Blier

Dès le premier plan, on est en terrain connu. Au coeur d’un embouteillage déboule Taupin (Depardieu) poussant un Caddie vide dans lequel il trimballe toute sa vie. Et le voilà rejoint par Foster (Clavier) qui lui rappelle leur mission commune : tuer un homme. Taupin n’a aucune idée de ce dont il parle. Et pour cause : il n’a jamais reçu le scénario qui explique ce qu’ils vont devoir faire, tels des pantins sous l’emprise d’esprits diaboliques. Commence alors un jeu de film dans le film où planent toutes les obsessions de Blier : la mort, les relations hommes-femmes, cet amour des mots...
Thierry Chèze

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REBELLES ★★☆☆☆
D’Allan Mauduit

Allan Mauduit est un farceur old school, un héritier de Hara-Kiri, de ses mauvaises manières et de son mauvais goût. Tantôt ça marche (la série Kaboul Kitchen qu’il a cocréée), tantôt ça foire (Vilaine, son premier film faussement provoc). Rebelles se situe entre les deux, entre la mordante satire bête et méchante et le portrait à décharge convenu. Cécile de France, Yolande Moreau et Audrey Lamy y forment un trio d’ouvrières à l’origine de la mort accidentelle de leur patron harceleur – et accessoirement acoquiné à un petit truand local. Un sac bourré d’argent va leur causer bien des problèmes... Surfant sur la vague de l’empowerment, Rebelles atteint à moitié son but : ses héroïnes sont inégalement convaincantes (Moreau en mère de famille défourailleuse, bof...) tandis que les hommes sont bien entendu tous crétins.
Christophe Narbonne

MCQUEEN 
★★☆☆☆
De Ian Bonhôte & Peter Ettedgui

On l’appelait le hooligan de la mode. Et les bureaux feutrés parisiens de chez Givenchy résonnent encore de l’arrivée tonitruante de ce Zébulon de génie – nommé directeur artistique de la maison – et de son équipe de jeunes agités refusant d’entrer dans le moule. Ce doc raconte, avec une tonne d’archives inédites et de témoignages jamais réduits à la banale hagiographie, le destin hors norme d’Alexander McQueen, ce fils de famille modeste devenu une figure majeure du monde de la mode, si loin de sa condition sociale. Il explore son ascension hors du commun sans en masquer les faiblesses originelles, qui provoqueront la chute et la descente aux enfers du créateur, usé par ses addictions en tout genre. Un film passionnant qui aurait gagné à ne pas se perdre dans des passages esthétisants récurrents censés jouer avec l’univers de McQueen. Une coquetterie inutile.
Thierry Chèze

TERET 
★★☆☆☆
De Ognjen Cemerikic

En 1999, dans une Serbie encore en plein chaos, Vlada a retrouvé du travail comme chauffeur de camion. Obligé d’accepter des contrats sans être trop regardant, il se retrouve à transporter un mystérieux chargement du Kosovo à Belgrade en traversant des paysages marqués des stigmates de la guerre. Les portes arrière de son véhicule étant cadenassées, il ne saura rien de ce contenu... imaginant, sans doute à juste titre, le pire. Et tout ceci donne le la à une réalisation très maîtrisée jouant justement sur le hors-champ, sur ce danger qui peut surgir de n’importe qui et n’importe où dans ces terres hostiles. Cette mise en scène parvient à faire oublier qu’il se passe finalement peu de choses dans ce récit, dont le déséquilibre entre forme passionnante et fond quelque peu ennuyeux et répétitif, constitue le défaut majeur.
Thierry Chèze

MELTEM 
★★☆☆☆
De Basile Doganis

Accompagnée de deux potes, Elena, une jeune Française d’origine grecque, débarque sur l’île de Lesbos pour solder les comptes avec son passé. Sa mère est morte et son beau-père habite toujours dans la maison familiale qu’elle est déterminée à vendre. La rencontre avec un migrant syrien et sa relation ambiguë avec l’impétueux Nassim l’infléchiront-elles ? Ce premier film ambitieux sur le fond (moins sur la forme) part dans plein de directions (le deuil, l’héritage, l’amour, l’Europe, les migrants...) qu’il n’explore du coup qu’en surface. S’en dégage néanmoins une vraie sensibilité qui tente de capter l’indécision de cet âge des possibles qu’est la vingtaine.
Christophe Narbonne

 

PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ

DEPUIS MEDIAPART ★☆☆☆☆
De Naruna Kaplan de Macedo

Il est des films périssables. Ce documentaire en fait partie. Sous couvert de nous faire entrer dans les coulisses du site d’information Mediapart créé par Edwy Plenel, la réalisatrice Naruna Kaplan de Macedo nous refait le récit de la dernière élection présidentielle. Une élection dont la particularité est justement d’avoir épuisé toutes ses ressources : le Parti socialiste et Les Républicains à terre et atterrés, affaires à rebondissements, victoire du jeune outsider... Tout a été dit ou presque. En tout cas, ce film n’apporte rien de plus. Quid alors du sujet de départ ? Médiapart ressemble ici à une rédaction comme les autres, soumise à la temporalité étouffante du récit présidentiel. Un comble quand on sait la façon dont ce site brille justement par sa capacité à bousculer le journalisme en France.
Thomas Baurez

 

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Wall de Moran Ifergan

 

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La liste de Schindler de Steven Spielberg