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Ici, l’enjeu n’est pas la profusion de spectacles mais un spectacle unique, la création d’une pièce du répertoire dramatique, confiée chaque fois à un metteur en scène aguerri. Autant dire que depuis 26 ans que l’évènement existe, les murs du château ont entendu résonner les plus grands auteurs de notre patrimoine, assisté à un paquet d’intrigues, vu défiler des générations de spectateurs. Car la devise des Fêtes Nocturnes, si on devait la résumer, tiendrait en deux mots : Populaire et de qualité. Les spectacles à l’affiche sont le fruit de metteurs en scène triés sur le volet et attirent un public familial venu découvrir les lieux autant que l’œuvre interprétée.Les représentations se tiennent en effet dans un cadre exceptionnel, en plein air, devant la superbe façade du château et courent tout l’été depuis la fin du mois de juin jusqu’à la fin août. Shakespeare, Molière, Edmond Rostand, Tennessee Williams… ont résonné dans ce contexte sous les étoiles de Provence. Pour cette édition 2014, c’est un drame romantique qui est mis à l’honneur : Lucrèce Borgia de Victor Hugo, une pièce toute de monstres peuplée, de décadence et de crimes inaudibles.Aux manettes de ce drame flamboyant, entre romanesque historique et tragédie antique, le metteur en scène David Bobée qui a déjà fait ses preuves en territoire shakespearien avec un Hamlet et un Roméo et Juliette pleins de fougue et d’ardeur dans lesquels se mêlaient comédiens et artistes circassiens. Car le théâtre de David Bobée se nourrit de mélanges, de disciplines entrecroisées, intégrant dans sa matrice l’usage de la vidéo, dimension physique extrême (équilibres, acrobaties, danse…), images puissantes. Pour interpréter le rôle-titre de Lucrèce Borgia, il fait appel à Béatrice Dalle, actrice rompue au grand écran dont c’est ici la première expérience scénique. Une actrice sensuelle et vénéneuse à la palette de jeu remarquable qui se voit propulsée en un été sur le devant de la scène, premier rôle incandescent pour un personnage perclus d’ambiguïtés, bouleversant et terrifiant, entier et entêté. Une figure de femme redoutable et fatale, dans la lignée de Phèdre ou de Médée.David Bobée fait le choix d’un traitement de l’œuvre plus onirique et métaphorique que purement réaliste. Il imagine une scénographie loin de toute reconstitution où la volonté n’est pas de coller au décor de chaque scène mais d’en donner l’idée générale, une image en résonance. Ainsi, les comédiens évolueront sur un sol d’eau recouvrant tout le plateau. Espace de projections, d’ombres et de reflets, monde inversé, miroir traversé… L’heure est à la métaphore et au rêve. A la mythologie intemporelle et universelle. Au cauchemar cathartique.Par Marie PlantinLucrèce Borgia, c'est du 26 juin au 23 août au Château de Grignan (Drôme)