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Les films et séries d’espionnage ont encore de beaux jours devant eux. Tout comme les polars, les scénaristes emploient les bonnes ficelles pour adapter les intrigues à de nouveaux lieux, événements, époques et personnalités, quoique la palme du succès revienne toujours aux plus inventifs ou hardis.

Longtemps, le nec plus ultra du film d’espionnage aura été la série James Bond. Entre chic, gadgets et femmes, le réalisme n’a pas toujours été au rendez-vous chez l’espion le plus célèbre de Grande-Bretagne, c’est le moins que l’on puisse dire… Les opus les plus récents, avec force effets spéciaux, veulent s’inscrire dans des contextes plus terre à terre, mais avec tellement d’« éclat » que le spectateur sait très bien qu’il est emmené au plus loin de la réalité. Vu la réputation de James Bond et son aura, il serait difficile de faire autrement. Mais les œuvres d’espionnage sont-elles vraiment toutes aussi fantaisistes et condamnées à l’absence de réalisme ? C’est ce que nous allons tâcher de voir… !

Espionnage de fiction vs espionnage réel

Les espions façon 007 ne sont pas légion dans la vraie vie. Dans les textes de Xavier de Hauteclocque, on pourra peut-être trouver des personnalités en approchant au début du siècle dernier. Mais autant regarder les choses en face : c’est bien parce que les ficelles sont trop grosses que James Bond a donné naissance à tout un cinéma parodique autour de ce personnage emblématique. De certains Pierre Richard à Johnny English en passant par OSS 117 ou encore Austin Powers, les anti-Bond abondent (si vous nous permettez l’allitération) !

Et encore, ces succès cinématographiques datent d’une époque où les pays occidentaux qui consommaient presque exclusivement en masse le grand écran n’étaient pas encore au fait des attentats terroristes et de la lutte antiterroriste sur leur sol (ou si peu). L’actualité aidant, les spectateurs ne peuvent que chaque jour constater davantage le décalage qui existe souvent entre les cascades d’un James Bond et la filature d’un fiché S !

Il faut aussi avouer que les temps ont changé. Avec l’essor des nouvelles technologies et la toute-puissance de l’individualisme, une grande partie de l’espionnage peut se faire à distance. La réalité de l’espion contemporain, ce n’est pas le nœud papillon et le côté « forces spéciales » du célèbre James, mais la collaboration de différents techniciens anonymes – pour ne pas dire ternes. Difficile de faire du cinéma et de l’audience avec ce dernier matériau, on en conviendra aisément… Sigles incompréhensibles, formalités administratives ou juridiques que l’on suppose très bureaucratiques, ultra-spécialisation, manque récurrent de moyens humains et financiers : tout cela n’est pas très vendeur, c’est certain ! Et pas de quoi faire rêver les enfants, car être pompier c’est quand même beaucoup plus pimpant… Mais on remarquera la même chose dans des thématiques cinématographiques différentes du tout au tout : c’est ainsi qu’Indiana Jones n’a pas grand-chose à voir avec l’écrasante majorité des archéologues de nos universités !

Espionner au XXIe siècle, c’est procéder à la bonne vieille écoute téléphonique, à la pose de microphones comme du temps des Soviétiques (au mieux), ou encore surveiller les interactions sur le web. Aujourd’hui, l’application pour espionner un téléphone portable n’est plus un vain rêve : tout un chacun peut s’en procurer une, ne serait-ce que dans un but de contrôle parental ! Si l’échelle peut changer, les procédés restent à peu de choses près les mêmes.

Le réalisme n’est pas grand public

On trouve de tout et n’importe quoi sur Internet. Mais enfin, en tapant la requête « films d’espionnage » sur un moteur de recherche lambda (pas forcément Google), on ne sera guère surpris d’être mis en présence de différents tops 10, 20, 30, 50 ou 100 issus de plusieurs sites mais donnant des classements très similaires. On pourra en faire l’expérience avec des portails de référence comme L'Internaute ou bien AlloCiné.

Qu’en ressort-il ? Eh bien, une surreprésentation des James Bond et des différentes comédies parodiques tournant autour. Surnagent également quelques autres hits, comme Mission impossible, Red Sparrow, Atomic Blonde, La Vengeance dans la peau… On trouvera là aussi beaucoup de romanesque et d’action, mais peu de plausibilité, y compris quand le scénario s’appuie paradoxalement sur des faits réels ! Dans la plupart des cas, l’affiche seule permet de s’en rendre compte : la science-fiction semble parfois attendre derrière la porte. Indéniablement, ce sont les films d’espionnage « bourrins » qui font le plein d’entrées.

Spectre, le dernier 007 sorti en 2015 (Bond 25 est en préparation et prévu pour 2020), a coûté près de 300 millions de dollars côté production, mais il en a rapporté plus de 879 et demi dans le monde entier. Et encore, c’est inférieur aux gains estimés à 1,110 milliard de dollars pour le Skyfall lancé en 2012 ! Des chiffres qui ne cessent d’augmenter d’opus en opus, depuis les 59,5 millions de Dr. No en 1963…

Mais Hitchcock a tout de même des successeurs

Pour être juste, malgré la renommée mondiale et transgénérationnelle de 007, il convient de préciser que les films d’espionnage sont nés bien avant. L’un de leurs plus grands noms est sans aucun doute Alfred Hitchcock, qui tend malheureusement à être de plus en plus méconnu auprès des jeunes générations ne tolérant plus que difficilement les œuvres en noir et blanc. L’Homme qui en savait trop (1934) ouvre la série, jusqu’à Une femme disparaît en 1938 (si l’on omet les plus tardifs Les Enchaînés de 1946 et L’Étau de 1969). Agent secret et Quatre de l’espionnage sont encore deux autres titres qui en disent long, sans doute plus que Les 39 marches. Là, comme chez les réalisateurs de la même époque Alexander Butler, Anatole Litvak et Roy William Neill, entre autres, le souci du plausible est palpable à chaque minute (ou presque).

Aujourd’hui, les héritiers de ce premier cinéma d’espionnage réaliste sont de grandes personnalités, comme Steven Spielberg (pensez à Le Pont des espions sorti en 2015), Clint Eastwood (J. Edgar réalisé en 2011) ou encore Ben Affleck (Argo produit en 2012). Bien d’autres réalisateurs ont réussi à percer avec ce genre difficile à manier, comme Pierre Morel, Olivier Megaton, Anton Corbijn ou bien Matthew Vaughn. Depuis un siècle maintenant, ils sont nombreux à s’appuyer sur des faits réels (Chuck Barris a inspiré à George Clooney la Confession d’un homme dangereux en 2003, tandis que l’histoire de Robert Hanssen est reprise dans Agent double de Billy Ray en 2007). Ou alors sur des romans d’espionnage très réalistes, avec ici l’omniprésence de… John Le Carré bien sûr !

On pourra regretter que les cinéastes français soient encore peu présents sur le créneau des films d’espionnage réalistes, tandis que les productions françaises en relevant n’ont bien souvent eu qu’un succès restreint à l’international. Espérons qu’on nous fasse bientôt mentir !