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Un soldat est soigné dans un pensionnat de jeunes filles en pleine guerre de sécession. Un pitch parfait pour une nouvelle rêverie éthérée signée Sofia Coppola.

Une gamine sautille dans les bois, un panier à la main, à la cueillette des champignons. Elle n’a ni capuche sur la tête, ni ciré rouge sur le dos. Dans ce film, il faut s’y faire, les fillettes sont habillées en blanc. Tapi auprès d’un arbre, le loup y perd toute once de férocité. D’emblée, il semble docile, dompté, inoffensif. Il a le sourcil fourni, la barbe drue et le verbe doux de Colin Farrell. Il a surtout une fracture ouverte à la jambe. Mais dans le fond, il est plutôt bien tombé : la petite Amy aime faire des attelles aux oiseaux blessés. Les six autres filles du pensionnat où il va être soigné ne seront pas forcément aussi innocentes à son égard. Du loup au petit oiseau, c’est le programme de ce drôle de film.

Film de poche

A l’origine de ce projet, il y a le roman de Thomas Cullinan et un mini classique de 1971 avec Clint Eastwood déguisé en mère-grand, observant le ballet des demoiselles de son air gourmand, un rictus de salopard perpétuellement vissé sur le visage. En domestiquant la bête, Sofia Coppola s’éloigne du remake d’exploitation pour livrer un précipité épuré de son propre style. Que ce soit dans la banlieue résidentielle de Virgin Suicides, les hôtels de Somewhere et Lost in Translation, le Versailles de Marie-Antoinette, les baraques de stars de The Bling Ring, son œuvre est une succession de films de poche sur des jeunes femmes en chambres. Certains y décèlent une faiblesse, on préfère y voir l’une de ses principales séductions : l’étroitesse d’inspiration de la fille Coppola, son absence d’horizon, les limites de son spectre artistique, la façon dont elle tourne en rond comme elle ferait une révérence à son film-obsession (Picnic à Hanging Rock de Peter Weir) finissent par être entêtantes, enivrantes, irrésistiblement poétiques.
Film de rimes et de boucles, les Proies est aussi un film de bascule. Pour la première fois, l’homme y est envisagé sous l’angle de la prédation, une menace sexuelle, un frisson de danger, fût-ce d’abord pour lui-même. Pour la première fois, surtout, Sofia Coppola n’a pas fait un film de jeune fille, mais un film de femme. Elle a l’âge pour ça, bien sûr, mais cette évolution vient noircir son petit bout de lorgnette, sa manière, en passe de se transformer en œuvre, en exploration, en perspective. Une maison, sept femmes, un homme à leur merci. Rien de plus, rien de moins. Mais beaucoup de possibilités.