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Bruno Dumont (P'tit Quinquin) revient avec une comédie musicale étonnante.

Nouvelle étape du chemin (de croix) régressif de Bruno Dumont. Avec ce drôle d’objet qui tente le grand écart entre la geste bressonienne, l’avant-garde théâtrale et le musical noise, le cinéaste signe un film qui laisse plus que sceptique mais a le mérite d’être totalement fou. Dumont adapte deux textes de Charles Péguy avec l’idée de porter à ébullition les contradictions du poète maudit. De quoi s’agit-il ? De monologues torrentiels qui réécrivent le Nouveau Testament en le mêlant aux malheurs de son temps, et traduisent les tourments de la pucelle. Comme ce serait un peu aride, que ça ne peut pas suffire, le texte est chanté (mis en musique par Igorrr) et dansé (Decouflé aux chorégraphies). Premier constat, la puissance du cinéaste est intacte et son sens des plans à couper le souffle toujours là. L’ennui, c’est que son chaos organisé, sa fusion des styles (primitivismes et maniérisme pompier), ses dérapages (le berger qui rappe, les acteurs amateurs, les spiderwalks) oscillent entre le grotesque et le beau bizarre (superbes éclairages de Guillaume Deffontaines).

On regrette un peu que tout cela finisse par cacher la mélodie sublime de Peguy qui devient  inaudible. Ses phrases hallucinées, chacune venant prendre sa respiration dans la précédente pour en épuiser la substance, sont neutralisées par les délires zinzins du cinéaste. C’est que le projet est littéralement de donner corps à la transformation de Jeanne, de montrer comme la gamine devient physiquement sainte et guerrière. D’où l’usage du chant et de la danse, qui accompagnent le bouleversement personnelle de l’héroïne. Dumont joue avec les codes, les styles, le jeu. Il distille sa vision folle sur le catholicisme (l’appel Divin n’a ici aucune source et aucun fondement et les élans religieux de l’enfant sont ponctués par des bêlements moqueurs) ainsi que sur le personnage de Jeanne (jamais ancrée dans un patriotisme la pucelle de Dumont n’est pas une héroïne nationaliste et elle évolue dans un pays imaginaire). Drôle de film, oui, jamais satisfaisant, toujours stimulant, mais parfois épuisant à regarder et entendre…  

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