Le directeur de la photographie Gordon Willis est décédé hier, dimanche 18 mai, à l'âge de 82 ans. Et c'est une partie du cinéma américain des années 70 -donc de l'histoire du cinéma- qui s'en va. Willis est en effet connu pour avoir éclairé avec un génie hallucinant Le Parrain (1972), jouant sur les ombres et la sous-exposition avec un art consommé, profitant de la période des années 40-50 dans laquelle se situe le chef-d'oeuvre de de Francis Ford Coppola. Pur new-yorkais (il naît dans le Queens en 1931 et se forme à la photo dans le Greenwich Village), il apprend le métier de caméraman au service photographique de l'armée pendant son service en pleine Guerre de Corée. Il rentre à New York et travaille dans la pub où il apprend le sens de l'épure, du minimalisme, de l'efficacité. Il manie la caméra lors du concert des beatles en 1966 au Shea Stadium, mais ne tournera son premier film (End of the road) qu'en 1970. L'année suivante c'est le polar poisseux Klute avec Donald Sutherland. Et après c'est Le Parrain et sa photo sublime. Willis était lancé.Il éclairera toute la trilogie du Parrain ainsi que Les Hommes du Président avec Robert Redford et Dustin Hoffman, fixant pour de bon avec ce film -et le scandale du Watergate- l'esthétique et l'apparence des Etats-Unis des années 70's. Mais c'est avec Woody Allen qu'il aura la meilleure relation, puisqu'il shootera neuf de ses films : Annie Hall, Intérieurs, Manhattan, Annie Hall, Stardust Memories, Comédie érotique d'une nuit d'été, Zelig, Broadway Danny Rose et La Rose pourpre du Caire. Les noirs et blancs de Manhattan sont, à ce titre, inoubliables.Il ne réalisera qu'un seul film sous son nom, le thriller vaguement hitchcockien Fenêtre sur New York avec Talia Shire, un ilm qu'il regrettait. Les films sur lesquels il a travaillé ont récolté 19 Oscars, dont trois Meilleurs films : par contre, Gordon n'a été nommé que deux fois à l'Oscar de la Meilleure photo (pour Zelig et Le Parrain 3) et n'a jamais remporté la statuette. Il reçut un Oscar honoraire pour l'ensemble de sa carrière en 2010. Il avait pris sa retraite après Ennemis rapprochés en 1997.