Guide du 26 février 2020
Orange Studio Cinéma-UGC Distribution / Le Pacte / Bac Films

Ce qu’il faut voir cette semaine.

L’ÉVENEMENT

DARK WATERS ★★★★☆
De Todd Haynes

L’essentiel
Todd Haynes s’empare des codes du cinéma de dénonciation pour mieux traquer l’âme éternelle de l’Amérique, avant sa corruption par le capitalisme sauvage.
 

Où est Todd Haynes dans Dark Waters? A priori, on pourrait penser que ce projet-là n’était pas forcément pour lui. Haynes, normalement, s’amuse à raconter l’histoire des pop stars avec des poupées (Superstar : the Karen Carpenter Story), célèbre les idoles des marges (Rimbaud, Bowie, Bob Dylan), modernise les codes surannés des grands mélos d’hier (Loin du paradisMildred PierceCarol…). On ne l’attendait pas sur le terrain du thriller parano « d’après une histoire vraie », du portrait de lanceur d’alerte écolo, le genre de film « Dossier de l’écran » qui s’adresse moins à notre sensibilité de cinéphile fétichiste qu’à notre conscience de spectateur citoyen.
Frédéric Foubert

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PREMIÈRE A AIMÉ

MINE DE RIEN ★★★☆☆
De Mathias Mekluz

Il y a du Full Monty dans ce Mine de rien ! Un parti pris d’ailleurs totalement assumé à travers un joli clin d’oeil où les chômeurs font la queue à la banque postale pour retirer le maigre argent qu’ils espèrent percevoir. Avec son premier film, Mathias Mlekuz démontre que la comédie sociale n’est pas l’apanage des seuls Britanniques.
Sophie Benamon

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MES JOURS DE GLOIRE ★★★☆☆

D’Antoine de Bary

Qu’est-ce qui ressemble le plus à un « Lacoste movie » qu’un autre « Lacoste movie » ? Depuis l’inaugural Les Beaux Gosses, Vincent Lacoste trimballe son je-m’en-foutisme naturel de film en film, créant pour l’occasion un vrai personnage de cinéma, une sorte de double sympatoche, qui évoque les héros aussi attachants qu’irritants, en tout cas profondément humains, joués par Jean-Pierre Léaud.
Christophe Narbonne

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JUDY ★★★☆☆
De Rupert Goold

C’est le rôle d’une vie. Pour Renée Zellweger, actrice acidulée des années 90 qui explosa en « girl next door » très british, interpréter Judy Garland relève du miracle. Il aura fallu que la comédienne ravage son visage à coups de bistouri puis vive une traversée du désert infernale à l’aube de ses 40 ans pour que son cuir se tanne du vélin dont sont faites les grandes actrices. Tels sont souvent les destins de cinéma. C’est donc à une Renée Zellweger en phase terminale de starification que Rupert Goold, metteur en scène de théâtre britannique réputé, pense pour interpréter Judy Garland en fin de carrière.

Sophie Benamon

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CYRILLE, AGRICULTEUR, 30 ANS, 20 VACHES, DU LAIT, DU BEURRE, DES DETTES ★★★☆☆
De Rodolphe Marconi

Le titre renvoie à Michel Foucault et René Allio, mais Cyrille n’est pas Pierre Rivière et n’a pas assassiné sa famille. C’est même tout l’inverse. Son combat à lui, c’est de maintenir debout la ferme familiale, une petite exploitation trop fragile donc peu compatible avec un monde agricole où seuls les plus forts survivent. Rodolphe Marconi (Lagerfeld confidentiel) a rencontré Cyrille par hasard sur une plage. Le jeune homme hésitait alors à se mettre à l’eau. Ils ont fait connaissance, de là est née l’idée d’un portrait. On le sait depuis – au moins – le succès de Petit Paysan, le monde agricole et ses souffrances peuvent « faire cinéma ». Pas de westerns façon US, non, plutôt des drames sociaux en forme de chronique d’une mort annoncée (Au nom de la terre). Là où ce documentaire est passionnant, c’est dans sa façon de filmer avant tout un personnage, de ne s’intéresser qu’à lui, d’accompagner ses gestes, ses désirs (que l’on devine à la fausse dérobée sur son écran de portable le soir avant de s’endormir), ses combats personnels... Se dessine un jeune homme, engagé volontaire dans une sorte de fuite en avant. La vie accable et broie. Cyrille semble avoir oublié qu’un choix était possible. Quand Marconi l’a rencontré hésitant à se mouiller complètement, c’est peut-être ça qu’il a senti, cette fragilité intérieure qui empêche de s’accomplir. Cyrille se lève à l’aube, s’occupe de ses vaches. Il sait, au fond, que tout ça est éphémère mais il s’accroche. C’est beau, touchant. Cyrille est agriculteur, ça fait de lui un homme solitaire.
Thomas Baurez

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ

INVISIBLE MAN★★☆☆☆
De Leigh Whannell


Universal ayant, depuis le flop de La Momie, tiré un trait sur le projet « Dark Universe » (un univers partagé de monstres de légende), le projet de reboot de L’Homme Invisible avec Johnny Depp, enterré dans la foulée, renaît aujourd’hui de ses cendres sous pavillon Blumhouse. L’angle d’attaque ? Une modernisation post-MeToo, sans doute un rien opportuniste (Jason Blum a récemment été critiqué pour ses propos hasardeux sur le manque d’appétence des réalisatrices pour le cinéma d’horreur) mais pas idiote du tout dans son propos. 
Frédéric Foubert

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LARA JENKINS ★★☆☆☆
De Jan-Ole Gerster

Pour Lara Jenkins, cette journée devait être le plus beau cadeau de ses 60 ans : son fils Viktor va donner le premier concert de sa vie. Sauf que Viktor ne répond plus à ses appels et qu’elle n’a pas été conviée au spectacle. On comprend vite pourquoi : la réussite de sa progéniture la renvoie à son propre échec –elle qui a choisi de renoncer à la musique dans sa jeunesse, certaine de ne pas avoir le niveau adéquat– et va faire remonter tous ses traumatismes, sa haine envers elle-même et par ricochet envers les autres. Jan-Ole Gerster fait ici preuve de la même maîtrise dans la conduite de son récit que dans Oh Boy (lui aussi circonscrit à une seule journée), qui l’a révélé en 2012, mais sans pour autant confirmer les espoirs placés en lui. Car le fait de donner à vivre cette histoire dans la tête d’une héroïne à ce point glaciale crée une distance émotionnelle qu’il se montre incapable de briser.
Thierry Cheze

LA DANSE DU SERPENT 
★★☆☆☆
De Sofia Quiros Ubeda

Rebaptisé La Danse du serpent depuis sa présentation à la Semaine de la critique (sous le titre moins engageant de Cendre noire), ce premier long costaricien nous entraîne sur les pas de Selva, 13 ans, orpheline, qui vit avec son grand-père et l’amie de celui-ci. La disparition inexpliquée de cette dernière, conjuguée à la faiblesse grandissante de l’aïeul, va amener Selva à s’interroger sur « l’après ». Les scènes initiatiques et ésotériques se mêlent de façon maladroite dans ce film-collage scolaire, qui semble étudié pour répondre aux canons du cinéma d’auteur défendu par les festivals internationaux. Une pointe de panthéisme par-ci, un soupçon de chamanisme par-là, quelques tubes pop pour jurer et vous obtenez... de la poudre aux yeux. Attention, ça peut faire illusion ! 
Christophe Narbonne

2040 
★★☆☆☆
De Damon Gameau

Deux ans après le documentaire Sugarland, cousin australien de Super size me dans lequel il décrivait le pourquoi du comment de l’omniprésence du sucre dans notre alimentation, Damon Gameau propose dans son nouveau docu de réfléchir à l’avenir de notre planète dans vingt ans. La bonne idée est de ne pas se contenter d’un énième inventaire à la Prévert des constats alarmistes, mais de se projeter dans les solutions possibles, à travers des cas concrets. Soit... un petit frère australien de Demain de Mélanie Laurent et Cyril Dion, qui développait le même concept. Gameau le fait ici dans une ambiance plus pop mais en ayant tendance à un peu trop prendre la lumière. Dommage car ce temps passé à se mettre en scène aurait pu être utilisé plus efficacement, dans l’échange avec des experts ou des contradicteurs qui aurait permis d’expliquer si ces solutions locales peuvent devenir globales et comment.
Thierry Cheze

 

PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ

LUCKY ★☆☆☆☆
D’Olivier Van Hoofstadt

On attendait forcément avec impatience le retour à la comédie, quatorze ans plus tard, du réalisateur de Dikkenek. Mais si Lucky débarque avec la pression de ne pas décevoir, ses premières minutes se révèlent rassurantes : on découvre une nouvelle galerie de bras cassés, promesse de fous rires à venir. L’ensemble tient certes de la compilation de mini-sketchs mais l’humeur et l’humour répondent présents. Puis, le film se concentre sur une intrigue en particulier –deux potes sans le sou volent un chien de la brigade des stups pour dénicher des substances à dealer– et laisse en plan tout un tas de personnages qui n’auront donc eu que quelques scènes pour exister. À partir de là, le récit patine, les situations attendues s’enchaînent, les gags tombent à plat et les comédiens sont poussés à forcer le trait pour arracher des rires. Sans doute l’attente était trop forte. 
Thierry Cheze

L’ÉTAT SAUVAGE 
★☆☆☆☆
De David Perrault

David Perrault nous avait particulièrement impressionnés avec son premier film, Nos héros sont morts ce soir. Le voir se lancer dans un néo-western d’époque au casting majoritairement féminin faisait envie. D’autant que le film révèle un pan méconnu de l’histoire des États-Unis : la fuite des colons français pendant la guerre de Sécession. Le début est à la fois énergique et mystérieux, mais le film se perd vite sur la longue piste que traversent les héroïnes. Lorgnant vers Kelly Reichardt et le style très beckettien de La Dernière PisteL’État sauvage ne parvient jamais vraiment à combler les failles de son scénario qui mêle fantastique et thriller sans nous convaincre. L’intrigue pâtit de dialogues assez plats qui viennent même gâcher les scènes clés les plus prometteuses comme celle du passage de la diligence au-dessus de la falaise. Quel dommage !
Sophie Benamon


CHUT ! ★☆☆☆☆
De Alain Guillon & Philippe Worms

C’est dans la bibliothèque de Montreuil (Seine-Saint-Denis), qu’Alain Guillon a planté ses caméras pendant près d’une année. Ici défile la ville, de ses enfants à ses seniors. Très vite, le film se concentre sur les populations issues de l’immigration inscrites aux actions de la formidable équipe de documentalistes qui tente de faire de ce lieu un creuset pour favoriser l’intégration. Les efforts pour aller vers certaines populations sont immenses. L’intention à l’origine de la mise en chantier de ce documentaire est louable, mais l’ensemble laisse vite perplexe. Assez vite, les séquences s’étirent en longueur. Et, plus largement, le film flotte en permanence entre les paroles des équipes et les regards fuyants des usagers, puis s’arrête comme il a commencé... sur de la danse. 
Sophie Benamon

LE FILS D’UN ROI 
★☆☆☆☆
De Cheyenne Carron

Un professeur parle de Révolution française à ses élèves, le ton monte un peu. Il y a Elias, marocain d’origine, qui croit aux vertus de la monarchie. Cela intrigue Kevin. Les deux garçons vont faire un bout de chemin ensemble, le temps d’un exposé sur la question. Un roi c’est un modèle, un guide pour le peuple. La France en manquerait dit Elias. Kevin suit. La réalisatrice Cheyenne Carron, cinéaste franc-tireur et guérilla (ÉcorchésLa Morsure des dieux...) tente de manière didactique d’épuiser la question en confrontant ses personnages à un quotidien qui viendrait (ou pas) appuyer leurs conclusions. Si la mise en scène plate et sans inspiration a le mérite de la simplicité, difficile de ne pas sombrer sous ce déluge de bavardages plus ou moins inspirés. On n’en sort pas forcément plus éclairé. 
Thomas Baurez

JUSTE SAM 
☆☆☆☆☆
De Sabrina Nouchi

Auteure-actrice et réalisatrice de son premier long métrage, Sabrina Nouchi a eu la main lourde. Elle fait de son héroïne, Sam, une ex-enfant de la DDASS qui « gagne » sa vie en braquant des types mariés –forcément friqués– qu’elle a préalablement séduits. Débarque soudain dans sa vie Julie, une autre jeune femme sexy qui va décider de suivre Sam dans ses actions d’éclat. En parallèle, l’ombre de la mère naturelle de Sam pèse sur le coeur et l’âme de nos filles desperados... La référence à Baise-moiest écrasante. Sabrina Nouchi n’est cependant pas Virginie Despentes et, au lieu d’un film-manifeste, provoc et punk, elle tire son histoire vers le mélo le plus chargé et plat qui soit. De l’interprétation, inégale, au montage, approximatif (ah les scènes de transition meublées par la musique), tout sonne, hélas, faux.
Christophe Narbonne

 

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