Casque d'or Jacques Becker
StudioCanal/Les Acacias/Robert et Raymond Hakim

Le chef d’œuvre de Jacques Becker est diffusé ce soir sur France 5 dans « Place au cinéma ».

Le chef d’œuvre de Jacques Becker est au programme ce soir de « Place au cinéma » sur France 5, présenté par Dominique Besnehard. Un film au destin agité mais passé, depuis sa sortie en 1952, à la postérité.

Un projet ancien

Casque d’Or est librement inspiré de l’histoire vraie d’une prostituée (surnommée ainsi pour son étincelante chevelure blonde), Amélie Alu, pour le cœur de laquelle deux hommes se sont affrontés à la fin du 19ème siècle. Julien Duvivier eut le premier l’idée de porter ce récit à l’écran avant la seconde guerre mondiale avec Jean Gabin dans le rôle de Manda, ce charpentier dont Casque d’Or tombe éperdument amoureuse (incarné au final par Serge Reggiani). Mais le projet tombe à l’eau. En 1946, son producteur propose alors à Jacques Becker de le reprendre. Mais apprenant la nouvelle, Duvivier s’interpose et tente à nouveau de le mettre en scène lui- même. Sans plus de succès. Yves Allégret et Henri- Georges Clouzot s’y intéressent à leur tour avant de jeter, eux aussi, l’éponge. C’est alors que Becker s’en empare de nouveau et remanie le scénario en l’épurant pour rentrer dans les clous du budget.

Un rôle clé pour Simone Signoret

Avant Casque d’Or, Simone Signoret avait déjà tenu plusieurs rôles majeurs à l’écran, de Dédée d’Anvers à Manèges (de son mari d’alors Yves Allégret) en passant par La ronde de Max Ophüls. Mais ce personnage de prostituée sera pour elle un « game changer », celui qui lui vaut sa première récompense hors de nos frontières avec le BAFTA – l’équivalent des César en Grande-Bretagne – de la meilleure actrice étrangère, décroché face à Katherine Hepburn. Et pourtant Simone Signoret a bien failli ne jamais incarner Casque d’Or. Tout à son amour pour Yves Montand qu’elle venait de rencontrer, elle commença par décliner la proposition de Becker pour rester auprès de lui. Mais, malin, Becker lui glissa dans la conversation les deux comédiennes qu’il pressentait pour la remplacer. Et dès le lendemain, elle revenait sur sa décision…

PHOTOS - Simone Signoret : La TV rend hommage à Casque d'or 25 ans après sa disparition

Une sortie en salles mouvementée

Avant de sortir en salles, Casque d’Or a dû faire face à quelques désagréments. D’abord une demande de la Commission de censure de l’amputer d’une poignée de plans d’échafaud. Becker réussit à gagner son bras de fer même si le temps que la décision de réintégrer les fameux plans soit prise lui a coûté sa participation au festival de Cannes. Mais Becker n’en avait pas fini de son parcours du combattant puisque son film fut ensuite mis sous séquestre le temps du procès intenté par le mari de la véritable Casque d’Or, estimant que celui- ci portait atteinte à la mémoire de cette femme, disparue en 1933. Et ce n’est qu’une fois le procès gagné que Casque d’or put sortir en salles le 12 mars 1952

Un film à l’échec retentissant

Jacques Becker n’en était pas pour autant au bout de ses mauvaises surprises. Mal accueilli par la critique, il fut tout autant boudé par le public. Et dût se contenter d’1 917 248 entrées. Un score plus que correct en apparence mais à mille lieux des gros cartons en salles de cette année 1952 en France : les 12 millions du Petit monde de Don Camillo, les 6,7 millions de Fanfan la Tulipe, les 6 millions des Feux de la rampe, les 5 millions de Jeux interdits ou les 3,5 millions de L’homme tranquille. Et pour Becker, Casque d’or restera l’échec le plus douloureux de toute sa carrière qui s’achèvera en 1960 avec un autre chef d’œuvre, Le trou.

Un film qui a traversé le temps

Heureusement pour Casque d’Or, le temps a fait son œuvre et il est aujourd’hui considéré comme un des plus grands films de l’histoire du cinéma français. Le parfait trait d’union entre le classicisme poétique du cinéma d’avant- guerre et la modernité effervescente de la Nouvelle Vague à venir. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ses membres, Truffaut en tête, le célébrèrent alors qu’ils passaient leur temps, dans les années 50 à démolir nombre de réalisateurs français de l’époque.