Bérénice Bejo et Cédric Kahn sont incroyables dans L'Economie du couple
Le Pacte

Le film de Joachim Lafosse nous fait pleurer avec Bella de Maître Gims.

Présenté à la Quinzaine des réalisateurs en 2016, L'Economie du couple avait ému Première. Ce drame revient ce soir sur Arte.

Cannes 2016 : Cédric Kahn : "c'était imprévu de faire l'acteur"

Les Anglais appellent ce genre de film kitchen sink, "évier de cuisine". Des drames prolos-familiaux frontaux et socialement réalistes, coincés entre quatre murs. Le terme semble s'appliquer parfaitement à L'Economie du couple puisque le nouveau film de Joachim Lafosse -présenté à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes 2016- se passe quasi entièrement dans un appartement dont la cuisine est l'élément central (voilà pour la kitchen) et qu'il décrit la dernière partie du naufrage (sink) d'un couple. Voilà donc Marie, Boris et leurs filles jumelles, coincés dans un appartement en attendant que Boris se barre mais une sombre histoire d'argent reste à régler. Tout résonne très fortement avec le vécu des spectateurs : les engueulades pour le quotidien, les petites et mesquines manipulations, les crises, les gênes. Et lorsque les crises arrivent on ne peut que louer l'immense talent de Bérénice Bejo et Cédric Kahn, qui ne tombent jamais dans l'hystérie, l'émotion facile de l'acteur en roue libre. Ici des silences, des petits gestes à la place des cris et des hurlements -oh, il y en a, mais quand ils arrivent ce n'est pas par facilité, par paresse, mais bien par justesse.

Whou-ouh-ouh Bella
Après deux films qui partaient de faits divers (A perdre la raison, Les Chevaliers blancs) pour finalement raconter tout autre chose, Lafosse abandonne dans L'Economie du couple la narration classique, la structure début-milieu-fin, la pseudo-nécessité d'une introduction ou d'une conclusion. L'idée est d'être le plus fidèlement réaliste et émouvant possible, sans mélo ni pathos : c'est gagné. Chaque scène immensément étirée explore la fin du couple dans toutes ses nuances, et le climax intervient lors d'une scène de danse déchirante sur Bella de Maître Gims (et ouais) qui fait monter les larmes aux yeux et touche l'indicible émotion de la fin de l'amour. A la fin de L'Economie du couple (titre un peu trompeur : Lafosse ne cherche pas à exprimer une universalité avec la relation Marie/Boris), quand le drame éclate, c'est là qu'il prend de la distance et abandonne ses personnages à leurs haines et amours. On pourrait presque lui en vouloir.

Sylvestre Picard