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Conte SF post-apocalyptique visuellement somptueux raconté du point de vue d'une gamine de 6 ans, Les Bêtes du Sud sauvage a fait sensation dans tous les festivals où il est passé. Benh Zeitlin explique comment La Nouvelle-Orléans lui a inspiré ce premier film, petite merveille produite avec rien si ce n'est de la passion et un supplément d'âme.Qu’est-ce qui vous a attiré à La Nouvelle-Orléans ?Je suis arrivé là-bas en 2006, huit mois après le passage de l’ouragan Katrina. Je voyageais à la recherche de décors pour réaliser mon court métrage Glory at Sea. J’y suis allé seul, sans équipe, car je voulais tourner très vite. Peu à peu, les gens se sont naturellement rassemblés autour du projet, formant une communauté. Le film, qui devait durer 5 minutes, s’est alors transformé en une épopée de 25 minutes. J’y ai finalement englouti toutes mes économies. Mais en le réalisant, je me suis constitué une famille d’une quarantaine de personnes. Je rêvais de travailler dans ces conditions et c’est à La Nouvelle-Orléans que je les ai trouvées. Du coup, je ne suis pas rentré à New York...Comment est né Les Bêtes du Sud sauvage ?J’avais commencé à écrire le scénario d’un autre long métrage, dans lequel les membres d’une communauté cherchaient à préserver leur habitat, situé là où la terre tombe dans le golfe du Mexique. En même temps, je travaillais à l’adaptation d’une pièce de mon amie Lucy Alibar. Or je me suis rendu compte que les deux projets racontaient un peu la même chose. Une histoire parlait d’une collectivité qui perd son territoire ; l’autre, d’une enfant qui perd ses parents. Du coup, j’ai assemblé les deux récits et réécrit le script avec Lucy, pour veiller à ce que sa pièce fonctionne dans un contexte différent.D’où vient cette magie dans laquelle baigne le film ?Les Bêtes du Sud sauvage puise dans une tradition culturelle de la Louisiane du sud, même s’il ne s’agit pas spécifiquement de vaudou. Il règne à La Nouvelle- Orléans une énergie qui peut paraître sombre et effrayante, tout en étant profondément stimulante. Les fantômes sont omniprésents, mais dans un sens positif : ils contribuent en effet à rapprocher le passé du présent. Là-bas, la mort n’est jamais très loin car l’eau menace de submerger cet endroit à tout moment.Comment envisagez-vous le travail en équipe ?Avant de diriger mes propres films, je n’avais bossé qu’une seule fois sur un plateau de cinéma. Une expérience atroce. La hiérarchie très marquée qui régissait le tournage étaità l’opposé de ma conception du travail. Je crois profondément en la collaboration. Chaque contributeur a la possibilité de s’exprimer sans devoir se conformer exclusivement à ma vision. Par exemple, le bateau que vous voyez dans le film est l’oeuvre d’un groupe d’artistes et la cabane a été bâtie par ma soeur, qui y a vécu pendant sa construction. La même démarche a été appliquée à chacune des étapes de la production. J’espère très sincèrement que les projets individuels des membres de l’équipe révèlent tout l’amour et lesoin qu’ils y ont apporté. Car les créateurs sans passion produisent des objets sans âme.Propos recueillis par Gérard Delorme La critique des Bêtes du Sud sauvage