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L'histoire secrète de Snake Plissken

Un justicier dans la ville

A l'origine, l'idée de Plissken est plus ancienne. Sous l'ère Nixon, John Carpenter avait rédigé un script, après avoir vu Un Justicier dans la Ville de Michael Winner : le cinéaste, alors en train de compléter son film d'étudiant Dark Star, et d'essayer de gagner sa vie en tant que scénariste, avait imaginé Manhattan transformée en ville-prison du futur contrôlée par les malfrats, et l'avion du président s'écrasant dedans. Autre source d'inspiration, le roman de Roger Zelazny <em>Damnation Alley</em> (adapté au cinéma sous le titre Les Survivants de la fin du monde, aussi sorti en 1977, qui se révèle être la véritable année d'inception de <em>New York 1997</em>) dans lequel un prisonnier, là-aussi se voit offrir une grâce présidentielle en échange d'une mission. Deux sources qui amènent à Carpenter les dernières pièces du puzzle créatif, et principalement son contexte géo-politique : le monde a changé après la troisième guerre mondiale, et des échanges nucléaires avec la Russie, des gaz toxiques, ont rendu la population cinglée et cannibale (les fameux "crazies" vivant dans les égouts), justifiant la transformation d'un New York dévasté, en prison pour la totalité du pays. 

De Mad Max à Snake Plissken

Malheureusement pour Carpenter, en 1977/1978, le public et les exécutifs des studios se gargarisent du succès d'un film de SF d'un style très différent : <em>La Guerre des Etoiles</em>. Jugée trop nihiliste et sombre, une première ébauche de <em>Escape From New York</em> est rejetée par tous les studios. Le cinéaste range alors son projet dans un tiroir, et poursuit sa carrière en tournant Halloween (1978), le téléfilm <em>Meurtre au 43e étage</em>, (<em>Someone's Watching Me !</em>, 1978), puis le téléfilm <em>Elvis</em> (1979), qui marque sa première collaboration avec l'acteur Kurt Russell. La même année, Russell se rend en Australie pour la promo d'<em>Elvis</em>. C'est là, que le projet va vraiment prendre son envol par la faute involontaire d'un excentrique homme moustachu qui aborde Kurt Russell.<em> "Ce gars est arrivé, qui disait être un dentiste, ou un docteur"</em> expliquait la star dans une interview récente au magazine Empire, <em>"et il commence à me saouler en me parlant de son long-métrage. Je présume qu'il est producteur, et il insiste lourdement pour me le montrer. Je suis très embarrassé et je ne réussis pas à lui dire non. La minute d'après, il m'embarque, je suis dans sa voiture, et nous partons en direction de sa maison pour voir le film. Sur place, il met une VHS dans le lecteur, le générique arrive, et là, son nom apparait à l'écran, et je comprend qu'il est aussi le réalisateur.</em> Je comprends surtout que maintenant je suis coincé, et que je vais devoir me taper le film en entier ! Et puis, trois minutes après le début de Mad Max, je me tourne vers George Miller et je hurle "Enfoiré ! C'est GÉNIAL !". (rires) Je suis revenu en courant voir John (Carpenter) et lui dit "je sais ce que nous devrions faire ensuite". Et John me répond "J'ai justement un script qui traine..."Pendant que George Miller, prépare <em>Mad Max 2</em>, Carpenter réécrit quatre versions du script de <em>New York 1997</em> avec son complice Nick Castle, et monte le projet avec le studio AVCO Embassy pour 6 millions de dollars, imposant Kurt Russell dans le rôle, contre l'avis des exécutifs qui auraient plutôt vu Tommy Lee Jones et Charles Bronson à sa place. (Des concepts arts circulent toujours, où Snake ne ressemble d'ailleurs absolument pas à Kurt, mais plutôt à Charles Bronson !).

Le Snake est lâché

 New York 1997 sort sur les écrans du monde entier en 1981, six mois avant Mad Max 2, suivis de la VHS l'année d'après, et Snake Plissken devient une icone instantanée pour des millions d'adolescents. Son bras d?honneur final à l'autorité (Snake remplace la K7 dont dépend le futur de la race humaine par un enregistrement de Bandstand Boogie, ridiculisant le Président des Etats-Unis sur les TV du monde entier), et son attitude je m'en foutiste (<em>"Le Président de quoi ?"</em>), sont du jamais vu sur grand écran. Le look délicieusement rétro-punk militaire du personnage principal, les uniformes mussoliniens des flics, la bande son synthétique avec boites à rythmes métronomiques, l'écran cinémascope brillamment photographié par Dean Cundey, les prestations d'Ernest Borgnine (Cabbie), Isaac Hayes (le Duke), Adrienne Barbeau (Maggie), et Harry Dean Stanton (Brain), les effets spéciaux miniatures dirigés par un débutant nommé... James Cameron (!), l'atmosphère film noir (la quasi-totalité du film se déroule de nuit), les dialogues à l'emporte pièce (<em>"Je te croyais mort, Snake !"</em>), absolument tout dans le film respire le culte. Un signe qui ne trompe pas : dans les années qui suivent, <em>New York 1997</em>, avec <em>Mad Max 1</em> & <em>2</em>, provoque une avalanche de copies dérivées italiennes, toutes plus fauchées les unes que les autres. Sa réputation grandissant en même tant que l'expansion du parc de la VHS, il est bientôt temps de songer à une suite que le public et les critiques la réclame à corps et à cris : Kurt Russell ne peut en effet désormais plus faire la promotion d'un nouveau film, sans que la question lui soit posée !

Escape From LA, le premier script

John Carpenter commandite donc en 1985 au scénariste de la série TV <em>The Equalizer</em>, Coleman Luck, le scénario de <em>Escape From L.A.</em> C'est le premier scénario avorté autour du personnage. Ce ne sera pas le dernier. Coleman Luck a rédigé non pas une suite, mais un prequel complètement cinglé qui se déroule en 1995. Après qu'un virus, réagissant à l'huile de bronzage la plus vendue à L.A., a fait basculer la quasi-totalité de la population locale dans l'ultra-démence et l'ultra-violence, un tremblement de terre sépare la ville du reste des Etats-Unis. L.A. devient un asile d'aliéné permanent pour les criminels malades. Arrêté à Las Vegas, alors qu'il joue à un jeu cruel nommé "bet your body parts" (littéralement, "pariez des parties de votre corps" !), Snake est parachuté par Bob Hauk dans la Cité des Anges pour détruire une arme militaire top secrète. Il n'a que 48 heures pour accomplir sa mission et arriver à Disney World, délai passé lequel il sera coincé à L.A. pour toujours. Snake, qui est devenu une star à cause de ses exploits criminels capturés par des caméras de surveillance ("je t'ai vu en video" est ici l'équivalent de "je te croyais mort" dans le premier film), est pourchassé par la population entière, après une demande téléphonique d'un spectateur aux infos. Les journaux TV sont en effet "à la demande", et il suffit d'appeler et demander à voir par exemple le crash d'un avion, pour que l'équipe de journalistes le provoque de toute pièces ! Guidé par une bimbo nommée Blandish Vox, dont le QI est aussi élevé que son jeune âge, Snake rencontre, après plusieurs péripéties, deux anciens membres de son unité des forces spéciales, les Black Light, qu'il croyait avoir laissés pour mort en Sibérie : Johnny Lorder et Largan. Le scénario en dévoile un peu plus sur Leningrad : on apprend que Plissken aurait marché 2000 miles en sibérie pour rejoindre les lignes américaines, et qu'il aurait perdu son oeil à cause d'une femme en s'auto-mutilant façon Van Gogh. Les larmes n'auraient pas été suffisantes, et il aurait eu besoin de verser du sang...A Disneyworld, Snake fini par trouver le méchant du film, Oral Turnwheel, un pacifiste habillé comme Gandhi qui fabrique des armes expérimentales pour le compte des Etats Unis, et est devenu incontrôlable.  L'arme secrète après laquelle court Plissken est une procédure permettant de fabriquer des clones supérieurs aux originaux, complets avec ou sans leur mémoire. Turnwheel a ainsi dupliqué plusieurs des compagnons morts de l'escadron Black Light de Snake Plissken, y compris Snake Plissken lui-même, qui doit lutter contre son double (dont les deux yeux sont intacts), dans Disneyland lors d'une "Snake Plissken night" publique, retransmise sur les chaines TV du monde entier ! Dans un moment final de "mindfuck" incroyable,  le vrai Plissken, battu par son clone, se suicide, en se jetant dans le bassin à produire les clones (ce qui explique pourquoi dans le premier film, tout le monde le croit mort). Son clone, lorsqu'il comprend que son modèle est mort, absorbe ses émotions et ses souvenirs en touchant le fluide enveloppant son cadavre, et se met à pleurer, ressentant pour la première fois tous les sentiments cumulés par Plissken pendant toutes ces années. Ses larmes se transforment bientôt en larmes de sang, et après s'être relevé, et avoir dit pour la première fois "Appelez moi Snake !", il détruit les bassins à fabriquer les clones à la mitrailleuse, avant de tuer de Oral Turnwheel... Hauk, qui arrive en hélicoptère au milieu du chaos général, fait demi-tour, laissant le clone dont un oeil est devenu rouge, lui hurler des insultes... <em>"J'étais intéressé par ce projet parce-que j'adorais New York 1997, et Carpenter m'a laissé le champ libre pour écrire absolument ce que je voulais"</em> déclarait récemment Coleman Luck dans une interview exclusive pour le site de fans Theefnylapage. <em>"J'ai écrit un traitement, avant d'écrire le script complet. John n'a eu aucune remarque sur le traitement, donc j'ai pu faire exactement tout ce que je voulais. Pour moi, la force de New York 1997 était que c'était une comédie noire, mariée à de l'action avec un compte à rebours. Le premier film se moquait beaucoup de New York, alors j'ai décidé de faire la même chose pour L.A. qui est une ville que j'adore. Bien entendu, la comédie la plus noire tourne autour de Snake lui-même. J'ai décidé d'en faire un clone, parce que cela retournait complètement ce qui se passe dans le premier film, et je pense toujours que c'était une idée brillante. Les fans auraient débattu du concept pendant des années. Bien entendu, ils auraient pété un câble, mais c'était exactement l'effet recherché. Lu comme ça, l'idée du clone peut vous sembler un cliché de SF, mais son exécution à l'écran l'aurait fait fonctionner. Il y avait une poésie, une beauté majestueuse et sinistre dans cette révélation que la mise en scène aurait fait passer."</em>Malheureusement pour Coleman Luck, Embassy, le studio qui avait produit le premier film, est mis en faillite et racheté par Coca-Cola Co. la semaine où il rend son scénario. <em>"Le projet est devenu partie intégrante de la liquidation de la société. J'ai été payé, mais ce fut un miracle."</em> Pire, Coca-Cola revend ensuite les droits à Dino de Laurentis, les droits films et vidéo se retrouvent ensuite séparés, et Plissken se retrouve bloqué par ce qu'il déteste le plus : un enfer légal corporatif. <em>"Les droits du personnage ont été bloqués à cause de ça pendant des années",</em> poursuit Coleman Luck, <em>"et quand finalement John Carpenter a réussi à les récupérer, il n'est pas revenu sur ma version. Je doute même qu'il l'ait jamais relue. Je pense que si Carpenter avait réalisé ma version, le film aurait été bien supérieur. A vrai dire, n'importe quel autre script aurait été supérieur que ce seau de vomi froid nommé Los Angeles 2013 qu'ils ont envoyé sur la tête du public."</em>

Escape From L.A. : la version Peter Briggs

Pendant ce temps, le culte de l'oeuvre originale continue de grandir. Kurt Russell devient une mega-star. Les ventes en vidéo cartonnent, et le public, qui n'est pas au courant des problème légaux autour du personnage, continue à réclamer <em>Escape From L.A.</em> que Carpenter annonce depuis 1985. Exaspéré par l'attente, un autre scénariste décide de tenter sa chance : "J'avais lu une interview de John Carpenter dans Starlog, ou Starburst, ou il avait annoncé qu'il pensait réaliser Escape From L.A." nous confie le scénariste de Hellboy Peter Briggs, depuis la Suède où il prépare actuellement son premier film, Panzer 88."J'avais vu New York 1997 tellement de fois, que je pouvais raconter le film à l'envers.Je venais de vendre, avec succès, en 1991, mon scénario original de Alien vs Predator à Lawrence Gordon à la Fox, et je venais d'avoir mon baptême du feu dans l'enfer du développement, en travaillant sur Judge Dredd. Le film est sorti finalement réalisé par Danny Cannon avec Stallone dans le rôle titre, mais quand je travaillais dessus, c'était un projet de Tony Scott avec Arnold Schwarzenegger. Après avoir été débarqué par les hautes instances, je caressais l'envie d'écrire un autre scénario basé sur une propriété déjà existante, mais dont je pouvais contrôler l'écriture de bout en bout avant de le vendre, au lieu d'être un singe à la merci de joueurs d'orgue complètement défoncés. Alors, Escape From L.A. ? Quelques années avant j'avais écrit l'adaptation des mémoires de Robert Mason, Chickenhawk, à propos de pilotes d'hélicoptères au Vietnam. J'avais envoyé le script à Carpenter, qui avait dit dans une interview être intéressé pour réaliser Chickenhawk (Carpenter possédait alors une compagnie de location d'hélicoptères). Je n'avais pas d'agent, mais j'avais quand même expédié une copie du script à la Gersh Agency à Los Angeles. Je n'ai évidemment jamais eu de réponse. Mais maintenant, j'étais représenté par Steve Kenis, alors le directeur de la section anglaise de la prestigieuse William Morris Agency. Peut être que c'était ma chance".

Fresno Bob et William Gibson

<em>"Pour moi, l'histoire de Escape From L.A. devait être celle de Fresno Bob"</em>, poursuit Peter Briggs. <em>"Souvenez-vous, dans le film original, Bob est mentionné par Plissken à Harold "Brain" Hellmann lors de leur première rencontre. Quelque chose est arrivé à Bob, au cours d'un hold-up qui a mal tourné. Quelque chose que l'on présume horrible. Et je me suis dit, "et si Bob n'était pas mort ?" J?en ai fait un ancien des Forces Speciales Black Light, comme Snake. Peut être que ses talents pourraient êtres utilisés dans la suite ?"</em>Briggs poursuit : <em>"On sort alors tout juste des 80?s. La littérature cyberpunk explosait, avec notamment William Gibson. Si vous êtes fans de Plissken, vous devez avoir lu "Burning Chrome". La nouvelle-titre du recueil raconte comment un groupe de cyber-cowboys ex-militaires survolent Leningrad pendant une guerre du futur. J'ai lu des interviews de William Gibson, ou il disait qu'il adorait New York 1997, et cet aspect de sa nouvelle était très influencée par le film de Carpenter, l'histoire de Snake et des Black Light. Du coup, ma version de Escape From L.A., était très influencée par William Gibson".</em>La version écrite par Peter Briggs suit les ramifications de <em>New York 1997</em>.  Après que Snake a saboté le discours du président à la fin du premier film, une nouvelle guerre mondiale est déclarée. Pendant que la majorité des jeunes américains sont au front, les barons de la drogue de l'Amérique du sud ont envahi les USA, et pris le contrôle de toutes les villes clés. Quand l'armée américaine rentre au pays, les villes font l'objet de batailles, et leur contrôle est repris une par une. La dernière ville à résister est Los Angeles. Les militaires l?encerclent, mais les dealers les maintiennent à distance. Un sénateur américain est kidnappé par les méchants, qui réclament un traité leur octroyant la propriété de la ville entière de L.A. Snake, devenu chasseur de primes, refuse d?aider l?armée, jusqu'à ce qu'il découvre que Fresno Bob, émigré en Amérique du sud, ou il s'est allié aux Cartels, est impliqué dans l?enlèvement. Il s'introduit donc dans Los Angeles à bord d'un B2, avec un commando des forces armées. Bien évidemment, tout se passe de travers, et leur avion est descendu au dessus de L.A. au cours d'un raid anti-aérien. Snake et les survivants doivent traverser la ville de Los Angeles ramenée à l'état sauvage, pour extraire le sénateur !Le scénario comprend des tas de séquences ahurissantes, et un final explosif, où le commando brise les barrières de protections de L.A., donnant le champ libre à Rehme pour prendre la ville d'assaut avec des hélicoptères de combat. Snake, armé d'un simple couteau de chasse, se bat contre Bob dans un Power Suit, et perd, après avoir tenté de l'écraser avec un bus que son ancien collègue met en pièces. <em>"Si ca vous dit quelque chose, c'est normal : ca ressemble au final d'un film récent qui s'appelle Avatar, bien que j'avais écrit cette scène près de 20 ans auparavant !"</em>, poursuit Peter Briggs. Au cours du final, le sénateur est extrait à bord d'un hélicoptère, qui est attaqué par Fresno Bob toujours dans le Power Suit. Snake réussi à le tuer, en l'envoyant valser dans le lac privé du rappeur, où il coule, incapable de sortir de l'armure devenue inopérante. Une fois arrivé dans la section libre de Los Angeles, le sénateur, qui est toujours aussi défoncé, subtilise un pistolet, et se tire une balle dans la tête, déclenchant la panique générale. "Encore raté..." offre Snake, avant de partir dans la nuit...

Six mois trop tard

<em>"Le script fini, je l'ai amené à mon agent, le même qui m'avait vendu Alien VS Predator en une semaine quelques années plus tôt"</em>, continue Peter Briggs. "Non", a été sa réponse. "Les droits sont bloqués dans un labyrinthe juridique depuis la faillite de Dino de Laurentis (qui avait racheté les droits, NDLR). Tu n'arriveras à vendre ce projet à personne". J'ai tout tenté pour le convaincre de l'envoyer à Carpenter, à Kurt Russell, à Debra Hill la productrice, sans succès. J'ai donc décidé de laisser tomber. Un an plus tard, mon ami journaliste Alan Jones m'invite à la première anglaise de Dans l'Antre de la folie, de John Carpenter. Première suivie d'une soirée VIP, en présence de John. Des lumières ont explosées dans ma tête. J'ai rappelé mon agent, et un exemplaire du script a été envoyé dans les bureaux de Debra Hill à L.A.. J'avais tout calculé, pour que le moment auquel elle le reçoive soit le même moment où je remettrais une copie en personne à Carpenter. Après la projection du film, je suis allé au cocktail. Carpenter faisait le tour de tous les invités. Alan nous a présenté, et nous avons commencé à discuter. Carpenter était très sympa, et se souvenait avoir vu mon nom au sujet d'Alien VS Predator ou Judge Dredd. Mais quand je lui ai parlé de Chickenhawk, ses yeux se sont vraiment allumés. Il m'a surpris en explosant de passion. Il avait lu mon scénario, pourtant envoyé près de 10 ans auparavant, et il l'avait adoré. Après avoir discuté d'hélicoptères et du script, j'ai rassemblé mon courage, et lui ait confié que j'avais quelque chose d'autre à lui faire lire. "Mon agent a envoyé une copie à vos bureaux, mais j'ai un exemplaire avec moi...". Carpenter a souri, amusé, a extrait le script de l'enveloppe, lu le titre, et son visage s'est décomposé. "Ah, mec... non, non, non...". "Comment ?" me suis-je mis à bégayer,  "Mais je suis représenté..." "Ce n'est pas le problème", m'a coupé Carpenter, "si tu m'avais amené ce script il y a six mois, je l'aurai lu avec plaisir. Mais je viens de récupérer les droits, et de signer avec Kurt pour écrire cette suite. Le deal a été bouclé il y a tout juste deux jours, et sera dans les trades la semaine prochaine. Je ne peux pas le lire désormais, même si c'est le meilleur script du monde. Si seulement tu me l'avais fait parvenir plus tôt... désolé...".<em>Mon trajet retour à la maison à été le plus misérable dont je me souvienne. Les mots "si seulement tu m'avais amené ce script il y a six mois" rejouaient dans ma tête encore et encore. J'ai appelé mon agent le lendemain, et l'ai copieusement engueulé. Faible consolation, il était très conscient qu'il avait fait une erreur en refusant de démarcher le projet plus tôt. Comme Carpenter me l'avait dit, l'annonce est apparue dans les journaux. Le trailer est arrivé. Puis le film. J'ai détesté. Plus tard, j'ai lu une interview de Carpenter ou il a raconté notre rencontre, que je n'ai pas trouvée factuellement correcte. La planète a continué à tourner. Et du coup, un autre recueil de 120 pages d'arbre mort avec des séquences d'action super cool imprimées dessus continue à prendre la poussière dans un tiroir. Mesdames et Messieurs, c'était une autre de ces "a-presque-été-mais-n'a-jamais-été" histoires dont Hollywood regorge."</em>

Snake is back

Après bien des déboires juridiques, <em>Los Angeles 2013</em> arrive finalement sur les écrans l'été 1996. Kurt Russell est alors au sommet de sa popularité post-Stargate, et Carpenter a bénéficié d'un budget confortable de 50 millions de dollars (dont un tiers sont partis dans le cachet de Russell, qui est aussi co-scénariste avec Debra Hill). Malgré le plaisir de retrouver Snake sur grand écran, la sauce ne prend malheureusement pas, et la magie n'est plus au rendez-vous, même si Isaac Hayes fait une apparition non créditée au générique. Une partie de l'équipe essentielle du film original (le directeur photo Dean Cundey, le co-compositeur Alan Howarth) n'a pas répondu présent, et même James Cameron, qui démarche Carpenter et Debra Hill dès l'annonce du projet pour en réaliser les effets spéciaux avec sa compagnie Digital Domain comme au bon vieux temps, n'est pas de la partie (son devis est trop élevé). Une grossière erreur : c'est Buena Vista Special Effects qui récupère le job, et livre des dizaines de plans non terminés avant de fermer ses portes, engloutissant la totalité du budget SFX, et obligeant le studio à sortir le film en l'état. Malgré un état d'esprit neo-anarchiste toujours présent, une structure de toute évidence inspirée de la version de Coleman Luck (le film se termine lui aussi à Disneyworld), et <strong>une bande-annonce géniale préfigurant le politiquement correct actuel</strong>, le film fait un flop, ne remboursant que la moitié de son budget aux Etats-Unis. Se sentant dépassé par la réussite de James Cameron, et tout particulièrement de Terminator 2, Carpenter a tenté de singer son style pour <em>?Los Angeles 2013</em>, filmant en caméra multiples, augmentant le nombre de scènes d'actions, et donnant au film un montage très rapide. Mais ce style n'est pas le sien, et on peine à retrouver l'atmosphère du film original, jusqu'au final dans la clairière, quand enfin la caméra se pose, les plans se mettent à durer, et les enjeux explosent.Cette fin qui semble avoir été ajoutée en dernière minute (elle est absente du shooting script), sauve l'entreprise et les embarrassantes 88 minutes qui l'ont précédée. C'est un épilogue final époustouflant, un magnifique et poétique adieu au personnage, (Carpenter, figurativement, tue sa création en éteignant le hologramme, puis la lumière du projecteur), qui érige définitivement Snake Plissken au podium du panthéon du culte cinématographique du XXe siècle, ouvrant la voie à un remake inévitable pour le XXIe... 

La saga Snake Plissken

Il y a très exactement 32 ans, sortait dans les salles françaises New York 1997 de John Carpenter. Un film d'anticipation sombre et nihiliste, qui marquait la première apparition à l'écran de Snake Plissken (Kurt Russell), le hors-la-loi borgne aux cheveux longs avec un compte à rebours au poignet, qui n'en a <em>"rien à foutre de votre guerre, ou de votre président"</em>. Instantanément hissé au panthéon des icônes cinématographiques du XXe siècle, Plissken et son univers continuent à faire l'objet d'un culte. A l'heure où l'on annonce un nouveau projet de remake qui fait hurler les fans, retour sur l'histoire secrète du plus badass de tous les anti-héros.David FakrikianRemerciements à Peter Briggs et Coleman Luck.

"Call me Snake"

C'est un paradoxe. Une franchise qui ne comporte que deux épisodes, séparés de 15 ans. Un premier film, <em>Escape from New York</em>, (New York 1997, 1981), intouchable, mythique. Un second, <em>Escape From L.A.</em>, (Los Angeles 2013, 1996), à la fois suite et resucée, universellement déridé pour son ton parodique et ses effets spéciaux ratés, mais dont les 10 dernières minutes sont les plus chargées de sens jamais vues dans un blockbuster américain depuis longtemps. Une saga claudicante, donc (les fans fantasment toujours un imaginaire troisième et dernier épisode pour conclure la "trilogie",  <em>Escape From Earth</em>), à l'image de son héros, anarchiste jusqu'au-boutiste, présenté comme l'arme fatale ultime, mais qui se retrouve systématiquement ralenti par ses blessures et perd ses gros flingues dès les premières scènes d'action, avant de finir le film en boitant. Snake Plissken est une icône abîmée. Mais une icône qui continue à fasciner, et à exercer sur le cinéma d'action contemporain (Banlieue 13, Lock Out, Nikita - <strong>Luc Besson</strong> est un immense fan), ou les jeux vidéos (<em>Metal Gear Solid</em> et son Solid Snake) une rare influence. Au point qu'un remake est régulièrement annoncé dans les <em>trades</em>. Pour comprendre pourquoi, plus de 32 ans après le personnage continue de manifester une telle longévité, il faut revenir aux sources de sa création.

Il y a très exactement 32 ans, sortait dans les salles françaises New York 1997 de John Carpenter. Un film d'anticipation sombre et nihiliste, qui marquait la première apparition à l'écran de Snake Plissken (Kurt Russell), le hors-la-loi borgne aux cheveux longs avec un compte à rebours au poignet, qui n'en a "rien à foutre de votre guerre, ou de votre président". Instantanément hissé au panthéon des icônes cinématographiques du XXe siècle, Plissken et son univers continuent à faire l'objet d'un culte. A l'heure où l'on annonce un nouveau projet de remake qui fait hurler les fans, retour sur l'histoire secrète du plus badass de tous les anti-héros.David FakrikianRemerciements à Peter Briggs et Coleman Luck.