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Photo credit: Zade Rosenthal / Marvel Studios
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Idris Elba : de Sur Ecoute à Mandela

Idris Elba : "Mandela, le plus grand défi de ma vie"

Mandela ? Un long chemin vers la liberté, de Justin Chadwick, est un nouveau sommet dans la carrière d?Idris Elba, 41 ans, acteur atypique que son parcours a fait voyager entre l?Angleterre et les États-Unis et de la télé au cinéma. Rencontre avec un citoyen du monde.<strong>Par Gérard Delorme</strong>

Luther : de l'autre côté de la barrière

Dans la foulée, Elba tourne quelques films aux États-Unis (<em>Ghost Rider 2 ? L?Esprit de vengeance</em>, de Mark Neveldine et Brian Taylor ; <em>Thor ? Le Monde des ténèbres</em>, d?Alan Taylor) avant que <em>Sur écoute</em> ne s?impose en Angleterre avec quelques années de retard. Ce décalage permet à l?acteur de revenir en position de force dans son pays, où la chance lui sourit une deuxième fois lorsque la BBC le choisit pour incarner Luther, un policier aux méthodes peu orthodoxes, dans la série du même titre. L?occasion de passer de l?autre côté de la barrière : après le dealer, le flic. Ce rôle, il n?aurait jamais imaginé le jouer lorsqu?il était ado à Hackney, dans l?East London, où la série est en partie tournée. Les retrouvailles sont fructueuses : <em>« Quand j?étais gamin, je parcourais les rues à vélo jusque très tard dans la nuit. Des décennies après, je me retrouvais à arpenter ces mêmes rues que je connaissais si bien. »</em> S?il est à l?aise dans la peau de cet enquêteur rattrapé par ses démons, c?est aussi parce qu?il entretient un rapport privilégié avec le scénariste Neil Cross : <em>« Il écrit des dialogues que je peux m?approprier et, avec l?habitude, nous avons développé une confiance mutuelle. À la fin, lorsque l?un commençait une phrase de Luther, l?autre la finissait. »</em> Même si la série est terminée (la troisième et dernière saison sera diffusée en décembre sur Canal+), son succès a conforté la position de l?acteur et le personnage a un avenir au cinéma. Neil Cross y travaille en ce moment même.

Le défi d'une vie

Cette idée de mélange colle parfaitement à la coproduction internationale qu?est <em>Mandela ? Un long chemin vers la liberté</em>, de Justin Chadwick. Pourtant, lorsqu?on lui a proposé le film, l?acteur a cru à une farce. Il faut dire qu?il y avait de quoi être impressionné. Elba venait de tourner trois blockbusters à la suite et, d?un coup, on lui offrait la possibilité d?incarner une légende vivante. <em>« Ça a été le plus grand défi de ma vie, explique-t-il. Je me suis dit qu?il était temps de faire quelque chose d?important, de mettre mes peurs de côté et d?y aller. Je me suis inspiré de la confiance qui caractérise Mandela pour nourrir ma propre assurance et j?ai accepté. »</em>Une question épineuse concernait la ressemblance physique. Elba est un Africain de l?Ouest alors que Mandela est issu d?une tribu xhosa d?Afrique du Sud. À l?évidence, l?acteur devait chercher à se rapprocher de l?esprit de son modèle plus que de son apparence. Pour le reste, il s?est beaucoup documenté, lisant un grand nombre de livres et regardant des documentaires, ce qui lui a permis de se forger une idée assez précise de l?homme qu?était Mandela. Le plus difficile a cependant été d?obtenir de la prison de Robben Island l?autorisation de dormir une nuit dans une cellule. Personne n?y avait séjourné depuis les années 80, c?est aujourd?hui devenu un musée. À force d?insister, les autorités ont fini par céder. L?expérience a été difficile car on prétend que l?endroit est hanté. En plus des bruits métalliques qu?il a entendus à intervalles réguliers, Elba a clairement senti qu?un esprit était venu lui rendre visite. Surtout, il a réalisé ce que signifiait d?être privé de liberté. <em>« J?avais besoin de comprendre ce que ça représentait de passer dix-neuf ans dans ce lieu terrifiant, même si je n?y suis moi-même resté qu?une nuit. »</em>

Me Mandela

En s?identifiant mentalement à Mandela, l?acteur a pu saisir comment ce dernier a réussi à conserver sa santé mentale. Cette épreuve lui a aussi permis d?éprouver le passage du temps et de reproduire le vieillissement de l?homme, la modification de sa voix. S?il regrette une chose, c?est de ne pas avoir pu perdre de poids pour l?incarner après sa captivité ? les impératifs du tournage ont exigé qu?il interprète le jeune et le vieux Mandela en même temps. <em>« Si je pouvais recommencer, je tournerais les jeunes années d?abord puis je prendrais deux mois de pause pour maigrir »</em>, assure-t-il.Même si son métier d?acteur lui prend désormais la majeure partie de son temps, Elba continue malgré tout à faire de la musique. Il a été DJ et a déjà composé des morceaux de soul et de hip-hop. Le tournage de <em>Mandela ? Un long chemin vers la liberté</em> lui a par ailleurs inspiré une série de chansons qu?il a enregistrées à Johannesburg avec des artistes sud-africains. <em>« C?est un mélange de tout ce que j?écoutais pendant que je me préparais pour le film, de la house au reggae, en passant par la soul, raconte l?acteur. Toutes les compositions sont originales et chacune raconte une histoire sur ce que j?essayais de faire. »</em> L?album <em>Me Mandela</em> devrait sortir l?année prochaine et Elba en est très fier. À la question de savoir ce qu?il choisirait entre la musique et le cinéma, il hausse ses larges épaules, l?air de dire que le sort en est déjà jeté. Au vu des films sur lesquels il est engagé, son emploi du temps pour les années à venir semble effectivement déjà bien rempli...

Russell "Stringer" Bell

Au bout d?un moment, il décide de tenter sa chance aux États-Unis. « Question d?échelle », précise l?acteur, qui ne voudrait surtout pas déprécier l?industrie du cinéma britannique, qu?il juge totalement efficace. Mais il y a des limites à ce qu?un jeune comédien noir peut faire à Londres. Il se souvient : <em>« J?aurais pu tourner pour le grand écran, cela dit, il était plus probable que je sois amené à travailler pour la télévision. Aux États-Unis, il y a plus de débouchés, tout simplement parce que les salles de cinéma sont plus nombreuses, les budgets des films plus importants et les chaînes de télévision plus variées. » </em>Après avoir obtenu un visa à la fin des années 90, Elba a galéré à New York pendant quatre ans, multipliant les castings sans grand succès « parce que, dit-il, c?était très difficile de prendre l?accent et de me faire une place sur un marché quand même très saturé ». Un coup de chance comme on n?en a qu?une fois dans une vie arrive cependant lorsqu?on lui propose d?auditionner pour le pilote de la série HBO <em>Sur écoute</em>. Au bout du quatrième essai, il décroche le rôle du dealer businessman Russell « Stringer » Bell. Un moment décisif dont il se souvient : <em>« J?avais 30 ans à l?époque, je ne savais pas ce que me réservait l?avenir et, en à peine deux ans, je suis passé de l?anonymat complet à la célébrité. Sur écoute a vraiment lancé ce qui est maintenant ma carrière. »</em> Encore aujourd?hui, les gens qui ont l?occasion de le croiser dans la rue l?appellent Stringer Bell.

Un acteur global

De l?Angleterre aux États-Unis, de la télé au cinéma, du film indépendant au blockbuster, Elba change de registre avec une grande aisance, mais ça n?a pas été sans mal : <em>« Au cours des cinq dernières années, j?ai vraiment travaillé très dur et j?ai raté des moments de vie importants pour construire et consolider cette carrière. »</em> Pour ce qui est de la technique, il ne voit pas de différences dans la façon dont on fait des films des deux côtés de l?Atlantique. Et s?il préfère la capacité des Américains à raconter les choses visuellement, il avoue se trouver plus en phase avec ce qui s?écrit en Angleterre. Mais, de son point de vue, la mondialisation est inévitable : <em>« Notre planète est devenue plus petite depuis l?avènement d?Internet. L?avenir ressemblera à ces villes multiculturelles qu?on voit déjà dans les films d?anticipation. Je crois en un grand melting-pot qui rassemblera des talents venus d?Amérique, d?Angleterre et d?Australie. »</em>

De l'est de Londres aux séries télé

Révélé par son rôle de dealer dans la série <em>Sur écoute</em> (<em>The Wire</em>), Idris Elba a ensuite incarné des personnages qui ont en commun d?imposer le respect, qualité qui lui vient en grande partie d?un physique impressionnant. Il l?est encore plus dans la réalité. Lorsqu?il fait irruption avec son 1,90 m et ses imposants deltoïdes, la pièce paraît plus petite. Il est coiffé d?un bonnet et retire ses lunettes aux verres teintés pour vous fixer d?un regard assuré et bienveillant. Il est l?incarnation du self-made-man qui ne doit sa situation qu?à son travail et à sa volonté. Fils unique de parents immigrés (son père est originaire de la Sierra Leone, sa mère du Ghana), le jeune Idrissa Akuna Elba a grandi dans l?Est de Londres. Adolescent, il a décidé de suivre l?exemple de son héros Marlon Brando plutôt que de travailler en usine comme son père. Après avoir suivi des cours de théâtre, il survit de petits boulots tout en essayant de se faire un nom, à la fois comme DJ et comme figurant dans des séries télé.

Mandela – Un long chemin vers la liberté, de Justin Chadwick, est un nouveau sommet dans la carrière d’Idris Elba, 41 ans, acteur atypique que son parcours a fait voyager entre l’Angleterre et les États-Unis et de la télé au cinéma. Rencontre avec un citoyen du monde.Par Gérard Delorme